
— — — ai 6 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
A n . i o p j . font encore ent ières & formidables à nos en n emi s ;
vouloir venir à nôtre fecours , ou du moins prier
J e s u s - C h r l s t pour nous. Car nous n’entendons
plus rien des Grecs, quoiqu'ils foient plus proches
que nous, 6c par les lieux & par la liaifon du fang, &
que leurs richefles foient plus grandes. A peine peuvent
ils fe défendre eux-mêmes , toute leur force eft
tombée , 6c vous pouvez avoir appris , que depuis peu
d’années ils ont perdu plus de la moitié de leur em-
pire.
Pierre répondit : Sachez, faint pere, que fi l’églife
Romaine 6c les princes d’O ccident étoient inftruits
de la periecution que vous fouffrez, par une perfonne
exade 6c digne de foi , ils effaïeroient au plutôt d’y
apporter remede. Ecrivez donc au pape 6c aux princes
des lectres etenduës 6c fcellees de vôtre fceau : je
m’oifre d’en être le porteur, 6c d’aller par tout avec
l’aide de Dieu , folliciter vôtre fecours. Ce difcours
plut extrêmement au patriarche 6c aux Chrétiens qui
etoient prefens 6c après avoir rendu à Pierre l’hermite
de grandes adions de g râ ce s , ils lui donnèrent les lettres
qu il demandoit. Quelque tems après, comme il
prioit dans 1 eglife du faint Sépulcre pour le fuccès de
fon voiage, il s endormit 6c v it enfonge Jefùs>'Chnft,
qui lui difoic : Levq-toi, Pierre,hâte-toi d’executèï ta,
commiffion fans rien craindre : car je ferai avectoi. Il
eft tems que les lieux faints foient purifiées, 6c mes
ferviteurs fècourus.
Pierre l’hermite encouragé parceionge, prit congé
du patriarche , s’embarqua , arriva en Poüille à Bari :
vint à Rome, rendit au pape les lettres du patriarche
6c des Chrétiens de Jérufàlem, & s’acquitta fide-
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Iement de fa commiflion. Il fut très-bien reçu du
pape , qui lui promit de s’emploïer férieufement pour
cette affaire , quand il en trouveroit l’occafion. C e pendant
Pierre l’hermite, pouffé par fon zèle,parcourut
toute l’Ita lie , paffa les Alpes, 6c alla trouver l’un
après l’autre tous les princes d’Occident : les follici-
tant 6c les preffant pour le fecours des Chrétiens d’O-
rient 6c la délivrance des lieux faints, 6c il en perfua-
da quelques-uns. Non content de parler aux grands,
il exhortoit aufli les peuples à cette même oeuvre ; Sc
avec un tel talent, que c’étoit prefque toujours avec
fruit. Auifi il fervit comme de précurfeur au pape
avant qu’il paffat les monts , 6c difpofa les efprits à
recevoir Ces exhortations.
Le pape donc aïant réglé les affaires ecclefiafti-
ques au concile de Clermont, fit un fertnon , où il
difoit en fubfta’nce : Vous favez , mes freres , que le
Sauveur du monde a honoré par fa prefence la terre
qu’il avoit promife aux anciens peres, qu’il l’a nommée
fon héritage 6c l’a particulièrement cherie ; 6c
bien qu’à caufe des péchez de fes habitans il l ’ait livrée
pour un tems entre les mains des infidèles, il
ne faut pas croire qu'il l ’ait rejettée. Depuis longues
années^ la nation impie des Sarrafins tient les faints
lieux fous une dure tyrannie. Ils ont réduits les fidèles
en fervitude, & les accablent de tributs & d’avanies.
Ils enlevent leurs enfans, les contraignent
d’apoftafier ,& s’ils le refufent, ils les font mourir.
Le temple de Dieu eft devenu le fiege des démons,
l ’églife du faint fepulcre eft foüillée de leurs impu-
rcte z , les autres lieux faints font devenus des étables
ôc des écuries. Ils n’ont pas plus d’égard aux per