
II
Premières mesures
d’Organisation et administration
de M. Laroche.
Déclaration du 18 janvier 1896. — La déclaration
du 18 janvier 1896, signée à Tananarive par la reine
Ranavalona III, sur la proposition du résident général de
France, était ainsi conçue :
S. M. la reine de Madagascar,' après avoir pris connaissance de
la déclaration de prise de possession de l’îlë de Madagascar par le
gouvernement français, déclare accepter les conditions ci-après :
A r t . 1«. — .L e gouvernement de la République française sera
représenté auprès de S. M. la reine de Madagascar par un résident
général.
A r t . 2. — Le gouvernement de la République française représentera
Madagascar dans toutes ses relations extérieures. Lë
résident général sera chargé des rapports avec les agents des
puissances étrangères,; les questions intéressant les étrangers à
Madagascar seront traitées par son entremise. Les agents diplomatiques
et consulaires de la France en pays étranger seront chargés
de la protection des sujets et des intérêts malgaches.
A r t . 3. — Le gouvernement de la République française ' se
réserve de maintenir à Madagascar les forces militaires nécessaires
à l’exercice de son autorité.
A r t . 4- — Le résident général contrôlera l’administration intérieure
de l’île. S. M. la reine de Madagascar s’engage à procéder
aux réformes que le gouvernement français jugera utiles au développement
économique de l’île et au progrès de la civilisation.
A r t . 5. — Le gouvernement de S. M. la reine de Madagascar
s’interdit de contracter aucun emprunt sans l’autorisation du gouvernement
de la République française.
Cet acte était destiné à remplacer le traité du ï*r octobre
1895 ; il en reproduisait les dispositions principales
au point de vue de l’exercice du protectorat français,
en tenant compte des critiques les plus fondées
qui avaient été exprimées contre cette convention. Il se
rapprochait, en l’aggravant, du second projet de traité
préparé en septembre 1895 par M. Hanôt’aux, et substituait
au protectorat pur et simple de la France « l’autorité
» résultant de la prise de possession (*).
1. « Nous appelons pays de protectorat ceux du domaine colonial de la
France où elle est censée, en principe, maintenir l'ancienne administration
indigène, y compris son chef suprême réduit à un état de vassalité.
« A l'origine d’un protectorat, le dépositaire des pouvoirs du gouvernement
de la métropole y porte le titre de « résident », tandis que le chef d’une colonie
proprement dite s’appelle « gouverneur ». Cependant nous avons continué d’avoir
un résident général à Madagascar pendant un an après que cette possession
eut ,été_ déclarée colonie et, le Tonkin, au contraire, est resté qualifié de protectorat
quand il a été placé sous l’autorité d’un gouverneur général. Si l’on
veut bien constater que, sous le régime du protectorat, la plénitude de notre
souveraineté politique Se manifeste en donnant au pays protégé des lois civiles,
criminelles et fiscales et un personnel de fonctionnaires européens dont
le développement n a d autres limites, d’autre norme, que les convenances de
l’État protecteur, on est amené à reconnaître qu’entre la colonie et le pays
de protectorat la différence est plus apparente que réelle, ou plutôt est purement
nominale. L administration d’une possession exotique coûte moins cher
quand on utilise en tout ou en partie les organes indigènes qui fonctionnaient
avant 1 annexion; du reste, il serait impossible de s’en passer.tout à fait dans
une jeune colonie ou les autochtones forment encore une population considérable,
demeurée nettement distincte des éléments européens.
« G est ainsi qu en Algérie on n’a pas. essayé d’imposer aux Arabes les codes
français ; ils sont toujours régis par la législation d’origine musulmane qui
leur est propre et nous leur laissons des officiers municipaux indigènes, dés
écoles indigènes, un personnel indigène pour l’administration des cultes et en
partie pour celle de la justice, etc... Les choses se passent>elles autrement en
Tunisie; pays de protectorat? Sans doute on a conserve l'ancien bey et aussi
1 habitude de faire suivre de son nom un certain nombre de décrets; mais, à
la vérité, le bey est dépourvu de pouvoirs et n’a d’autre attribution que d’ajouter
sa signature à des actes préparés à la résidence de France. A la tète des
services publics, il y a des directeurs français, et même, à un rang inférieur
de la^ hiérarchie administrative, des agents français, modestement appelés
contrôleurs, exercent incontestablement-les fonctions de chefs. Pourquoi donc
avoir employé tantôt le nom de protectorat, tantôt le nom de colonie, alors
que tour à tour ces noms désignent le même régime, soit après, soit avant,
soit pendant les modifications graduelles qu’on lui îâit subir ?
çt La distinction nominale entre le protectorat et la colonie semble n'avoir été
qu une habileté diplomatique. Quand on visait à acquérir sans guerre une région
exotique, ne convenait-il pas, en négociant avec les autochtones, de rassurer
leur méfiance et de ménager leur amour-propre ? On ne leur parlait pas
de vassalité à subir, mais seulement de protection à recevoir, et ce mot ayant
de la ressemblance avec celui de protectorat, à la faveur de l’équivoque, on
obtenait de plus faciles soumissions. La même équivoque n’était pas non
p-us inutile au regard de la masse du public en France. Ce public, en dehors
MADAGASCAR g