
M. Bompard dut télégraphier, le 26 juin 1891, à
M. Ribot, ministre des affaires étrangères, qu’on pouvait
s attendre à de sérieuses complications. Pour laisser
tomber cette effervescence et désireux de gagner du
temps, il rentra trois mois plus tard en congé en France
et laissa l’intérim de la résidence générale à M. Lacoste,
qui, pendant un an, conserva une attitude des plus
conciliantes pour éviter une rupture avec le gouvernement
de la reine et tira de la situation tout le parti possible.
M. Larrouy, résident général. Insolences et armements
des Hova. — M. Larrouy, nommé résident général,
revint à Madagascar à la fin de 1892, avec M. Ran-
chot pour adjoint. Il procéda, peu après son arrivée, à
1 installation du tribunal français de Tamatave, dont une
loi avait, en 1891, autorisé la création. Puis, au mois de
juin 1893, il dut s’opposer à une tentative de mainmise
de 1 administration hova sur le télégraphe de Tananarive
à Tamatave ('), et il signala au ministre des affaires
étrangères les achats et les importations d’armes .et de
munitions effectués par le gouvernement malgache.
- « Les préparatifs belliqueux dont il s’agit, écrit le
3o juin i8g3 M. Larrouy à M. Develle, ministre des
• affaires étrangères, ne peuvent s’expliquer aujourd’hui
que par cette conviction, dont les Malgaches sont animés,
qu’une rupture entre la France et Madagascar, si elle
n’est pas considérée comme imminente, ne saurait être
évitée indéfiniment... Nos déclarations les plus bienveillantes
et les plus pacifiques, si elles ont pour effet d’aider
au maintien de nos relations sur un pied de coùr-
toisie et d aménité apparente, n’ont point pour résultat
dé convaincre les Hova de la droiture de nos intentions.
1. Cette ligne avait été ouverte au mois de septembre 1887. Elle avait été
créée au moyen du reliquat de l’indemnité de 10 millions payée par le qou-
vemement malgache. .
« Les faits dont je rends compte à Voire Excellence 11e
sauraient motiver des alarmes immédiates, mais ils méritent
d’attirer toute l’attention du gouvernement ('). »
Dès la réception de cette lettre, ordre fut envoyé à
M. Larrouy de demander à Rainilaiarivony des explications
au sujet de ces approvisionnements d’armes et de
lui signifier de les cesser. De plus, on prit des mesures
pour faire surveiller les ports de la côte malgache par la
division navale, dont l’effectif fut bientôt augmenté.
A la même époque, des troubles se produisirent dans
diverses parties de l’île, notamment dans le Boina : plusieurs
Français furent tués(2) ou molestés. Le résident
général ne put obtenir la punition des coupables.
Ces faits provoquèrent, le 22 janvier 1 8 9 4 , une interpellation
de M. Brunet, député de la Réunion, qui obtint
de la Chambre le vote unanime de l’ordre du jour
suivant : « La Chambre, résolue à soutenir le gouvernement
dans ce qu’il entreprendra pour maintenir notre
situation et nos droits à Madagascar, rétablir l’ordre,
protéger nos nationaux, faire respecter le drapeau, passe
à l’ordre du jour. »
Par ce vote, la Chambre donnait carte blanche au
gouvernement pour préparer une expédition. On commença
aussitôt à renforcer les garnisons de la Réunion
et de Diégo-Suarez, tandis que de son côté le premier
ministre hova, après délibération avec les sieurs Parret
et Shervington, sujets anglais au service du gouverne-
.menl malgache, et les personnages indigènes qui s’occupaient
de l’armée, prenait la résolution d’élever des
fortifications à Tamatave, à Majunga et à Tananarive.
1. Les documents relatifs à cette période et cités ici ont été publiés dans
un Livre jaune.
a. Entre autres l’explorateur français Georges Muller, qui fut assassiné le
a3 juillet, près de Mandritsara, à une demi-journée de marche d’un poste
hova, et, le 21 octobre, M. Silenque, employé à la Compagnie Suberbie.