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ville. L’abbé Jean Gualbert les reçut avec charité , &
**7 ' ieur donna tout le fecours qui lui fut poifible : mais le
parti de l’évêque étoit protégé par Godefroi duc de
Tofcane, qui menacoit de mort les moines & les clercs
qui lui étoient oppofez , ce qui leur attira une grande
perfecution.
Le pape vint alors à Florence , & vit le bois préparé
pour le feu où les moines vouloient entrer,
' afin de prouver que l’évêque étoit fimoniaque. Mais
le pape ne voulut pas alors recevoir cet examen, &
fe retira, laiifant le clergé & le peuple dans la même
divifion. Il arriva enfuite, que tout le clergé & le
peuple de Florence étant affemblé, commença à,fe
plaindre à l’évêque Pierre, de ce qu’il en avoit chaf-
fé plufieurs, entre autres l’archiprêtre leur ch e f, dont
ils avoient ainfi perdu le confeil 8c le fecours ; & de
ce qu’une bonne partie des citoïens le voïant aller
vers le v êq u e , leur difoit : Allez , heretiques, allez
trouver vôtre heretique. C ’eft vous qui ferez abîmer
cette ville ; c’eft vous qui en avez chaifé Jefus-Chrift
&c faint Pierre , 8c y avez fait entrer Simon le magicien
pour l’adorer. Les clercs conclurent en priant l’évêque
de les délivrer de ce reproche-; & ajoûterent:Si
vous vous fentez innocent, & fi vous l’ordonnfez, nous
voilà prêts à fubir pour vous le jugement de Dieu : ou
fi vous voulez recevoir l’épreuve que les moines ont
voulu faire ici 8i à Rome I nous allons les en prier in-
ftamment.
* L’évêque refufa l’un & l’autre ; au contraire , il
obtint un ordre de mener prifonnier au gouverneur,
quiconque ne le reconnoîtroit pas pour,évêque, Sc
il? lui obéifoit pas ; que fi quelqu’un s’enfuïoit de
Si
L i v r e s o i x a n t e -u n i e ’ m e .' i8y
la v ille , fes biens feroient confifquez ; & que les clercs î
qui s’étoient réfugiez à l’églife de faint Pierre fe récon- '
cilieroient avec l’évêque, où ieroient chaifez de la
ville fans efperance d’être écoutez. En exécution de
cet ordre, le foir du famedi après les cendres, vrai-
femblablement la même annee 1067. comme ces clercs
repetoient les leçons 8c les répons du dimanche fui-
vaiat, on les tira hors de la franchiiè de l’églife de
faint Pierre. Alors il fe fit un grand concours de
peuple , Sc principalement de femmes, qui jettoient
les voiles de leurs têtes, & marchaient les cheveux
épars, fe frappant la poitrine 8c jettant des cris pitoïa-
bles. Elles fe profternoient dans les rues pleines de
boue , Sc difoient : Helas, helas Jefus, on vous chaf-
iè d’ici , on ne vous permet pas de demeurer avec
nous ! Vous le voudriez bien , mais Simon le magicien
ne vous le permet pas. O faint Pierre i comment
ne défendez-vous pas ceux qui fe réfugient chez vous ?
Etes-vous vaincu par Simon? Nous croiïons qu’il étoit
enchaîné en enfer, 8c nous le voïons lâché à vôtre
honte. Les hommes fe difoient l’un à l’autre : -Vous
voïez clairement que Jefus-Chrift fe retire d’ic i, parce
que fuivant fa doélrine, on ne refifte point à celui
qui le chaiTe. Et nous auffi , mes freres, brûlons cette
ville afin que le parti heretique n’en joüiiTe pas, 8c
nous en allons avec nos femmes & nos enfans par tout
où Jefus-Chrift ira. Suivons-le fi nous fommes chrétiens.
Ces difeours touchèrent les clercs qui tenoient le
parti de l’évêque Pierre : ils fermèrent les églifes &
n’oferent plus fonner les cloches, ni chanter publiquement
l’office ou la meife. Ils s’aiTemblerent, &
Tome XIII, A a