
Malgré les sollicitations et les réclamations du conseil
colonial de Bourbon, qui demandait l’installation définitive
de la France à Madagascar, l’échec de i845 ne fut
pas réparé ; il était à peu près oublié lorsque fut proclamée,
trois ans plus tard, la deuxième République.
Acquisitions françaises sur la côte ouest. — Bien
qu’d n’eût pas réussi sur la côte est de Madagascar, le
gouvernement de Louis-Philippe avait obtenu par ailleurs
d utiles résultats. Il avait établi l’autorité française sur la
cote nord-oüest et dans les îles voisines. Diverses tribus
sakalaves pourchassées par les Hova, lorsqu’ils vinrent
s’emparer de Majunga en 1824, s’étaient réfugiées dans les
îles du littoral, jusqu’à Mayotte. Craignant d’y être poursuivies
par l’envahisseur, elles appelèrent à leur secours
les Français, qui prirent possession en i 84o deNosy-Koip-
ba, de Nosy-Be, de Nosy-Mitsio et de Mayotte, achetée au
sultan local, moyennant une rente de 5 000 fr., et obtinrent
des droits de suzeraineté sur la côte occidentale de
Madagascar, dont plusieurs chefs, sakalaves et antan-
karana, avaient sollicité notre protection. Notre gouvernement
n’osa cependant pas occuper définitivement la
côte nord-ouest et les Comores.
De Lastelle et Laborde. —1 De i 845 à 1854 les relations
furent rompues entre Madagascar et la France, mais
non entre les Hova et les Anglais. Ceux-ci, par crainte
de favoriser nos intérêts et pour ne pas perdre tout à fait
pied dans la grande île, consentirent même à payer au
gouvernement de Tananarive une indemnité de 76000 fr.
pour le bombardement de Tamatave ; ils restèrent en
pourparlers avec le gouvernement hova par l’intermédiaire
du Révérend Ellis.
Malgré les intrigues de cet agent étranger, les intérêts de
nos nationaux furent défendus par deux Français, MM. de
Lastelle et Laborde qui, fixés depuis longtemps à Madagascar,
s’étaient créé de telles sympathies dans la population
que Ranavalona, personnellement intéressée à leurs
entreprises, n’osait pas les comprendre dans les proscriptions
dont elle frappait presque tous les Européens.
M. de Lastelle jouissait même d’une assez grande faveur
à la cour d’Imerina. Il avait rendu de grands services
au pays, en faisant de nombreuses plantations et des
essais de cultures d’orge, de blé, d’avoine , et d arbres
fruitiers d’Europe.
Quant à Laborde ('), il avait réussi à se faire bien venir
des indigènes, en fondant des établissements agricoles
et des usines, où il faisait du verre, de la faïence, de la
chaux, du savon, des bougies et où il fabriquait de la
poudre, des fusils et même des canons.
Laborde, de plus, s’était lié d’amitié avec le prince héritier
Rakoto et lui avait fait comprendre les avantages qui
pourraient résulter pour le pays de l’introduction d industries
nouvelles, disposant de solides capitaux et assurées
de n’être pas inquiétées dans leur développement
par le gouvernement local.
Projet Lambert de 1855. — Un autre Français,
M. Lambert, arrivé au début de i 855 à Tananarive, sut
aussi acquérir bientôt la faveur royale et l’amitié de
Rakoto. Un projet fut formé avec l’agrément du prince
sur les bases suivantes : L’autorité des Hova serait reconnue
sur l’île entière, dont la France assurerait l’indépendance
en lui accordant son protectorat ; toutes les
mines, forêts et terres non cultivées de l’île seraient
livrées en concession à une grande société européenne,
à laquelle seraient donnés deux ports sur la côte.
i. Jean Laborde, né à Auch en 1810, avait été jeté sur la cote de Madagascar
par un naufrage en i 83i.