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1098. le pape le fie amener avec honneur à fon audience ,
où la noblefle Romaine s’étoit affemblée fur cette
nouvelle , 8c on lui mit un fiege devant le pape. An-
felme fe profterna à fes pieds fuivant la coutume ;
mais le pape le releva 8c le baifa, puis quand il fut
affis, 8c que l’on eut fait filence, le pape s’étendit fur
les louanges du prélat; & a jo u ta q u o iq u e nous le
regardions comme notre Maître , à caufe de fon profond
favoir, 8c que nouslerefpeétionsprefque comme
notre égal , puifqu'il eft le patriarche d’un autre
monde : toutefois Ion humilité lui a fait entreprendre
un fi grand voïagepour venir honorer iaint Pierre
en notre perfonne , 8c nous confulter fur fes affaires
, nous qui avons plutôt befoin de fes conieils.
Voïez donc combien nous devons l’aimer $: l’ho-
norer.
Anfelme ne répondit à ce difeours que par fa
modeftie,en rougiifant 8c en gardant le filence. Puis
le pape lui aïant demandé la caufe de. fon v o ïa g e ,
il la lui expliqua comme il avoit fait dans fa lettre.'
Le pape lui promit fa prote&ion toute entiere , 8c
écrivit au roi d’Angleterre , l’exhortant 8c lui enjoignant
de le rétablir dans tous fes biens. Anfelme
écrivit auifi au roi; 8c il demeura dix jours à Rome
logé au palais de Larran avec le pape, qui lui avoit
ordonné d’attendre auprès de lui les effets de fa pro-
teétion. Mais comme la chaleur de l’été étoit grande
, 8c que le féjour de Rome étoit mal fain, fur tout
pour les étrangers ; le pape trouva bon qu Anfelme fe
retirât au monâfte're de faint Sauveur près de Telefe
dans la terre de Labour, dont l’abbé Jean avoit été
autrefois moine au Bec. Car encore qu’il fût Romain A
le defi-r d’étudie r l’a v o it fa it palier en France , 8c la A^. 1098.
répu tation d’A n fe lm e l ’a ttira à fon monaftere : mais
quelque s années .après le pape Urba in aïant o ü i pa r ler
d e ce m o in e J e a n , le fit v e n ir auprès de l u i , ôc
lu i donna c ette abbaïe : car U rb a in é to it fo ign eu x
d’attirer les perfonnes de m é r ite ; 8c par ce m o t i f il
é le v a plufieurs moines aux d ig n ite z e c c le fia ft iq u e s ,
comme A lb e r t q u ’il fit prêtre card ina l : puis é v êq u e
de Siponte ; Bernard U b e r t i Florentin , qu’il fit prê- Ital' f‘ c tc- 7-
tre , cardina l Sc lé g a t , puis é v êq u e d e P arme : M ilo n Baron. adMar-
m o in e de fa in t A u b in d ’A n g e r s , q u ’il fit é v ê q u e de r' 4‘
P a le ftrin e au lieu du ca rd in a l fch ifm a t iq u e FÎngues r.
le B lanc. Enfin Jean de Marfes q u ’i l fit é v êq u e de
T u fc u lum .
Anfelme donc invité par l’abbé Jean , fe retira à tu.
une terre de ion monaftere nommé Sclavie , d Ont quoi Dieu s’eft
l ’air étoit fort fain, pour y'attendre la réponfe du 6lthomme-
roi d’Angleterre. Anfelme charmé du repos qu’il
goûtoit en cette agreable folitude , y reprit les mêmes
exercices dont il s’occupoit au Bec avant que d’être
abbé : c’eft-à-dire, les oeuvres de pieté 8c la- méditation
profonde des myfteres delà religion. Ainfi
il acheva le traité intitulé : Pourquoi Dieu s’eft fait
homme, dont il explique ainfi lui-même l’occafion
5C le fujet. Plufieurs perfonnes m’ont prié fouvent, ul. 1. c. î*
& avec beaucoup d’inftance , de mettre par écrit
les raifons que je leur rendois d’une queftion qui
regarde notre foi : non pour arriver à la foi par la
raifon , mais pour avoir le plaifir d’entendre 8c de
contempler ce qu’ils croient, 8c pouvoir en rendre
raifon aux autres. C ’eft la queftion que nous font
les infidèles , en fe mocquant de notre fimplicité :
M m m m iij