
tous les cas, trop tôt oublié ! En mettant en lumière
ses titres à la reconnaissance du pays, M. You a été
bien inspiré.
Le dernier chapitre est intitulé : « Considérations
générales. » J’en recommande la lecture. Ce sont,
en effet, des considérations générales, ce qui ne veut
pas dire qu’elles soient vagues et imprécises. Elles
sont, au contraire, d’une clarté et d’une netteté parfaites.
Elles sont sages, elles ne pèchent par aucun
excès, ni de découragement ni d’illusions. Le chemin
parcouru y est marqué comme le chemin à parcourir.
Elles montrent que si beaucoup de difficultés
ont été vaincues, il s’en dresse encore un grand
nombre sous nos pas. Elles s’inspirent, en outre,
d’un esprit qu’on ne saurait trop louer. « Que nos
administrateurs, dit M. You, en terminant, se considèrent
auprès d’eux (les indigènes) comme des missionnaires
laïques et ne perdent aucune occasion de
les instruire, en se rappelant toujours que nous devons
les dominer surtout par l’ascendant moral que
donnent une culture intellectuelle supérieure, une vie
sans faiblesse, un constant esprit de justice et une
inaltérable bonté ! » Voilà bien, en effet, ce que doit
la France aux populations qu’elle a dépouillées de
leur souveraineté et de leur indépendance : beaucoup
de justice avec beaucoup de bonté.
En fermant ce livre, il est impossible de ne pas
reconnaître que, de grands progrès ont été accomplis
et que s’ils continuent à s’accroître au fur et à
mesure qu’ils se consolident, la belle oeuvre de co-
Ionisation et de civilisation que la France a entreprise
et pour laquelle elle a fait tant de sacrifices
sera conduite à bonne fin. Et il faut ajouter, pour
être juste, que dans cette tâche, où son honneur et
ses intérêts sont engagés, la France est bien servie
par ceux à qui elle l’ a confiée. Fonctionnaires civils
et militaires, grands chefs et humbles agents composent
une armée de braves gens et de bons Français
qui rivalisent de dévouement et de zèle. C ’est un
témoignage que je tiens à apporter à mes anciens et
chers collaborateurs. Eh ! sans doute, il y a eu des
défaillances individuelles. Nous avons eu à rougir
d’actes qui font frémir l’humanité. Le soleil d’Afrique
vient encore d’éclairer, peut-être de provoquer,
des scènes épouvantables. Sans doute, tous
les vestiges des pratiques odieuses n’ont pas disparu,
et, s’il perd chaque jour du crédit sous la réprobation
générale et les cruelles leçons de l’expérience,
il conserve encore quelques adeptes, ce détestable
esprit qui tourne en dérision, qui traite d’utopie
chimérique et dangereuse l’application aux indigènes
d’un régime où la force nécessaire doit s’allier à la
justice et à l’humanité! En recommandant, au contraire,
comme il l’a fait dans les lignes que j ’ai citées,
ce noble régime, comme le seul efficace, en
même temps qu’il est le seul digne de la France,
M. André You n’a pas exprimé seulement ses propres
sentiments : il a traduit, j ’en suis convaincu,
ceux de ce grand corps colonial auquel il appartient.
A l b e r t DECRA IS .