
Les auteurs de ces correspondances eussent voulu que
des représailles fussent exercées contre les autorités hova
et accusaient le résident général de se laisser duper par
leurs attitudes soumises et déférentes (').
M. Laroche, à qui les instructions du gouvernement
avaient recommandé la bienveillance envers les autorités
et qui avait la responsabilité de la direction des affaires
locales, ne voulait ordonner aucune mesure de rigueur
sans qu’elle fût pleinement justifiée, et ne considérait
pas comme des charges suffisantes, contre le personnel
supérieur de l’administration malgache à Tananarive,
des dénonciations de séditieux, qui espéraient sauver
leur tête en se couvrant d’une autorité supérieure (2).
Il avait, en conséquence, borné les mesures exceptionnelles
à la recherche des armes qui pouvaient avoir été
gardées par la population, à là confiscation des biens
des indigènes convaincus d’avoir entretenu des relations
avec les insurgés, et laissé exécuter toutes les sentences
de mort prononcées contre des rebelles. Enfin, en vue
de la pacification, il demandait à l’autorité militaire la
création en Imerina de postes disséminés, mais pouvant
i. « Le résident général n'a eu l’occasion de faire aucune concession, ni de
montrer de' ^indulgence au liéu de .sévérité au gouvernement malgache, qui
ne donnait aucun sujet de plainte et qui se conformait scrupuleusement aux
indications du représentant de la France, comme il l’avait fait du temps du
général Duchesne et de M. Ranchot. Un déploiement de rigueur sans motif
contre ce gouvernement eût été absurde, et n’eût pu que le décourager de
son bon vouloir. Les instructions du résident général étaient formelles en
sens contraire.
« En revanche, M. Laroche a montré invariablement la dernière rigueur envers
les rebelles. Mais il se refusait à traiter cpmme rebelles les hommes
dont il recevait à Tananarive des preuves de dévouement, — preuves qu’en
France, à trente jours de distance, il était plus facile de nier que de connaître
ou de juger avec sûreté. » (Note de M, H. Laroche.)
a. Un des personnages les plus fréquemment visés dans ces dénonciations
était Rasanjy, secrétaire général du gouvernement malgache, qui, depuis, a
rendu de grands services à la cause française et est devenu, sous 1 administration
du général Gallieni, le principal agent indigène' de notre influence en
Imerina.
aisément communiquer entre eux, ainsi que l’organisation
de services d’escorte des convois et, pour assurer
l’unité de direction politique et militaire, il sollicitait
avec instance du gouvernement métropolitain l’abrogation
de l’article 5 du décret du 1 1 .décembre i 8g5, qui
avait fixé ses pouvoirs (').
1. De même qu’il nous a paru utile, pour l’appréciation des événements,
de donner ci-dessus, en renvoi, l’opinion de M. Laroche au sujet du fonctionnement
du protectorat, nous croyons devoir placer sous les yeux du lecteur
la note qu’a bien voulu, nous remettre l’ancien résident général au sujet des
mesures prises par lui à l’occasion des troubles insurrectionnels, bien que
ce document répète des faits énoncés dans notre texte, sur lesquels nous
avons déjà fait connaître nos appréciations :
> « Les mesures concernant la recherche des armes, les confiscations, etc.,
datent du i°r mai, un mois avant l’affaire d’Anlsirabe, six semaines avant
le massacre du jésuite Berthieu et des sieurs Rigal, Savouyan, Emery, Colin
et Garnier. .
( « Aucune exécution de sentence de justice n’avait été suspendue. Le résident
général avait seulement manifesté le yceu que, préalablement à toute
exécution, l’accusé fût jugé, soit par une juridiction permanente, soit au
moins sommairement par une cour martiale'; Cette exigence n’avait rien
d’excessif. M. Laroche la maintint même pendant la période troublée qui
allait suivre.
I « Quant aux petits postes, dont il demandait la création à l’autorité militaire,
jl ne l’obtint pas : il en voulait une soixantaine, elle en établit deux.
Elle continua à agir avec des colonnes lourdes qui poursuivaient les rebelles
sans les atteindre. C’est seulement le général Gallieni qui établit un réseau
de. petits postes (blockhaus). Le service d’escorte des convois du commerce
ne fut pas organisé d’une façon pratique par le commandement, et fonctionna
peu et màl. Ainsi éclataient les graves inconvénients de la division des
pouvoirs entre l’autorité ci vile et l’autorité militaire, celle-ci gardant l’indépendance
de ses dispositions, celle-là chargée de la responsabilité de leurs
conséquences. Le public, frappé de l’inanité des résultats des opérations
militaires, ne s’en prenait pas à l’autorité milila're qui, seule, les avait ordonnées,
mais au résident général, contrairement aux vues de qui elles étaient
conduites.
« Lorsque nous souffrons d’un événement, nous sommes portés à nous en
prendre aux personnes placées près de nous, à portée de notre colère. Dans
toutes nos guerres, après une bataille perdue, ne crie-t-on pas à la trahison ?
Ainsi le public, cherchant la cause des vicissitudes des premiers mois de notre
établissement à Madagascar, mais la cherchant sans patience; affirmait la
voir clairement dans la trahison de la reine, des ministres malgaches traités
avec trop de confiance, des hauts fonctionnaires dont nous employions les
services, et aussi dans les intrigues des missionnaires anglais qui avaient
secrètement soufflé la rébellion.
« Ces dénonciations instinctives reposaient sur une double erreur. Les
bandes insurrectionnelles étaient composées à la fois de pillards et de pa