
MADAGASCAR
Dès qu’il fut au courant de nos intentions, sir Robert
Farquhar, gouverneur de Maurice, protesta contre tout
établissement des Français dans la grande île, en s’appuyant
sur le traité précité du 3o mai i 8 i 4, qui avait
cédé à l’Angleterre l’île de France et ses dépendances,
au nombre desquelles se trouvaient non seulement
Rodrigue et les Seychelles, mais encore, d’après le gouverneur
anglais, l’île de Madagascar.
Le gouvernement français n’admit pas une pareille
prétention. Sur sa protestation, le prince régent d’Angleterre
adressa, le 18 octobre 1816, à Robert Farquhar
une dépêche déclarant que le gouvernement britannique
« avait bien voulu admettre l’explication donnée par le
gouvernement français à l’article 8 du traité du 3o mai
1814, stipulant la restitution de certaines colonies et
territoires que la France possédait au i er janvier 1792,
dans les mers et sur le continent d’Afrique ». Le gouverneur
de Maurice était, en conséquence, invité à prendre
ses dispositions pour remettre aux autorités de Rourbon
« les établissements que la France possédait sur les côtes
de Madagascar au P r janvier 1792 ».
\ Sir Farquhar chercha à éluder l’exécution dé ces instructions
et prétendit, dans une lettre du 3o août 18x7,
qu’il n’y avait aucun établissement à remettre aux Français,
Madagascar appartenant aux populations qui l’habitent
et particulièrement à l’une d’elles, les Hova, établis
dans la région centrale.
Il lit un voyage en Angleterre pour appuyer sa politique
auprès du cabinet de Saint-James, mais celui-ci
s’était engagé déjà trop ouvertement vis-à-vis de notre
gouvernement pour pouvoir s’opposer davantage à notre
installation à Madagascar. En conséquence, plusieurs de
nos anciens postes furent successivement réoccupés par
Sylvain Roux à partir de 1818, notamment Sainte-Marie,
Fort-Dauphin, Pointe-à-Larrée et Tintingue.
LE S R IV A L IT É S D ’ iNF LUEN CE S AU X IX e S IE CLE 53
Entre temps, Robert Farquhar, revenu à Maurice, entretenait
des relations avec les chefs malgaches, notamment
avec Radama Ier, roi des Hova, qu’il incitait à se proclamer
roi de tout Madagascar et à s’emparer de Majunga
et de Tamatave ; il passait en outre avec ce souverain des
traités (23 octobre 1817-11 octobre i820-3i mai 1823),
aux termes desquels, sous prétexte de l’indemniser des
pertes que lui causèrait sa renonciation à l’exportation
des esclaves, il lui remettait 2 000 dollars, 10 000 livres
de poudre, 100 mousquets, 10 000 pierres à fusil, l’habillement
et l’équipement de 4oo soldats, etc. C’étaient autant
d’armes et de munitions fournies contre la France.
Enfin, un agent britannique était institué à Tananarive.
Cet agent, du nom de James Hastie, secondé par le
révérend Jones, exécuta avec zèle et intelligence les
instructions et les intentions de Farquhar. Non seulement
il donna des indications précieuses et des conseils
à Radama, mais encore il l’aida à organiser solidement
son armée et lui fit accueillir favorablement des missionnaires
anglais, qui reçurent l’autorisation d’ouvrir de
nombreuses écoles.
Depuis son retour à Madagascar, où il devait mourir découragé
et désavoué le 2 août 1823, Sylvain Roux avait
reçu, en 1821 et 1822, des divers chefs de la côte en face
Sainte-Marie, des déclarations de vassalité à la France,
et avait installé des établissements dans leur pays.
Farquhar protesta contre cette occupation du territoire
malgache, sur lequel aucune nation, en dehors des
Hova, n’avait, d’après lui, de droits de propriété. Puis
il poussa Radama à occuper Foulpointe et mit à sa disposition
des- navires pour transporter de petits corps
expéditionnaires contre Tintingue et Fort-Dauphin. Ce
dernier comptoir, défendu seulement par un vaillant
officier, M. de Grasse, et par quelques soldats minés
par la fièvre, fut occupé par les Hova le i 4 mars 1825.