Lorfque l’homme eft parfait, les tégumens du limon
fe déchirent, comme dans les douleurs de l’en-.
fantement ; la terre aride environnante s’entr’ouvre>
8c la génération fpontanée s’acheve.
La nature a reiùfé'à l’homme ce qu’elle a accordé
aux bêtes; elle lui a fait des befoins particuliers. Delà
l’invention des vêtemens 8c d’autres arts.
Ses mains ont été les fources les plus fécondes de fes
connoiflànces. C’eft de-là que lui eft venue la connoif-
lance de fa force 8c de fa lupériorité fur les animaux’.
L’exercice des fens ne fe fait pas fans obftacle. 11 a
fallu les lever;
Lorfque l’aâion des fens eft fufpendue, 8c que lé
mouvement celle dans l’animal, làns qu’il y ait aucun
obftacle extérieur, aucun vice interne , l’animal continue
de vivre. Il faut donc chercher en lui quelque
Organe fans le fecours duquel les autres ne puilfent
vaquer à leurs fondions. Cet organe eft le coeur.
Lorfque l’animal eft mort, lorfque la vie n’y eft
plus , fans qu’on remarque dans fa configuration 8c
dans fes organes aucun dérangement qui en anéantiflê
les opérations, il faut en conclure qu’il y a un prin*
cip'e particulier 8c antérieur dont toute l’économie
dependoit.
Lorfque ce principe s’eft retiré, l’animal reftant entier
; quelle apparence qu’il revienne, l’animal étant
détruit?
Il y a donc deux chofes dans l’animal, le principe
par lequel il vit, & le corps qui fert d’inftrument au
principe. La partie noble c’eft le principe ; le corps
eft la partie vile.
Il faut le dépofer dans le tems , lorfque le principe
vivifiant s’en eft retiré. Un être vraiment étonnant,
prétieux 8c digne d’admiration, c’eft le feu.
Sa force eft furprènante ; fes effets prodigieux ; la
chaleur du coeur ne permet pas de douter que le feu
n’anime cet organe, 8c ne foit le principe de fon aétion.
La chaleur fubfifte dans l’animal, tant qu’il vit ;*
elle n’eft dans aucune partie aufli grande qu’au coeur.
A la mort, elle ceffe. L’animal eft froid.
Cette vapeur humide 8c chaude du coeur qui
fait le mouvement dans l’animal, eft fa vie.
Malgré la multitude 8c la diverfité des parties dont
l’animal eft compofé ; il eft un relativement à l’ef-
prit. L’efprit y occupe un point central d’où il commande
à toute l’organifation.
L’efprit eft un. Il communique avec les membres
par des fibres 8c des canaux. Coupez, anéantiffez,
enibarraffez la communication de l’efprit à un membre
8c ce membre fera paralyfé.
Le coeur envoie l’efprit au cerveau; le cerveau le
diftribue dans les arteres. Le cerveau abonde en ef-
prit. Il en eft un réfervoir.
Si par quelque caufe que ce foit, un organe eft privé
d’efprit, fon aftion ceffe. C’eft un infiniment inutile
8c abjeél.
Si l’efprit s’échappe de tout le corps ; s’il fe con-
fùme en entier, ou s’il fe diffout, le corps refte fans
mouvement ; il eft dans l’état de mort.
De la comparaifon de l’homme avec les autres
êtres , il fuit qu’elles ont des qualités communes 8c
des qualités différentes. Qu’ils font uns dans les convenances
; variés 8c plufieurs, dans les difconvenan-
ces. Le premier coup d’oeil que nous jettons fur les propriétés
des chofes , nous inftruit de toute la richeffe
de la nature.
Si l’efprit eft un. Le corps eft un relativement à la
continuité 8c à fon économie. C’eft un même organe
qui a différentes fondions fur fa longueur, félon le
plus ou le moins d’énergie de l’efprit.
11 y a auffi une forte d’unité fous laquelle on peut
conliderer tous les animaux ; même organifation,
même fens, même mouvement, même fonction, même
vie> même efprjt.-
L’efprit eft un, les coeurs font différens. La différence
eft dans les vaiffeaux 8c non dans la liqueur.
L’efpece eft une. Les individus différens; mais cette
différence eft femblable à celles des membres, qui
n’empêche point la perfonne d’être une.
Il y a dans toute efpece d’animaux la fenfâtion, la
nutrition 8c le mouvement fpontané. Ces fondions
communes font propres à l’efprit ; les autres fondions
diverfes dans les différentes efpeces d’animaux lui api
partiennent moins fpécialement.
L’efprit eft un dans tout le genre animal, quoiqu’il
y ait quelque différence légère dans fes fondions,
d’une efpece d’animaux à une autre. Le genre animal
eft un.
Quelque diverfité que nous remarquions dans le
port, la tige, les branches, les .fleurs , les feuilles,
les fruits, les femences des plantes, elles vivent, elles
croiffent, elles fe nourriffent de même. Le genre
en eft un.
Le genre animal 8c le genre végétal ont des qualités
communes , telles que l’acçroiffement 8c la nutrition.
Les animaux fentent, conçoivent ; les plantes
ne font pas tout-à-fait privées de ces qualités. On
peut donc renfermer par la penfée ces deux genres 8c
n’en faire qu’un.
Les pierres, la terre, l’eau, l’air, le feu, en un mot
tous les corps qui n’ont ni fentiment, ni accr.oiffe-
ment, ni nutrition, ne different entr’eux que comme
les colorés 8c les non-colorés, les chauds 8c les froids,
les ronds 8c les quarrés. Mais ce qui eft chaud peut
fe refroidir, ce. qui eft froid fe rechauffer , ce qui eft
coloré s’obfcurcir , ce qui eft obfcur fe colorer ; les
eaux fe changent en vapeurs, les vapeurs fe remets
tent en eau ; ainfi, malgré l’apparence de la diverfité
il y a unité.
Mais c’eft la diverfité des organes qui fait la diverfité
des aérions ; les aérions ne font point effentiel-
les ; appliquez le principe de l’aérion de la même maniéré
, 8c vous aurez les mêmes adions ; appliquez-
le diverfement vous aurez des adions différentes;
mais tous les êtres étant convertibles les uns dans
les autres, il n’y a que le principe de l’adion qui foit
un. Il eft commun à tous les êtres , animés ou inanimés,
vivans ou brutes, mus ou en repos.
Toute cette variété répandue dans l’univers dil—
paroit donc aux yeux de l’homme attentif. Toutfe
réduit à 1’unité.
Entre les qualités des corps naturels, les premières
qu’on remarque ce font la tendance en haut dans
les uns , tels que l’air, le feu, la fumée, la flamme ;
8c la tendance en bas dans les autres, tels que l’eau,
la terre, les,pierres.
Il n’y en a point qui foit abfolument privé de l’un
8c de l’autre de fes mouvemens, ou parfaitement en
repos, à moins qu’un obftacle ne l’arrête.
La pefanteur 8c la légèreté ne font pas des qualités
des corps comme tels ; fans quoi il n’y auroit point
de grave qui n’eût quelque légèreté, ni de léger
qui n’eût quelque pefanteur. La pefanteur 8c la légèreté
font donc de quelque chofe fur ajoutée à la notion
de corporéité.
L’effence des graves & des légers eft donc com-
pofée de deux notions; l’une commune, c’eft la corporéité
; l’autre différente, c’eft ce qui conftitue grave
le corps grave, & léger le corps léger.
Mais cela n’eft pas vrai feulement des graves &
des légers , mais de tout en général. L’effence eft
une notion compofée de la corporéité 8c de quelque
chofe fur-ajoutée à cette qualité.
L’efprit animal qui réfide dans le coeur, a nécef-
fairement quelque chofe de fur-ajbuté à fa corporéité
, qui le rend propre à fes fondions admirables
: c’eft la notion de ce quelque chofe qui conftitue
fa forme 8c fa différence : c’eft par elle qu »•
eft ame animale ou fenfitiye.-
Ce qui opéré dans les plantes les effets de la chaleur
radicale dans les animaux, s’appelleamevégétative-.
Ces qualités fur-ajoutées ou formes fe diftinguent
par leurs effets.
Elles né tombent pas toujours fous le fens. La
raifon les foupçonne.
La nature d’un corps animé, c’eft le pnncipé particulier
de ce qu’il eft, & de ce qui s’y opéré.
L’effënce même de l’efprit confifte dans quelque
chofe de fur-ajouté à la notion de corporéité.
Il; y a une forme générale 8c commune à tous les
êtres dans laquelle ils conviennent, 8c d’où émanent
une ou plufieurs adions; outre cette forme commune
8c générale, un grand nombre ont une forme
commune particulière fur-ajoutée, d’où émanent une
ou plufieurs adions particulières à cette forme fur-
ajoutée. Outre cette première forme fur-ajoutée,
un grand nombre de ceux auxquels elle eft commune,
en ont une fécondé fur-ajoutée particulière
d’où émanent une ou plufieurs adions particulières
à cette fécondé forme fur-ajoutée.Outre cette
fécondé forme fur-ajoutée, un grand nombre de
ceux à qui elle eft commune, en ont une troifieme
particulière fur-ajoutée d’où émane une ou plufieurs
adions particulières à cette troifieme forme iùr-ajou-
tée, 8c ainfi de fuite.
Ainfi les corps terreftres font graves, 8c tombent.
Entre les corps graves 8c qui tombent, il y en a qui
fe nourriffent 8c s’accroiffent. Entre les corps graves
& qui tombent, & qui fe nourriffent 8c s’accroiffent,
il y en a qui fentent & fe meuvent. Entre les corps
graves 8c qui tombent, 8c qui fe nourriffent 8c s’accroiffent
, 8c qui fentent 8c le meuvent, il y en a. qui
penfent.
Ainfi toute efpece particulière d’animaux a une
propriété commune avec d’autres efpeces, 8c une
propriété fur-ajoutée qui la diftingue.
Les corps fenfibies qui rempliffent dans ce monde
le lien de la génération 8c de la corruption, ont
plus ou moins de qualités fur-ajoutées à celle de la
corporéité, 8c la notion en eft plus ou moins compofée.
' Plus les adions font variées, plus la notion eft
compofée, 8c plus il y a de qualités fur-ajoutées à la
corporéité.
L’eau a peu d’adions propres à fa forme d’eau.
Ainfi la notion ni la compofition ne fuppofent pas
beaucoup de qualités fur-ajoutées.
Il en eft de même de la terre 8c du feu.
Il y a dans la terre des parties plus fimples que
d’autres.
L’air l’eau la terre, & le feu fe convertiffant les
11ns dans les autres, il faut qu’il y ait une qualité
commune. C’eft la corporéité.
Il faut que la corporéité n’ait par elle-même rien
de ce qui caradérife chaque élément. Ainfi elle ne
fuppofe ni pefanteur ni légéreté,ni chaleur ni froid,
ni humidité ni féchereffe. 11 n’y a aucune de ces qualités
qui foit commune à tous les corps. Il n’y en a
aucune qui foit du corps en tant que corps.
Si l’on cherche la forme fur-ajoutée à la corporéité
qui foit commune à tous les etres animes ou
inanimés, on n’en trouvera point d’autre que l’eten-
due conçue fous les trois dimenfions. Cette notion
eft donc du corps comme corps.
Il n’y a aucun corps dont l’exiftence fe mani-
fefte aux feris par la feule qualité d’étendue fur-
ajoutée à celle de corporéité; il y en a une troifieme
fur-ajoiitée.
La notion de l’étendue fuppofe la notion d’un fu-
jet de l’étendue : ainfi l’étendue 8c le corps different.
La notion du corps eft compofée de la notion de
Ja corporéité 8c de la notion de l’étendué. La corporéité
eft de la matière ; l’étendue eft de la forme.
La corporéité eft confiante ; l’étendue eft variable
à l’infini.
Lorfque l’eau eft dans l’état que fa forme exige -,
on y remarque un froid fenfible ,un penchant à défi* •
cendre d’elle-même; deux qualités qu’on ne peut
lui ôter fans détruire le principe de fa forme, fans
en féparer la caufe de fa maniéré d’être aqueufe ;
autrement, des propriétés effentielles à une forme
pourroient émaner d’une autre.
Tout ce qui eft produit, fuppofe un produifant;
ainfi d’un effet exiftant, il exifte une caufe efficiente.
Qu’efl-ce que l’effence' d’un, corps ? C ’eft une- dif-
polition d’où procèdent fës aérions, ou une aptitude
à y produire fes: mouvemens.
Les aérions des corps ne font pas d’elles-mêmes ,
mais de la caufe efficiente qui a produit .. dans les
corps les attributs qu’ils on t, & d’où ces aérions-
émanent.
Le ciel & toutes les étoiles font des corps qui
ont longueur, largeur 8c profondeur. Ces corps né
peuvent.être infinis ; car la notion d’un corps infini
eft abfurde.
Les corps céleftes font finis par le côté qu’ils nous
préfentent ; noUs avons là-deffus le témoignage dé
nos fens. Il eft impoflible que par le côté oppofé, ils
s’étëndent à l’infini. Car foient deux lignes parallèles
tirées des extrémités du corps, 8c s’enfonçant
ou le fuivant dans toute fon extenfion à l’infini;
qu’on ôte à l’une de ces lignes une portion finie ;
qu’on applique cette ligne moins cette portion co,^
pée à la parallèle qui eft entière, il arrivera de deux
chofes l’une ; ou qu’elles feront égales, ce qui eft
abfurde, ou qu’elles feront inégales, ce qui eft en-,
core abfurde ; à-moins qu’elles ne foient l’une 8c
l’autre finies, 8c par conféquent le corps dont elles,
formoient deux côtés.
Les . cieux fe meuvent circulairement ; donc lé
ciel eft fphérique. •-
La fphéricité du ciel eft encore démontrée par-
l’égalité des dimenfions des aftres à leur lever, à
leur midi & à leur coucher. Sans cette égalité, les.
aftres feroient plus éloignés ou plus voifins dans
un moment que dans un autre.
Les mouvemens céleftes s’exécutent en plufieurs
fpheres contenues dans une fphe.re fuprème qui les
emporte toutes d’orient en occident dans l’inter--
yalle d’un jour & d’une nuit.
II faut confidérer l’orbe célefte 8t tout ce qu’il,
contient, comme un fyftème compofé de parties
unies les unes aux autres, de maniéré que la terre,
l’eau, l’air , les plantes, les animaux 8c le refte des-
corps renfermé fous la limite de cet orbe , forment
une efpece d’animal dont les aftres font les organes
de la fenfâtion, dont les fpheres particulières-
font les membres, dont les excrémens font caufe
de la génération 8c de la corruption dans ce grand,
animai, comme on le remarque quelquefois, que les-
excrémens des petits produilent d’autres animaux.
Le monde elt-il éternel, ou ne l’eft-il pas ? C’eft
une queftion qui a fes preuves également fortes pour
8c contre.
Mais, quèl que foit le fentiment qu’on fuive, on
dira: fi le monde n’eft pas éternel, il a une caufe
efficiente : cette caufe efficiente ne peut tomber fous
le fens, être matérielle ; autrement elle feroit par-,
tie du monde. Elle n’a donc ni l’étendue 8c les autres
propriétés du corps ; elle ne peut donc; .agir
fur le monde. Si le monde eft éternel, le mouve-*
ment eft éternel ; il n’y a jamais eu de repos. Mais
tout mouvement fuppofe une caufe motrice hors de
lui : donc la caufe motrice du monde feroit hors de
lui; il y auroit donc quelque chofe d’abftrait, d’anté-»
rieur au monde, d’incomparable, & d’anomal à toutes
les parties qui le çompofent, .. . ^