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. dant Thibaut pria Ton compagnon de chercher quel-
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que pauvre clerc qui lui apprit a lire , parce que c e -
toit un moïen de mieux favoir & mieux pratiquer les
commandemens de Dieu. Gautier trouva un maître
qui lui enfeigna les fept pfeaumes de la penitence ;
mais Thibaut n’avoit point de pfeautier ni dequoi en
acheter. Gautier perfuada au maître d’aller à Provins
trouver Arnoul pere de T h ib au t, & lui demander un
pfeautier pour fon fils. Le maître partit chargé d’un
pain , que Thibaut envoïoit à fes parens, n’aïant point
d ’autre prefent à leur faire, encore le lui avoit-on donné
par charité. Arnoul &c Guille fa femme apprenant
la iainte vie de leur fils , en rendirent grâces à D ieu ,
reçurent le pain comme un grand prefent, & en firent
manger à plufieurs malades de diverfes fièvres qui furent
tous guéris. ' ■ ■
Arnoul qui defiroit ardemment de voir ce cher
f ils , fuivit le maître qui le mena à Trêves, & le' fit
attendre hors de la v ille , fous un arbre, où Thibaut
avoit accoutumé de venir lire. Il l’y mena lui-mêm
e , fous prétexte de voir le profit qu’il avoit fait
" dans la leéture en fon abfence ; mais quand il vit fon
pere, il dit : Vous m’avez trahi, & retourna prompte ment.
Arnoul le fuivit fondant en larmes, & difant:
Pourquoi me fuïez-vous, mon cher fils ? je ne veux
pas vous détourner de vôtre bon deifein ; je ne veux
que vous voir &c vous parler une fois , & porter de
vos nouvelles à vôtre mere affligée. Thibaut répondit :
Seigneur ( car depuis qu’il l’eut quitté il ne le nomma
plus fon pere }:ne troublez point mon repos ; allez a i
paix & me permettez d’avoir la paix en Jefus-Chrift.
Son pere lui dit : Mon f ils , vous manquez de to u t ,
nous
y.-'I
nous avons de grands biens , recevez quelque chofe ÂN lo(ig>
au moins pour vous fouvenir de nous. Il repondit : Je
ne puis rien prendre après avoir tout quitte pour
Dieu , & fe retira. Gautier dit au pere , que fon fils
n’avoit befoin que d’un pfeautier, & il le donna avec
joïe.- ^
Pour éviter à* l’avenir de pareilles vifites y Thibaut
S’en alla à R om e , dans le delTein de faire encore un
plus long voiage. En effet au-retour de Rome , il prit
le chemin de Vernie voulant aller a Jcruialcm. Niais
Gautier ne pouvant plus a càufe de fon âge , fuppor-
ter tant de fatigues, ils s’arrêtèrent près de V iccn cc ,
en un lieu nommé Salanique, par la permiffion des
propriétaires » & y aiant bati une petite cabane , ils y
finirent leurs jours. Ils avoient voïage trois ans depuis
leur retraite, & Gautier en vécut encore deux dans cette
folitude : mais Thibaut lui furvecut de fept ans. Il
ne fe nourrit pendant long-temps que de pain d’orge
& d’eau, & en vint enfin à ne vivre que de fruits,
d’herbes & de racines, fans boire. Il portoit toujours
un cilice : il fe donnoit fouvent la difçipline avec un
foüet de plufieurs lanieres de cuir, & ne donnoit qu af-
fis. L’évêque de Vicence touché de fon mérité , l’ordonna
prêtre après l’avoir fait paffer par tous les degrez
ecclefiailiques, & la dçrnierç annee de fa vie il reçut
l ’habit monaftique. ¿ . , ,
Arnoul apprenant la réputation de faintete ou etoit ». «.
fon fils , rélolut d’aller à Rome en pelerinage pour le
voir en paffant, comme il fit ; & à fon retour il raconta
à Guille fa femme ce qu’il avoit vu. fille voulut
auffi voir fon fils : Arnoul retourna avec elle accompagné
de beaucoup de nobleffe , mais Guille
J'orne X I I I . Zj