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17.
î j l H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
vêque de Tours avec quelques-uns des amis du déJ
funt 6c des fiens, s’eft efforcé par des cabales fccretes
de donner l’évêché , du confentement du r o i , à un
archidiacre nommé Jean, qui n'ani, l’âge, nilafcience,
ni la maturicé des moeurs convenables à cette place ;
ôc que l’on accufe au contraire d’une familiarité hon-
teufe avec l’évêque défunt, 6c avec quelques-uns de
ceux qui défirent le faire évêque. La plus grande 6C
la plus faine partie du clergé, voulant éviter les op-
preifions qu’ils avoient fouffertes du tems du défunt
évêqu e , a é lu , du confentement du r o i , Sanction
doïen de la même églife , homme grave , comme
vous favez , par fon âge 6c par fes moeurs, ils nous
onc prié de la part de l'archevêque de Sens, d’aller le
facrer à Château-Landon : mais nous l’avons refufé ,
à caufe que cet archevêque rejette la primatie de
Lion , 8c eft interdit par le faint fiége. Cependant les
adverfaires de Sanètion fe font oppofez à fon fàcre ,
l’accufant de fimonie 6c de brigue : mais ils ne font
point venus à Chartres, où nous leur avions donné
jour pour ioûtenir leur accufation ; 6c Sanèlion s’en
eft purgé par ferment lui feptiéme. C ’eft pourquoi nous
l’avons facré , après qu’il vous a promis obéiflance, ÔC
nous l’avons envoïé à fon églife où il a été reçu avec
toute forte de foûmiifion , fans contradiétion de per-
fonne.
Par une autre lettre d’Ives de Chartres, il paraît
que San&ion, le jour de fon entrée à Orléans, délivra
un clerc de prifon , fuivant la coutume de la ville ,
comme il le dit expreiTément ; 6c cette coutume y
dure encore.
, Cependant les plerins, qui s’ctoient croifez pour
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faire le voïage de Jerufalem , commençoient à marcher
de toutes parts. Les principaux étoient Hugues
furnommé le Grand, frere du roi de France, 6c comte
de Vermandois par fa femme : Robert duc de Normandie
furnommé Courte-heufe, frere du roi d’Angleterre
:Eftienne furnommé Henri comte de Blois, de
Chartres 6c de Troyes : Raimond comte de Touloufe
& de faint Gilles : Godefroi duc de Loraine , avec fes
freres Baudouin 8c Euftache ; 6c Baudoüin du Bourg
leur coufin fils du comte de Retel. Il y avoit un grand
nombre de moindres feigneurs, ôc une infinité d’autre
noblefle. Il y eut des évêques, entr’autres Adhemardu
Pui légat pour la croifade , 6c Guillaume évêque d’O-
range , quantité de prêtres 6c d’autres clercs, quantité
d’abbez 6c de moines; 6c même des reclus qui for-
toient de leurs cellules.
Ce mouvement fut fi grand, qu’il entraînoit le petit
peuple: 6c jufques aux femmes 6c aux enfans. Ils
accouroient en troupes auprès des feigneurs croifez ,
pour les accompagner, avec promeffe de les fervir Ôc
leur ob£ir. Ils s’empreffoient à qui partirait le premier
, 8i ferait plus promtement fes préparatifs. Les
feigneurs vendoient ou engageoient leurs châteaux
6c leurs terres, même à vil prix : chacun quittoit ce
qu’il avoit de plus cher, femmes, enfans, pere, rnere :
les voleurs mêmes 8c les fcélerats confefloient leurs
péchez, ôccherchoient à les expier par la guerre fain-
te. Il eft vrai que tous les croifez n’étoient pas animez
du même zele. Quelques-uns s’engageoient par
compagnie , pour ne pas quitter leurs amis : d’autres
par honneur, pour n’être pas eftimez poltrons, les uns
par legereté, les autres par in térêt, pour éviter les
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O rd e r ic , l i l . i x ,
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