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Mecque. Le falot prophète ne fayoit ni lire ni é.crijre :
de-là la haine des premiers mufulmans contre toute
efpece de connoiiiance ; le mépris qui s’en eft perpétué
chez leurs fucceffeurs ; & la plus longue durée
garantie aux menfonges religieux dont ils font entêtés
.F
oye{ à l'article A rabes ce qui concerne les Nomades
6c les Zabiens.
Mahomet fut fi convaincu de l’incompatibilité d.e
la Philofophie & de la Religion, qu’il décerna peine
de mort contre celui qui s’appliqueroit aux arts libéraux
: c’ell le même préfl'entiment dans tous les teins
& cheî tous les peuples , qui a fait hafarder de décrier
la raifon.
Il étoit environné d’idolâtres , de zabieps, de juifs
& de chrétiens. Les idolâtres ne tenoient à rien ; les
zabiens étoient diviies ; les juifs nnferables 6c me-
prifçs ; 6c les chrétiens partagés en monophyfites ou
jacobites 6c orthodoxes, fe déchiroient. Mahomet |
fut profiter de ces circonftances pour les amener tops
à un culte qui ne leur laifloit que 1 alternative de choi-
lir de belles femmes., ou d’être exterminés.
Le peu de lumière qui reftoit s’affoiblit au milieu
du tumulte des armes,& s éteignit au lein de |a volupté
; î’alcoran fut le feul livre ; on brûla les autres , ou
parce qu’ils étoient fuperflus s’ils ne contenoient que
ce qui eft dans l’alcoràn, ou parce qu ils etoient pernicieux
, s’ils contenoient quelque choie qui n’y fut
pas. Ce fut le raifonnement d’après lequel un des généraux
farrafins fit chauffer pendant fix mois les
bains publics avec les précieux manufcrits de la bibliothèque
d’Alexandrie. On peut regarder Mahomet
comme le plus grand ennemi que la raifon humaine
ait eu. Il y avoit un fiecle que fa religion etoit établie,
& que ce furieux impofteur n’etoit plus, lorfqu’On
entendoit des hommes remplis de fon efptit s’écrier
que Dieu puniroit le calife Almamon, pour avoir
appellé les fciences dans les états , au détriment de
la lainte ignorance des fideles cro.yans; & que fi quelqu’un
l’imitoit, il falloir l’empaler,6 c le porter.ainfi
de tribu en tribu.,, précédé d’un héraut qui diroit,
voilà quelle a été 6c quelle fera la réçompenfe de
l’impie qui préférera la Philofophie à la tradition &:
au divin alcoran.
Les Ommeades qui gouvernèrent jufqu’au milieu
du fécond fiecle de l’hégire, furent des défenfeurs
rigoureux de la loi de l’ignorance, & de la politique
du faint prophète. L’averfion pour les Sciences 6c
pour les Arts fe ralentit un peu fous les Abafîides. Au
Commencement du jx. fieclè, Abul-Abbas Al-Mamon
6ç fes fucceffeurs, inftituerent les pèlerinages, éleve-
rfent des temples, prefcrivirent des prières publiques,
6c fe montrèrent fi religieux, qu’ils purent accueillir
la fcience 6c les favans fans s’expofer. '
Le calife Walid défendit aux chrétiens l’ufage de
la lapgue greque ; & cet ordre fingulier donna lieu à
quelques traduirions d’auteurs étrangers en arabe.
* Abug-Jaafar Al-manfor, fon fucceffeur, ofa attacher
auprès de lui un aftrologue 6c deux médecins
chrétiens , 6c étudier les Mathématiques 6c la Philofophie
: on vit paroître fans fcandale deux livres
d’Homere traduits en fyriaque , 6c quelques autres
ouvrages.
Abug-Jaafar Haron Rafchid marcha fur les traces
d’Al-manfor, aima la poéfie, propofa des récompen-
fes aux hommes de lettres, 6c leur accorda une protection
ouverte.
Ces fouverains font des exemples frappans de ce
qu’un prince aimé de fes peuples peut entreprendre
6c exécuter. Il faut qu’on fâche qu’il n’y a point de religion
que les mahométans haïffent autant que la chrétienne
; que les favans que ces califes abaflides raf-
femblerent autour d?eux,‘étoient prefque tous chrétiens
; 6c que le peuple heureux fous leur gouvernement,
ne fongea pas'à s’en offenfer.
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Mais le régné d’Al-Mamon, ou Abug Jaafar Abdallah
, fut celui des Sciences, des Arts, 6c de la .Philofophie
; il donna l’exemple, il s’inftruifit. C.eux qui
prétendoient à fa faveur, cultivèrent les fciènces. ü
encouragea fes Sarrajins ,à étudier ; il appella à fa
cour ceux qui paftoient pour verlés dans la littérature
grecque, juifs., chrétiens, arabes ou autres, là ns
aucune diftinClion de religion.
On fera peut-être furpris de voir un prince mu-
fulman fouler aux pies fi fierement un des points les
plus importans de la religion dominante ; mais il faut
confidérer que la plupart des habitans de l’Arabie
étoient chrétiens ; qu’ils exerçoicnt la Médecine,
connpiffance également utile au prince 6ç au prêtre,
au 1 iijet hérétique 6c au fu jet orthodoxe ; que le commerce
qu’ils faifoient les rendoit importans ; 6c que
malgré qu’ils en euffent, par une fupériorité nécef-
fifire des lumières fur l'ignorance , les Sarrajins leur
accordoiept de l’eftime 6c fie la vénération. Philo-
pone, phiiofophe ariftotçliçien, fe fit refpeéfor d’Am-
ram , général d’Omar, au milieu du fac d’Alexandrie.
Jean Mefpé fut verfé dans la Philofophie, les Lettres
& la Médecine ; il eut une école publique à Bag-
dat ; il fut protégé des califes , depuis Al-Rashide Al-
Mamom, jufqu’à Al-Motawaccille ; il forma des disciples
, parmi lefquels on nomme Honam Ebn Ifaac,
qui étoit arabe d’origine , chrétien de religion , &
médecin de profeffion.
Honani traduifit les Grecs en arabe , commenta
Euclide , expliqua l’alniagefte de Ptolomée , publia
les livres d’Eginete, 6ç la forpme philofophique arif-
tatélique de Nicolas , en fyriaque , 6c fit çonnoître
par extraits Hippocrate 6ç Galien.
Les fouverains font de l’elprit des peuples tout ce
qu’ il leur plaît ; au tems de Mefué , ces fuperftitieux
mufulmans, ces féroces çoniempteurs de la raifon,
voyoient fans chagrin une école publique de philo-.
fophie s’ouyrir à côté d’une mofquée.
Cependant les imprudens chrétiens attaquoient
l’alcoran, les juifs s’ en rpoçquoient, les philofophes
le négligeoient , 6ç les fideles croyans fentoient la
néceffité de jour en jour plus urgente de recourir à
quelques hommes inftruits & perfaadés, qui défèn-
diffent leur culte, 6c qui repouftaffent les. attaques!
de l’impiété. Cette néceffité les réconcilia encore
avec l’érudition ; mais, bientôt on attacha une foule
de fens divers aux pafîages obfcurs.de l’aLçoran ; l’un
y vit une chofe, un autre -y vit une autre choie ; on
difputa, 6c l’on, fe divifa en feftes qui fe damnèrent
réciproquement. Cependant l’Arabie . la Sy r ie , la
Perle , l’Egypte , fe peuplèrent de philofophes., 6c
la lumière échappée d.e ces contrées commença à
poindre en Europe.
Les contemporains 6c les fucceffeurs d’Al-mamoa
fe conformèrent à fon goût pour les fciences ; elles
furent cultivées, jufqu’au nioment où effrayées ,
elles s’enfuirent dans la Perfe, dans la Scythie & la.
Tartarie,devantTamerlan. Unfecond fléau fuccéda
à ce# premier ; les Turcs, renve.rferent- l’empire des
Sarrajins, 6c la barbarie le renouvella avec fes téne-
i br.es^
Ces événemens qui abrutiffoient des peuples,. en
; civilifoient d’autres., lestranfmigrations forcées con-
duifirent quelques favans en Afrique 6c dans l’Efp.a-,
| gne, 6c ces, contrées s’éclairèrent.
Après avoir fuivi d’un coup-d’oeil rapide les.révo*
lutions de la fcience chez les Sarrajins, nous allons
; nous arrêter fur quelques détails.
Le mahométifme eft divifé en plus.de foixante ôc
dix feétes : la diverfit,é des opinions, tombe particulièrement
fur l’unité de Dieu & fes attributs , fes decrets
6c fon jugement, fes protneffes 6c les châtimens,
la prophétie & les fonctions du facerdoce : de-là les
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HaniStêS, les Melkites, les SchafîteS, les HcnbâlitèS,
les Mutazalites, &c. . . . 6c toutes ces diftinRions extravagantes
qui font nées, qui naiffentSc qui naîtront
d’ans tous les tems 6c chez tous les peuples oü l’on ap-^
pliquerales notions de la Philofophie aux dogmes de
la Théologie. La fureur de concilier Ariftote avec
Mahomet, produifit parmi les mufulmans les mêmes
folies que la même fureur de concilier le même phiiofophe
avec Jefus-Chrift avoit produites ou produis
fît parmi les chrétiens ; ils eurent leur al-calam ou
théofophie.
Dans les commencemens les mufulmans prou-
voient la divinité de l’alcoran avec un glaive bien
tranchant : dans la fuite, ils crurent devoir employer
auffi la raifon ; & ils eurent une philofophie 6c une
théologie fcholaftique, 6c des moliniftes 6c des janfé*
niftes , 6c des déifies 6c des pyrrhoniens , 6c des
athées 6c des fceptiques.
Alkinde naquit à Bafra de parens illuftres ; il fut
chéri de Al-Mamon, de Al-Mofateme & de Ahmede;
il s’appliqua particulièrement aux Mathématiques 6c
à la Philofophie : Ariftote étoit deftiné à étouffer ce
que la hature produiroit de genie chez prefque tous
les peuples; Alkindi fut une de fes vittimes parmi
les Sarrajins. Après avoir perdu fon tems aux c a t é gories
, aux prédicamens , à l’art fophiftique > il fe
tourna du côté de la Médecine avec le plus grand
fj.iccès ; il ne négligea pas la philofophie naturelle ;
fes découvertes le firent foupçonner de magie. Il
avoit appliqué les Mathématiques à la Philofophie ;
il appliqua la Philofophie à la Médecine ; il ne vit
pas que les Mathématiques détruifoient les fyftèmes
en Philofophie,; 6c que la Philofophie les introduifoit
en Médecine. Il' fut eccle&lque en religion ; il montra
bien à un interprète de la loi qui le dechiroit publiquement
, 6c qui avoit même attente à fa v ie , la
différence de la Philofophie 6c de la fuperfiition ; il
aurpit pu .le châtier , ou employer la faveur dont il
jouiffoit à ia cour, 6c le perdre ; il fè contenta de le
réprimander doucement, 6c de lui dire : « ta religion
» te commande de m’ôter la v ie , la mienne de te ren-
» dre meilleur fi je puis,: viens que je t inftruife , 6c
» tu me tueras après fi tu veux ». Que penfe-t-on
qu’il apprit à ce prêtre fanatique? l’Arithmétique 6c
la Géométrie. Il n’en fallut pas davantage pour l’adoucir
6c le réformer ; c’eft peut-etre ainfi qu’il en
faudroit ufer avec les peuples féroces, fuperftitieux
6t barbares. Faites précéder le millionnaire par un
géomètre ; qu’ils fâchent combiner des vérités, 6c
puis vous leur ferez combiner enfuite des idées plus
difficile^.; .. . . .
Thabit fuivit la méthode d’Àîkindi ; il fiit géomètre
, phiiofophe, théologien 6c médecin fous le calife
Mootade. Il naquit l’an de l’hégire z z i , 6c mourut
l’an de la même époque z88.
Al-Farabe méprifa les dignités & la richefle, s’en-
fiùt de la maifon paternellç , 6c s’en alla entendre
Mefué à Bagdad; il ^occupa de la Dialeétique, de la
Phyfique, de la Méthaphyfique, 6c de la Politique ;
il joignit à ces études celles de la Geometrie , de la
Médecine, 6c de l’Aftronomie , fans lefquelles on ne
fe diftinguqit pas dans l ’école de Mefué. Sa réputation
parvint jufqu’à l’oreille des califes,; on l’appella;
on lui propofa" des récompenfes, mais rien ne lui pa-
zut préférable aux‘douceurs de la folitude 6c de la
niéclitation ; il abandonna la cour au crime , à la volupté
, à la fauffeté , à l’ambition, au menfonge & à
l’intrigue : celui-ci ne fut pas feulement de la philofophie
, il fut phiiofophe ; une feule chofe l’afïhgeoit,
c’eft la brièveté de.la vie , l’infirmité de l’homme ,
fes befoins naturels, la difficulté de la fcience, 6c l’étendue
de la nature. Il dxloit, du pain d’org e, de
l’eau d’un puits, un habit de laine ; 6c loin de moi ces
joies tromp eu fes, qui finifient par des larmes. Il s’étôît
attaché à Ariftote ; il èmbraffa léS iflêiïïêS ôhjltâ*
Ses ouvrages furent eflimés des Arabes 6c des Juifs î
ceux-ci les traduifirent dans leur langue. Il moUflif
l’an 35-9 de l’hégire, à l’âge de 80 ansi
Ëichiari ou al-Àfihari appliqua les principes dé la
philofophie péripatéticienne aux dogmes relevés dé
riflamifine, fit une théologie nouvelle f 6c devint
chef de la feéte appeilée de fon nom des Afsharit.es j
c’eft un fyneretifme théofophiquc.Il avoit été d’abord
motazalitej & il étoit dans le fentiment qiie Dieu
eft néceffité de faire ce qu’il ÿ a de mieux pour chaque
être ; mais il quitta cette opinion.
Afshari, fuivant à toute outrance les abftra£Kons,
diftinciions, prècifions ariftotéliques , en vint à fou-
tenir que l’exiftence de Dieu différoit de fes âttrb
buts.
Il ne vouloif pas qu’on inftituât de eonipàraifoii
entre le créateur oc la créature* Maimonide qui vivoit
au milieu de tous ces héréfiarques mufulmans , dit
qu’Ariftote attribuoit la diveriité des individus à
l’accident, Afaria à la volonté, Mntazali à la lagefte ;
6c il ajoute pour nous autres Juifs, c’eft une fuite du
mérite de chacun & de la raifon générale des cbofes»
La do&rine d’Afshari fit les progrès les plus rapides.
Elle trouva des feélateurs en Afie, en Afrique,
6c en Efpagne, Ce fut le do&eur orthodoxe par excellence*
Le nom d’héréfiarque demeura aux autres
théologiens. Si quelqu’un ofoit acculer de fauffeté le
dogme d’Afshari, il encouroit peine de mort. Cepen*
dant il ne fe foutint pas avec le même crédit en Afie
6c en Égypte. 11 s’éteignit dans la plupart des coft-
trées au tems de la grande révolution ; mais il né
tarda pas à fe renouveller, 6c c’eft aujourd’hui la
religion dominante ; on l’explique dans ies écoles ;
on l’enfeigne aux enfans ; on l’a mife en vers , 6c js
me fouviens bien, dit Léon, qu’.on me faifoit apprendre
ces vers par coeur quand j’étois jeune.
Abul Huffein Élloplii fuccéda à aï-Afshari. Il naquit
à BagÛad ; il y fut élevé ; il y apprit la philofo-
phie 6c les mathématiques, deux fciences qu’on fai-
loitÿ marcher- enfemble 6c qu’il ne faudroit jamais fé-.
parer. Il pofféda i’aftroçomie au point qu’on dit de,
lhi, que la terr s ne fut pas auffi-bien,connue de Pto^
lomée que le ciel d’Effophi* Il imagina le premier un
planifphere, où le mouvement des planètes étoit
rapporté aux étoiles fixes. Il mourut l’an 383 de l’néjj
gire*
Qui eft-ce qui a parcouru l’hiftolre de laMédecînâ
6c qui ignore le nom de Rases, ou al-Rafe, ou Abu-
becre ? Il naquit à Rac, ville de Perfe,,.d’où fon pere
i’emmena à Bagdad pour l’initier au commerce; mai»
l’autorité ne fubjugue pas le génie. Rasés étoit appelle
par la nature à autre chofè qu’à vendre oii
acheter. Il prit quelque teinture de Médecine, 6c
s’établit dans un hôpital. Il crut que c’étoit là le
grand livre du médecin, & il crut bien. Il ne négligea
pas l’érudition de,la philofophie, ni*celle de fon
art ; ce fut le Galien des Arabes. Il voyagea: il parcourut
différens climats. Il converlà avec des hommes
de toutes fortes de profeffions ;. il écouta fans
diftin&ion quiconque pouyoit rinftruire ou des mé-
iiicamens, ou des plantes,fou des métaux,ou des
animaux, ou de la philofophie, ou de la chirurgie,
ou de l’hiftoire naturelle, ou de la phyfique, ou de
la chimie. Arnauld de Villeneuve difoit de lui : cet
homme fut profond dans l’expérience, sûr dans le
jugement, hardi dans-la pratique, clair,dans la fpé-
culation. Son mérite fut connu d’Almanfor qui l‘ap-
pelia en Efpagne, où Rasés acquit des richeffes im-
menfes. Il devint aveugle à quatre - vingt ans, &
mourut à Çordoue âgé de quatre-vingt-dix, l’an de
l’hégire 1 o 1. Il laiffa une multitude incroyable d’opuft
cules ; il nous en refte plufieurs.
Avicenne naquit à Bochara l’an 370 de l’hégiré j
I