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d’infifter fur l’importance d’économifer le bois.
Comme ce n’eft point ici un £y ftème nouveau dont
l ’événement foit équivoque , ni-de ces imaginations
philofophiques, tant de fois propofées, fouvent ef-
fayées, mais dont Eeffai en grand a toujours trompé
la promefl'e ; que c’eft au-contraire une expérience
confirmée par un grand nombre d’années, à la faline
deSlutz en Alface , dans les Aeuxfalines deSuiffe ,
6c dans celle de Savoie , c’eft refufer un avantage
certain que de ne pas ufer d’une telle découverte.
Il y a des bâtimens de graduation à la faline de
Moutiers en Tarentaife ; ce font même les feuls dont
nous ferons mention, les autres ne différant de ceux
de nos J,ali nés , non plus que le refte de la manoeuvre
, que par la différence des lieux. Le roi de Sardaigne
ayant appris les fervices que M. le baron de
Boeux avoit rendu au canton de Berne, l’appel la à la
faline de Moutiers , où il fit conftruire des bâtimens
de Graduation au nombre de cinq , dont deux ont
440 pas communs, de longueur, 6c les trois autres
310 pas chacun. Ils ont tous 18 piés de large, fur
25 de haut, à prendre du rez-de-chauflee jufquefous
la fabliere. La malfe d’épines par où les eaux fe filtrent
, a 6 piés de large , occupe toute la longueur
du bâtiment, 6c la hauteur depuis le baflin ou cuve
baffe, jufqu’à la fabliere ; ces cuves baffes font fournies
par le grand refervoir , dont les eaux font relevées
dans les auges de filtration autant de fois qu’il
eft néceffaire , par plufieurs corps de pompes qui
jouent côhtinuellement, auxquelles l ’Izere donne le
mouvement ; les eaux font pouflées par la graduation
depuis 2 degrés, qui eft leur état naturel, jufqu’à
25 & 27.
Le degré s’eftime par la livre fur le cent, ainfi la
falure eu à 20 degrés fi l’évaporation étant faite fur
100 livres, il en refte 20.
Saline de D ieu ze, il y. auroit beaucoup à gagner
, à perfectionner les fourneaux ; voici comme
on pourrait s’y prendre. L’ouverture fuperficielle
ferait la même qu’aux anciens, c’eft-à-dire de 28
piés fur 24 ; les côtés en talud, dont la ligne de pente
ferait le côté d’un triangle équilatéral; la diltance
de l’aire à la pocle, inégale, favoir de 4 piés à l’embouchure
, finifl'ant à deux au p lu s à l’endroit de la
fortie ; il n’y auroit qu’une ouverture de 2 piéj de
large, & de 4 piés de haut, pour jetter le bois;
cette ouverture , avec un chaflis ou huifferie de fer,
à laquelle ferait fufpendue une porte brifée de même
matière , que l’on ouvrirait ou fermeroit félon le
befoin ; on pratiquerait aux côtés deux fenêtres ,
pour juger de l’état des feux 6c de la poêle , tout
ion quarré feroit exaôement fermé pour concentrer
la chaleur; l’ouverture du derrière, ou la.cheminée,
auroit 2 piés de haut, fur 8 piés de large ; ayant remarqué
que la chaleur qui fort par cette ouverture
étoit fort-confidérable, on continuerait le fourneau
de9 à 10piés de large ; fur 12 de long, finiffant
à 7 piés ; l’on appliquerait deffus un poêlon de même
dimenfion ; l’ouverture ou cheminée de ce fécond
poêlon, donnant encore beaucoup de chaleur,
on en ajouterait un troifieme, à 7 prés de bafe , finiffant
à 4 , fur 7 à 8 piés de long, enforte que l’un
6 l’autre de ces deux poêlons , reffembleroit à des
cônes tronqués , l’ouverture du dernier poêlon, destiné
pour laiffer échapper l’air 6c la fumée , n’auroit
qu’un piédehaut, fur 18 pouces de large , & pourrait
fe fermer par un regitre. Voye{ le plan ci-deffus'.
D ans les bâtimens qui auraient affez de profondeur ,
on pourrait multiplier les poêlons , pourvu qu’on
proportionnât à leur nombre les pentes du fourneau.
Ge fourneau n’auroit pas les mouvemens dés .autres
, le feu y feroit moins concentré, il agirait ayec
plus dë force, il fe répandrait, moins au-dehors , il
feroit moins diminué au-dedans par l’accès de l’air
froid, &c.
On a exécuté ces idées à Dieuze , 6c c’eft tout ce
qu’il y a de remarquable ; du refte, le fel s’y fabriquée
comme à Moyeimc & à Châteaufalin.
S a l in e DE R0Z.IERE , particularité des poêles de
Rosière. Derrière les poêles il y a des poêlons qui ont
21 piés de long fur 5 de large, 6c derrière ces poëloris
une table de plomb, à peu près de même longueur 6c
largeur , fur laquelle font établies plufieurs lames
de plomb pofées de champ, de hauteur de 4 pouces',
qui forment plufieurs circonvallations. Toute cette
machine s’appelle exhalatoire ; la deftination de l’ex-
halatoire eft d’évaporer quelques parties de l’eau douce
, en profitant de la chaleur qui fort par les tranchées
ou cheminées de la grande poêle , 6c de dégourdir
l’eau avant qu’elle tombe dans la grande
chaudière.
Particularités de la fabrication de fe l au meme endroit.
Lorfque les maréchaux ont mis la poêle en état, les
ouvriers , dès quatre heures du matin , mettent le
feu fous le poêlon, avec des éclats de bûches, 6c
cependant ils donnent de l’eau aux exhalatoires , laquelle
fe rend dans le poêlon. Ce poêlon contient
de la muire graffe , autant qu’il a été polïible d’en
ramafi'er, ce font les eaux les plus fortes que l’on ait
dans le cours ordinaire de la formation du fel, parle
moyen du feu.
Si la muire retirée de l’abattue, a été abondante,
elle fuffit feule à l’opération ; fi on juge qu’il n’y en
ait pas fuffifamment, on jette dans le poêlon du fel
de locquement : c’eft ainfi que l’on appelle le dernier
fel qui refte au fond de la poêle , qui eft d’un
brun jaune , non loyal 6c marchand, 6c mêlé «de
Corps étrangers.
Les ouvriers ont toujours de ce fel en quantité,
pour parer aux accidens contraires à la formation
dont la foibleffe des eaux eft très-fufceptible : le
mauvais tems, le grand vent, le bois d’une moindre
qualité, &c. peuvent faire ceffer 6c baiffer la poêlé
à un point que l’on ne pourrait la relever 6c la faire
fchlotter, tout fe per droit fans former du fel.
Lorfque l’eau , verfée des exhalatoires dans le
poêlon où eft la müire ou le fel dé focquement, fe
difpofe à bouillir, on remplit entièrement de bois le
fourneau de la grande poêle, en laiffant des jours
entre les bûches que l’on croife à cet. effet ; on allume
ce bûcher , & fitot que la poêle a pris chaleur, oa
l’arrofe avec la compofition du poêlon, que l’on
puife avec des vaiffeaux appelles fcillotes.
Quand le fer de la poêle eft bien chaud , 6c qu’ il
commence à être encroûté de fel formé par l’arrofe-
mentfufdit, on ylaiffe entrer l’eau naturelle jufqu’à
ce qu’elle foit à peu près pleine ; enfuite on donne
quatre chaudes confécutives, c’eft-à-dire qu’on charge
quatre fois ce fourneau de bois ; la derniere chaude
finit à trois heures après midi ; dans l’intervalle
de ces chaudes , on leve les augelots , ou ces et-
peces de caiffes de fer , avec une ance, qui fe pofent
aux angles 6c le long des côtés de la poêle, 6c dans
lefquels le fchlot fe dépofe.
Cette première opération fe fait par le maître, le
falineur 6c le boeuf ; c’eft ainfi que l’on nomme l’ouvrier
qui décharge le bois des charettes, le jette fur
la poêle, 6c fait les autres menus fervices.
A trois heures après midi le focqueur fe charge
de la poêle, il donne la derniere chaude avec le la-
lineur qui fe retire à fix heures ; le focqueur rabat les
braifës , 6c laiffe couler de nouvelle eau du poêlon
dans la poêle , fuivant la force de fa muire ; on ne
commence à tirer le fel que le 3 ou 4e jour, quelquefois
en petite quantité , quelquefois affez abondamment,
fuivant les accidens furvenus pendant la
cuiffori.
On compte le falinage par abattues,les abattues par
toUr, le tôur eft de 14 heures, 6c il y en a 13 dans
une abattue ; chaque tour commencé à 4 heures dit
matin : le produit en fel éft plus ou moins grand.
Il n’ÿ à en cètte faline que cinq ouvriers, parce
qu’ils ne font pas obligés à travailler le bois.
L’été eft là laifori là plus favorable âU falinage , il
y en à bien des raifons qui le préferiterorit.
Janv. 1737
8
Août 7
Mai 8
abattu«. cordes de boit. iKuids de Cel'.
M 5 *7
5170 1097
16
1720 580
*5 2550
lé
5219 669
2669 1320
661
On a chôifi pour cette compafàifori deux mois
d’hiver, pendant lefquels le nombre des abattues 6c
des cordes de bois a été à-peu-près le même que dans
deux mois d’été.
Lorfque la riiùife ou l’éâü des foürces fâléés, a
feriti le féU pendant quelque tems, elle devient trouble
6c elle commence à dépofer un corps étranger,
decoiilèitr cendrée, gras au toiicher, grumeleux ;
en continuant dé lé frotter entre lés doigts , on le
croirait plein de fâbloh affez fin ; cette matière fe
nôriiinejchlot, ou terre 6c crajfe de poêle ; c’eft cette
matière qui forme le corps de l’écaille où équille ;
elle fë durait fur le fond de là poêle, devient àuffi fo-
lide que de la pierre commune, & lié lé premier fel
qui tôfiibe fur fond ; fori dépôt progrëffif eft fini lorfque
le grain de fél commence à paraître à la fuperfi-
cie dé la müire.
Pour diminuer Pépaiffeur de l’ écaille qui diminue
l ’aétiondu feu 6c ruiné lès fers, on fe fort des auge-
lots , le féhlbt s’ÿ dépofe ; on le jette , parcé qù’on
fait par expérience qu’il ne contient prëfque point dé
fel ; il fait périr lés arbres , s’il pénétré jùfqü’à la rà-
cirie ; en le tràvàilldnt avec art 6c fàns mélange, Oh
èn tiré Un fel pareil à fcelui d’Epfori.
Ori éh tire enedrè d’autres felS ; eh l’exâfhinàrit
àl dohhëdeS cryftaux depuis 6 jüfqu’à 18 & 20 lignés
de long, & depuis i jufqu’à 3 7 lignes de largeur ;
ce font des prifmes à fix pans irrégulieremérit réguliers
; les deux fùrfàcës du petit diàmetfé fôht à-péu-
pièS doubles dé lârgeiir des deux fürfàfcés qùi terminent
chaque éifrémité du gràrid diamètre ; chacun
dés dèiix bouts éft terminé eh pointé dé diàmàns
par fix triangles dont lès bàftS font égales àtlx deui
pluS làrgdS fUpeificiè'S, & àùjt ôiiàtrë petites alternés.
Addition àcêijui à été fit dés b’dtirnètis dé graduation.
Pour former le fel de rirèr ori dîfpofé dèS aires ou
bàffins , qül ont béàucdùp dé fupèfficiè & péu dé
pfofdiideur , daris lefquels ori iritrodüit l’éâü dé là
nier par des rigoles ; lé folèil & l’àii agifferif fur cètte
éàu j ils l’ehlevènf ; PëvapOfeht daris ù'ri èfpacè
de terris plus ou moins long, raivà'rit l’ârdeùr dU fô-
leil, la qualité 6c laffiVité dù Vent, étant à ûbfètvéf
que la faifon dé l’été là plus1 cHàùdé, éft délié que
fôri faifit pour céttë opération. Lé fé l, comriiè plus
pefant que les parfiés àcptèrifeS , déirièüfë îriébràh-
lable aüx chocs qü’il réçoi’t , l’a'âiôiï dù folèil, lés
fécouffës & les ébràrileitièri’s de l’air, f’élëVént féùîè-
merit jitfqü’à une haUtéùf dë qttelqùéS plé'S , mais il
retombé après qùëlqUès pifo'üéttèfriè'h's , feS p'aYfi'és
fe réuniffênt, fe cryftallif ent, & forment enfin un
corps folide , dont la figure eft communément cubique.
L’art a cherché à imiter la1 hafurè pat lés' bâtimëriï
de graduation ; polir célà il h’a que changé1 lâiofme
del évaporation;; celle de la nature fe fait daris une
dripqfition horiforitale , celle de i ’art dans une dif-
pofiriori verticale.
Les bâtimehsdë gfodüafîôri'foriïà' jour,- élëvés dé
ao à 25 piés de la eüVÔ'Ùfa'fàbïïeïë; force t&fâ
Tome X IV \
que 1 on veut graduer, à monter par les pompes juf-
qu’au haut de ces bâtimèhs , d’ou elle fe diftribue
dans des aUgets de 4 à 5 pouces de largeur 6c autant
de profondeur, difpofés fuivant la longueur du bâtiment
, parfemés de petits robinets à fix pouces de
diftaricè les uns des autres , qui ne laiffent échapper
l’eau que par gouttes , lefquelles rencontrant dans
leur route Une maffe dé falcines de 20 à 25 piés de
liant, fur 10 de large , fe fubdivifent 6c multiplient
leurs furfaces à 1 infini ; enforte que l’âir auquel cette
fubdivifion donne beaucoup de prife, emporte dans
l’ëfpàcè, comme Une rOÎee, les parties douces de
l’eau qui fe font trouvées foumifes à fon aftion, pendant
que les parties qui demeurent chargées de lel,
déterhrinéès par le poids, décrivent confia ment une
perpendiculaire, 6c fe précipitent dans le badin def-
tirie à les recevoir, d ou elles font enfuite élevées
par d’autres pompes qui les portent dans une autre
divifiori d’âügets, pour retomber, par la même manoeuvre
que ci-devant, dans une autre divifion dè
bâffin,6c lucceflivement jufqu’au dernier, le nombre
étant proportionné au degre de la falure de l’eau. On
dorine aux plus foibles, telles que celles d’un degre
ôcdèmiou deux degrés, jufqu’à fept divifions , éc
l’on peut les pouffer jufqu’à 30 degrés en trois jours
dans la bonne faifon.
Plus là difpofition des bâtimens eft parfaite, plus
les différentes économies font fenfibles. Leur forme,
leur expofitiori jla maniéré d’élever les eaux, i’atten7
tion àu progrès de la falure pour éviter un travail
inutile 6c ménager un tems précieux, le gouvernement
des robinets qu’il faut conduire fuivant les chan-
gerriens & le caprice du vent, 6c mille autres détails
que l’on croirait indifféirens, font d’une importance
extrême.
Pour pouvoir déterminer avec certitude l’étendue
des bâtimens riéceflaires à graduer une fource faléë,
il ëfi faut connoître avec précifion la poftibilité & la
qUalité. Mais pouf en donner une idée générale , de
même,que de l’économie qui en réfulte, on dira que
pour faire par le moyen de la graduation 7000 tonneaux
de fel de 650 pefant chacun, avec de l’eau à
4 degrés oii à 4 pour £, il faut 3 000 piés de bâtiment
oc 5006 cordes de bois, & que fans cela, il en coûterait
3 2000 cordes pour pareille quantité.
Ori rie corinoît point l’auteur de cette machine ;
mais il eft à préfumer qu’elle eft fort ancienne, 6c.
que la faline de Soultz en baffe Alface, a fourni le
riiodele de celles qu’on a établies dans la fuite. C’eft
furement la plus ancienne. Celles de Suiffe , de Sa^
voie oc d’Allemagne font abfolument modernes, 6c il
eft étonnant que l’on n’ait pas plutôt fait attention à
celle de Soultz, qui éft fur le grand chemin de Strasbourg
à Mayence, & expoiée à la yue de tout le
monde. Il n’y a perfonne à Soultz ni aux environs ,
qui fâche l’origine de cefte faline ; le plus ancien ti-
tre qui exiffe eft un contrât d’acquifition de 1665.
Elle fub'fiftoit avant lès guerres^ de Suede, pendant
lefquelles elle fut ruinée. Rétablie à la p aix, ellefiit
donnée à emphithéotë par la maifori de Fleclceiriftein
à celle de Krug, moyennant le dixième du produit
en fel. Krug la rendit à Furft, qui fa-répara de nou-
véàü. Cétfe fàlitiè peut fournir ahmïëllêiriërit environ
f 40 müïds , de ô'5ô livrés' chacun.
Les eaux des fontaines falantes paffent par des carrière^
fouterraines de fel gemme , où elles fe chargent
dé parties dé f é l , & contrarient un degré dé falure
plus où' iriOins fort', fuivant qu’éllés éh parcourent
fans iriferrùptiori Un plus ou moins long e'fpàcé 5étant
à obferver que ces roches fout par veines,^par couches
& par cantons ; & c’eft la ràîfon pour laquelle'
ôii voit côïé à côt'è Urié- fôiircé d’éâu d'oiicè oc un’e
âUtre d’eàü fâëé ; dèfôrtë que l'a'tefré étarit e'^t'réme-
ment variée dans fa compôfitibri, Tés” eâùx qùi éri