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î.82. H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
pour rien : les citoïens & les freres fe pillent & fe
prennent l'un l’autre : on prend les pelerins qui vont
a Rome ou qui en reviennent, on les emprilonne &
on les tourmente plus cruellement que ne feraient des
païens : pour en exiger des rançons au-deffus de leurs
Forces.
C ’eft vôtre roi qui eft la caufe de ces maux : lui qui
ne mérité pas le nom de r o i , mais de tiran, qui paffe
fa vie dans le crime^& l’infamie*, qui portant inutilement
le feeptre dont il s’eft chargé , non feulement
donne occaiîon aux crimes de fes fujets, par la foiblcf-
fe de fon gouvernement, mais les y excite par fon
-exemple. Non content d’avoir mérité la colere de Dieu
par les pillages des églifes , les rapines, les adultérés,
les parjures , les fraudes, dont nous l’avons fouvent
repris : il vient encore d’extorquer une fomme immen-
fe aux marchands, qui étoient venus de divers païs
à une foire de France : cç qu’on ne racontoit point
même dans les fables qu’aucun roi ait jamais fa it :
V o u s , mes freres., vous êtes auffi en fau tep u ifq u e
c’eft fomenter fes crimes que de n’y pas refifter avec la
vigueur épifcopale. Car vous vous-trompez fort iï
vous croïez , çn l’empêchant de mal faire , manquer
au refpeét & à la fidélité que vous lui devez. C ’eft
lui être bien plus fidelle de le retirer même du naufragé
où fon ame periroit. Vous n’avez d’ailleurs rien
à craindre ; fi vous vous unifiez pour la défenfe de
la juftice , vous aurez une force capable de le réprimer
fans aucun péril pour vou s , & quand même
il faudrait' expofer vôtre v ie , vous ne devriez pas
manquer à faire vôtre devoir avec une liberté épifeo-
C ’eft pourquoi nous vous prions & vous admonef- I07/L
tons par l’autorité apoftolique , de vous aiFembler &
de parler au roi par délibération commune : pour l’avertir
du defordre & du péril de fon roŸaume , lui
montrer en face combien fes aétions font criminelles,
ôc vous efforcer de le fléchir par vos exhortations :
afin qu’il repare le tort qui a été fait aux marchands,
autrement, comme vous favez vous-même, ce fera
la fource de grandes inimitiez. Exhortez-le au refte à
fe corriger , à quitter les habitudes de fa jeuneffe , à
rétablir la juftice & relever la gloire de fon roïaume :
enfin à fe réformer le premier pour réformer les autres.
Que s’il demeure endurci, fans vouloir vous écouter
: s’il n’eft touché ni de la. crainte de Dieu , ni de
fa propre gloire, ni du falut de fon peuple : déclarez
lui de nôtre part, qu’il ne peut éviter plus long-temps
la rigueur des cenfiires -âpoftoliques. Imitez auffi
l’églife Romaine vôtre mere : féparez - vous entièrement
du fervice & de la communion de ce prince ,
& interdites par toute la Ffance la célébration publique
de l’office divin. Que fi cette cenfure ne l’oblige
pas à fe reconnoître : nous voulons que perfonne n i- .
gnore , qu’avec l’aide de Dieu , nous ferons tous nos
efforts pour délivrer le roïaume de France de fon
oppreffion.' Et fi nous voïons que vous agiffiez foi-
blemént en cette occafion fi neceffaire, nous.ne douterons
plus que vous ne le rendiez.incorrigible par la
confiance qu’il a*en vous , & nous vous priverons de
toute fonétion épifcopale, comme complices de fes
crimes. Car Dieu nous eft témoin, que perfonne ne
nous a fait prendre cette réfolution-, ni par prières
N n ij