
a s H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
A n. 1099. ques à cinq ou fix mille à l'entour. Toutefois le fiege
ne dura que cinqfemaines, 8c les croifez firent de tels
efforts , qu’ils prirent Jerufalem le vendredi quinzième
de Ju ille t, a trois heures après midi -, ce qui fut remarqué
comme étant le jour 8c l’heure delà mort de
Jefiis-Chrift.
•7.18. &c- Le duc Godefroi entra le premier dans la ville avec
fon frere Euilache, paffant fur la muraille par une
tour de bois qu’on en avoir approchée. Enfuite le
comte de Touloufe ., qui étoit à une autre attaque , ôc
enfin toute l'armée. On fit main-baffe fur les infidèles,
dont la ville étoit pleine, 6c le maffacre fut horrible.
On tua non-feulement ce qui fe trouva dans les rues,
mais ceux qui s’étoient réfugiez dans la mofquee bâtie
à la place du Temple , où l ’on en tua environ dix
■mille , 8c autant dansde relie de la ville. Tout na-
geoit dans le fa n g , & les vainqueurs fatiguez du carnage,
en avoient horreur eux-mêmes. Apres qu’on
eut donné les ordres les plus preffans pour la fûreté de
la v ille , ils quittèrent leurs armes & leurs habits pleins
de-fang, en prirent de plus propres , lavèrent leurs
mains, 8c marchèrent nuds pieds, en gémiffant 8c répandant
des larmes pour vifiter les faints lieux, particulièrement
l’églife dufaint Sepulcre. Ils y furent reçus
par le clergé 8c le peuple de la v ille , c’eft-à-dire ,
le peu de Chrétiens du païs qui y étoient reliez ; &c
qui rendant grâces à Dieu de leur délivrance, vinrent
au-devant des feigneurs Francs, avec les croix Scies
reliques, Sc lesconduifirent dansl’églife,chantant des
hymnes 8c des cantiques fpirituels.
C ’étoit un fpe£taclc merveilleux , de voir avec
quelle dévotion les croifez vifitoient ôc baifoient les
veiliges des fouffrances du Sauveur. Ce n’étoit que lar-
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mes 8c cris de joie i ce n’étoit qu’adions de grâces de An. 1099.
voir leur pelerinage fi heureuiement accompli , Se
goûter le fruit de leurs travaux : les plus fpirituels fe
reprefentoient la félicité de la Jerufalem celcfte , par
le plaifir qu’ils reffentoient de voir la terreftre. Les
uns confeffoient leurs péchez , avec, voeu de n’y plus
retourner. Les autres répandoient de grandes libe-
ralitez fur les pauvres, vieux Sc infirmes ,'s’eftimant
trop riches d’avoir vû cet heureux jour. D’autres vifi-
toient- les Lieux faints a genoux nuds ; chacun^ s effor-
çoit de renchérir fur la pieté des autres. Les évêques
8c les prêtres offroient le faint Sacrifice dans les^ egli-
fes , priant pour le peuple , 8c rendant grâces a Dieu
d’un fi grand bienfait. On ordonna de celebrer a
perpétuité le jour de cette redudion , par une fete
folemnelle. Les Chrétiens du païs aïant reconnu '• ’■5-
Pierre l’Hermite qu’ils avoient vû à Jerufalem quatre
ou cinq ans auparavant , fe mettoient à genoux devant
lu i , 5c ne favoient comment lui témoigner leur
reconnoiffance de la liberté qu’il leur avoit procurée.
Le patriarche étoit allé dansl if le de C h yp re , cher-
cher des aumônes pour païer les impofitions dont les
infidèles accabloient fon peuple , & empecher ainii
la deftrudion deç églifes. il ne favoit rien de ce qui
fe paffoit. à Jerufalem. A , lxvii.
Huit jours après la conquête , les leigneurs s ai- GofcftoîdeB.
femblerent, pour choifir un d’entre eux qui fût roi I0i-
de la ville 8c du païs. Comme ils étoient enfermez «-¡v
pour délibérer , quelques - uns du clergé demandèrent
à entrer, ôc leur dirent : Le fpirituel doit aller
devant le temporel : c’eft pourquoi nous croïons
que l’on doit élire un patriarche avant que d ¿lire
un roi : autrement nous déclarons nul tout ce que
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