
Luc. x i l l . i 6.
Jerem. vu. 4.
V .
Pèlerinages.
Moeurs chrét.
». 44.
pofer, non-feulement au peuple, mais aux évêques devenus moins éclairez
8c moins attentifs ■, 8c depuis que Ton eut établi la réglé de ne point con-
facrer d’églifes ni d autels fans reliques, la neceflité d'en avoir, fut une
grande tentation de ne les pas examiner de iî près. L’intérêt d’attirer des
offrandes 8c des pèlerinages, qui enrichifïbient les villes, fut encore dans la
fuite une tentation plus grofïiere.
Je ne prétends pas'par ces reflexions générales rendre fnfpe&e aucune
relique en particulier : je fçai qu’il y en a pluiîeurs de très-certaines, fçavoir
celles des SS. patrons de chaque ville, qui y font-morts & qui y ont toujours
été honorez depuis : comme à Paris faint Denis, faint Marcel, fainte
Genevreve. Car encore qu’elles aient été transférées du temps des Nor-
mands, on ne les a jamais perdues de vue. Pour les autres,j’en laifle l’examen
à la prudence de chaque évêque ; 8c je dis feulement, que cet examién doit
être plus rigoureux à l ’égard de celles, qui après avoir été cachées pendant
plufieurs fiecles , n’ont paru que dans des temps d’ignorance : ou que l’on
prétend avoir été apportées de fort loin, fans que l’on fâche ni comment
elles en font venues, ni comment elles avoient été confervées. Je crois toutefois
que Dieu qui connoît le fonds des coeurs, ne laiflè pas d’avoir agréable
la dévotion des peuples, qui n’aïant intention que de l’honorer en fes
faints, reverent de bonne foi les reliques expofées depuis plufieurs iîècles
à la vénération publique.
IL faut donc diftinguer ce qui eft de la foi catholique , fçavoir l’utilité
de l’interceflion des faints 8c de la vénération de leurs reliques, d’avec
les abus que l’ignorance 8c les pallions humaines y ont joints, non
feulement en fe trompant dans le fait, 8c honorant comme reliques, ce
qui ne l’étoit pas , mais s’appuïant trop fur les vraies reliques ï 8c les
regardant comme des moïens infaillible^ d’attirer fiir les particuliers 8c
fur les villes entières toutes fortes de benediébions temporelles 8c fpiri-
tuelles. Quand nous aurions les faints même vivans & converfans avec
nous, leur prefence ne nous feroit pas plus avantageufe que celle de
J e s u s - C h r 1 s t . O r , il dit exprefïement dans l’évangile : Vous direz
au pere de famille.: Nous avons bii 8c mangé avec vous, & vous avez
enfeigné dans nos places. Et il vous dira: Je ne fçai qui, vous êtes. L’ur-
tilité des reliques eft donc de nous faire fbuvenir des faints, 8c nous exciter
à l’imitation de leurs vertus : autrement la prefence des reliques ni
des lieux faints ne nous fauvera pas , non plus que les Juifs , à qui le
prophète reprochoit, qu’ils fe confioient en des paroles de menfonges,
en difant : Le temple du Seigneur, le temple du feigneur, fans corriger
leurs moeurs.
Les pèlerinages furent une fuite de la vénération des lieux faints 8c des
reliques , principalement avant l’ufage de les transférer. Ils étoient plus;
faciles fous l’empire Romain par le commerce continuel des provinces :
mais ils ne laiflèrent pas d’être très-fréquens fous la domination des bar*
bares, depuis que les nouveaux roïaumes eurent pris leurs confïftances.
Je croi même que les moeurs de ces peuples y contribuèrent : car ne
s’occupant que de la chaiîe 8c de la guerre, ils étoient dans un continuel,
mouvement. Ainfî les- pèlerinages devinrent une dévotion univerfelle des
peuples & des rois , du clergé , des .évêques , & des moines. J’ofe dire
que c’étoit préférer un petit accceifoire à I’eflèntiel de la religion, quand
un évêque quittoit fon diocèfe pendant des années entières’, pour aller
de l'extrémité de la France ou de l'Angleterre à Rome, ou même à Je-, Scx;f, ¿p ,0.é
tufaiem : quand des abbez ou des moines fortoient de leurs retraites; hiß. I. n u . ¡ s.
quand des femmes ou même des religieufes, s’expofoient à tous les périls
de ces grands voïages. Vous avez vû par les'plaintes de faint Boni- conc. Cnlitl.
face, les aeeidens déplorables qui en arrivoient. Il y avoit fans doute plus 8li- 4°. hiß. . ,
à perdre qu’à gagner ; & je regarde ces pèlerinages indiferets, comme *• !■
une des fources de relâchement de la difcipline s auffi s’en plaignoit-on Yj c_ tJ j V
dès le commencement du neuvième fiecle, Mais ce fut principalement la xxx. ». 4!.
penitence qui en fouffrit. Auparavant on enfermoit les penitens dans les
diaconites, ou d’autres lieux près de l’églife, pour y vivre recueillis &
éloignez des.oceafions de rechûte. Vous l’avez vû dans le facramentaire G„ s _ ef. u
attribué à faint Gelafe, & dans une lettre du pape Grégoire III. mais depuis Leon. hiß. h v .
le huitième iiecle on introduifit tout le contraire pour penitence, en or- f 11' >• " * -
donnant aux plus grands pecheurs de fe bannir de leur païs & paffer quelque
temps à mener une vie errante, à l'exemple de Caïn. On vit bien-tôt 1’a_ un. 789. c. 77.
bus de cette penitence v a g a b o n d e d è s le temps de Charlèmagne, ôn Sup. U v. i L iv .
défendit de fouffrir davantage ces hommes affreux, qui foiis ce prétexte 4ficouraient
par tout le monde nuds & chargez de fers ; mais on établit l’ufàge
d'impofer pour penitence quelque pelerinage fameux : & ce fut le fondement
des croifades.
L’abus dans la vénération des reliques dégénéra en fuperftition, mais y i .
l’ignorance du moïen âge en attira de plus mani'feftes. Comme cette divi- Ssperflitions.
nation nommée le fort des faints, dont Grégoire de Tours rapporte tant h‘li- l- XXI- ”■I;
d’exemples, & avec un férieux à perfuader qu'il y croïoit. Comme ces Greg. y . hiß. c.
épreuves nommées le jugement de Dieu, foit par l'eau,foit par ie feu,
foit par le combat fîngulier qu’Agobard condamnoit fi fortement ; mais "’J ' j np j
qu’Hincmar foûtenoit, & qui furent en ufage fi long-temps. Comme l'af- L. 12,',
trologie à laquelle on voit qu’ils croïoient : principalement aux effets des
éclipfes & des cometes. Ces fuperflitions dans le fonds étoient des ref-
res du paganifme : comme d’autres plus manifeftemçnr criminelles condamnées
dans les conciles du même temps. En general le plus mauvais effet
des mauvaifes études eft de croire favoir ce que l’on ne fait point. C'eft
pis que la pure ignorance, puifque c’eft y ajoûter l’erreur & fouvent la
préfomption.
Je n'ai parlé jnfques ici que de l’Occident : mais l’églife orientale V I I.
eut auffi fes tentations. L’empire Grec ne fut pas entièrement détruit, Etat de l'Orient,
mais il fut réduit à des bornes bien étroites, d'un côté par les conquêtes
des Arabes Mufulmans ; de l'autre par celles de diver: Scytes , entre
autres des Bulgares & des Ruffes. Ces deux derniers peuples fe firent
chrétiens, & leur domination produifit à peu près les mêmes effets que
celle des autres barbares feptentrionaux : mais les Mufulmans préten-
doient convertir les autres, & ptenoient pour prétexte de leurs con