
.____ 3 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
A n . 1078. décida enfaveurde la vie monaflique. Anfelme fut
donc reçu en l’abbaïe du Bec en 1060. à l’âge de vingt-
fept ans, Lanfranc en étant prieur fous l’abbé Hel-
loüin. Trois ans après Anfelme fut établi prieur à la
place de Lanfranc devenu abbé de faint Etienne de
Caën. Anfelme s’appliqua alors avec plus de liberté à
l’étude de la théologie , 8c y fit un tel progrès , qu’il
réfolut des queflions très-obfcures inconnues avant
fon tems : montrant clairement la conformité de ces
décifions avec l’autorité de l’écriture fainte. Il n’e-
toit pas moins éclairé dans la morale. Il connoifloit il
bien les moeurs de toutes fortes de perfonnes, qu’il
découvroit à chacun les fecrets de fon coeur : il mon-
troit les fources 8c les progrès des vertus 8c des vices ,
avec les moïens de les acquérir ou de les éviter. De
là il puifoit en abondance de fages confeils Scde ferventes
exhortations.
Quand il fut fait prieur, quelques-uns des freres
murmuroient qu’il leur eût été préféré, étant fi jeune
de profeflïon : mais il ne fe défendit contre eux que
par fa patience 8c fa charité , qui enfin les gagna,
leur faifant connoître la pureté de fes intentions. Un
jeune moine nommé Olberne avoir beaucoup d’ef-
prit 8c d'induftrie , mais beaucoup de malice & de
haine contre Anfelme. Le faint homme y voïant
dans le fonds un beau naturel, avoir pour lui une
grande indulgence fouffroit fes puerilitez autant
qu’il le pouvoit fans préjudice dé l’obfervance. Ainfi
peu à peu il l’adoucit, 8c s’en fie aimer. Le jeune homme
commença à l’écotiter 8c à fe corriger ; 8c Anfelme
l’aïant pris en affeétion, lui retrancha les petites
libeitez, qu’il lui avoit accordées, 8c l’accoûtuma à une
vie plus ferieufe. Il faiioit de grands progrès dans la A n . 1078.
vertu , 8c donnoit de grandes efperances des fervices
qu’il rendroit à l’égliie : mais Anfelme eut la douleur
de le voir mourir encore jeune entre fes bras.
Fatigué de la multitude des affaires, il voulut quitter
la charge de prieur, 8c alla à Roüen confulter l’archevêque
Maurille, qui lui dit: Ne cherchez pas, mon
fils, à vous décharger du foin des autres. J’en ai vû
plufieùrs, qui aïant renoncé pour leur repos à la conduite
des ames , font tombez dans la pareife , allant de
pis en pis. C ’efl pourquoi je vous ordonne par la fainte
obéïiTance de garder votre charge , 8c ne la quitter
que par l’orde de vôtre abbé. Si même vous êtes appelle
quelque jour à une plus grande ne la refufez.pas ;
car je fai que vous ne demeurerez pas long tems en
cette place. Anfelme fe retira fort affligé ; 8c continua
de gouverner avec tant de douceur 8c d’affeétion, que
tous l’aimoient comme leur pere.
Cette application ne l’empêchoit pas, de méditer
les veritez de la religion , dont il écrivit quelques traitez
pendant cetems qu’il étoit prieur du Bec. Le premier
eft celui qu’il nomma depuis Monologue , parce
qu’il y parle feul, cherchant par la pure méditation 8c
les forces delàraifon naturelle, les preuvesmétaphyfl-
ques de l’exiftence de Dieu , d’où il pafTe à la con-
noiffance de fa nature 8c même des perfonnes divines,
autant que la raifon aidée par la foi y peut atteindre.
Il écrivit cet ouvrage à lapriere de fes moines, particulièrement
de Maurice fon cher difciple, pour recueillir
ce qu’il leur en avoit dit en divers entretiens.
Mais avant que de le publier , il l’envoïa à l’archevê-
que Lanfranc pour le corriger, 8c même lé fupprimer I e/-63-
Z z ij