
iS<ÿ H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
~ par délibération de con fe il, ils envoïerent quelques-
uns d’entre eux aux moines de faint Sauveur de Scpti-
me, les priant de leur faire connoître la vérité , & promettant
de la fuivre. Ils prirent jour au mercredi l'ui-
v an t, qui étoit celui de la première femaine de carême.
Le lundi & le mardi ils firent des prières particulières
pour ce fujet. Le mercredi matin un de ces clercs
alla trouver Pierre de Pavie , c’eft ainfi qu’ils nom-
moient l’évêque, & lui dit : Au nom de D ieu , fi ce
que les moines difent de vous eft vrai , avoiiez-le
franchement , fans tenter Dieu & fatiguer inutilement
le clergé & le peuple. Si vous vous Tentez innocent
venez avec nous. L’évêque Pierre, dit : Je n’irai point ;
& vous n’irez point non plus , fi vous m’aimez. Le
clerc répondit : AiTurément, j’irai voir le jugement de
D ie u , puifque tout le monde y v a , & je m’y conformerai
:"en forte qu’aujourd’h u i, ou je vous honorerai
plus que jamais, ou je vous mépriferai entièrement.
Sans attendre ce député , tout le clergé & le peuple
accourut au monaftere de faint Sauveur. Les femmes
ne furent point effraïées par la longueur & l’incommodité
du chemin rempli d’eaux bourbeufes. Les
enfans ne furent point retenus par le jeûne ; car ils l’ob-
fervoient alors. Il fe trouva environ trois mille perfon-
nes à la porte du monaftere. Les moines leur demandèrent
pourquoi ilsétoient venus. Ils répondirent:
Pour être éclairez & connoître la vérité. Comment
voulez-vous être éclairez, dirent les moines ?.Les clercs
répondirent : Que l’on prouve par un grand feu ce que
vous dites de Pierre de Pavie. Les moines reprirent:
Quel fruit en retirerez-vous, & quel honneur en ren-
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drez-vous à Dieu ? Tous répondirent : Nous détellerons
avec vous la fimonie, & rendrons à Dieu des
grâces immortelles.
Aufli-tôt le peuple drefla deux bûchers l’un à côté
de l’autre , chacun long de dix pieds, large de c in q ,
haut de quatre & demi : entre les deux étoit un chemin
large d’une braife , ferné de bois fec. Cependant
on chantoit des pfeaumes & des litanies : on choifit
un moine nommé Pierre pour entrer dans le feu ; &c
par ordre de l’abbé il alla à l’autel pour celebrer la
melfe, qui fut chantée avec grande dévotion & avec
quantité de larmes, tant de la part des moines que
des clercs. Quand on vint,à 1 ‘Agnus D e i, quatre moines
s’avancèrent pour allumer les bûchers : l’un portoit
un crucifix, l’autre l’eau benite , le troifiéme douze
cierges bénis & allumez, le quatrième l’encenfoir plein
d’encens. Quand on les vit il's’éleva un grand cris, on
chanta Kyrie cleifon d’un ton lamentable. On pria Je-
fus -Chrift de venir défendre fa caufe : on demanda les
prières de la fainte V ie rg e , de faint Pierre, de faint
Grégoire.
1 1 • t T r Alors le moine Pierre aïant communie & achevé
la meife, ôta fa chafuble-, gardant les autres ornemens,
& portant une croix , il chantoit les litanies avec les
abbez & les moines, & s’approcha ainfi des bûchers
déjà embrafez. Le peuplé redoubla fes prierés avec
une ardeur incroïable. Enfin on fit faire filence, pour
entendre les conditions aufquelles fe faifoit l’epreu-
ve. On choifit un abbé qui avoit la voix forte , pour
lire diftmclemcnt au peuple une oraifon, contenant
ce que l’on demandoit à Dieu. Tous l’approuvèrent,
& un autre abbé aïant fait faire filence, éleva fa.
A a ij
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x x v 111.
Epreuve du feu .