
Au mois de juin i 894, la situation s’aggrava encore;
les Hova qui avaient cru, au commencement de l’année,
que la France allait se décider à une action militaire, s’étaient
rassurés, et, obéissant à diverses excitations, redoublèrent
d’insolence. Un soldat de l’escorte du résident
général fut attaqué et lapidé, le i3 juin, par un neveu de
la reine, Rakotomena, et par sa suite. Quelques jours
après, les mêmes individus menaçaient de mort les serviteurs
indigènes de M. Larrouy.
Malgré les protestations énergiques du résident général,
ces actes restèrent impunis.
Aussi, notre représentant adressait-il, le 3o juin, au
ministre des affaires étrangères, un long rapport exposant
et analysant en ces termes les incidents les plus
graves :
Eu résumé, de l’observation des faits se dégage la) constatation
des elements suivants, qui caractérisent la situation actuelle •
L e p rem ie r m in is tre , p e rd an t sa ferme té , se sen tant in cap ab le
de re ta rd e r ou de d ir ig e r le s é v éu em en ts , se la is se influ encer p a r
de s con se ille r s p a r tisan s de s ré so lu tion s e x trêm e s et p a r des consi-
a é ra tio n s de p o litiq u e in té r ieu re ;
20 Les officiers admis aux conseils du gouvernement n’étant plus
retenus par autorité vigilante du vieux premier ministre, dont ils
c ro ien t, d a illeu r s , flatter la v an ité et lé s sen tim en ts , n ’ h é s itent pas
a donner a leur arrogance naturelle une forme de plus en plus
agressive; v *
3° Encouragés par leurs informateurs européens, assurés du
concours de certains étrangers tels que Parret, Shervinqton et
consorts, les gens du palais envisagent sceptiquement la perspective
d une action énergique de la France à Madagascar comme fort
eloignee et mvra.semblable, et, le cas échéant, ils espèrent bien
que grâce a leurs armements, et aussi aux difficultés qui supposent
a la marche dune armée européenne sur Tananarive, ils parviendront
peut-être à vaincre nos efforts et, dans tous les cas, à
nous lasser
4° L’impunité assurée aux attentats commis sur les Européens
le retentissement de l’affaire Rakotomena, ont déterminé dans une
et d a n i ^ P°pulat;,0n un état d’esPrit inquiétant et dangereux pour l avemr ; pour le présent
5° Enfin, nous vivons au milieu d’une population très crédule,
accessible aux bruits les plus absurdes, et dont les méfiances naturelles
sont soigneusement entretenues contre nous par des demi-
civilisés, servis à souhait par des aventuriers anglais.
La nécessité de prendre d’ores et déjà une décision me paraît
devoir s’imposer au gouvernement de la République, si nous ne
voulons pas nous laisser surprendre par les événements.
Le 27 juillet suivant, M. Larrouy, dans un télégramme
confirmant sa précédente lettre, commençait à envisager
la nécessité pour les Européens d’évacuer l’île dans l’intérêt
de leur sécurité, et, le 4 septembre, il annonçait au
ministre des affaires étrangères qu’il avait reçu de Rai-
nilaiarivony plusieurs lettres, dont le ton laissait percer
la menace.
Rappel de M. Larrouy. Mission de M. Le Myre de
Vilers. — A la réception de ces nouvelles, le gouvernement
français rappela M. Larrouy, lui ordonna de faire
descendre à la côte avec lui les femmes, enfants, malades
et invalides européens, et de laisser son escorte à Tananarive
pour protéger M. d’Anthoüard, accrédité auprès
du premier ministre comme délégué intérimaire à la résidence
générale. Le gouvernement français avait décidé,
en outre, d’envoyer en mission dans la grande île un
plénipotentiaire, chargé de procéder sur place à un examen
d’ensemble de la situation et autorisé à rechercher
les moyens d’assurer sans retard et d’une manière définitive
la sécurité de nos nationaux, pinsi que des étrangers
résidant à Madagascar.
M. Le Myre de Vilers accepta cette lourde tâche et
partit pour Tamatave le 12 septembre, accompagné de
M. Ranchot. Avant son embarquement, il avait reçu
des instructions détaillées et un projet de traité à soumettre
au gouvernement malgache.
Ce projet avait surtout pour objet de solutionner pour
l’avenir les questions litigieuses résultant des interpré-
MADAGASCAR y