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AN.1078. s’il le jugeoit à propos. Anfelme écrivit encore trois
traitez étant prieur; favoir de la v é r ité , du libre arbitre
& de la cnute du Démon, où il traite de l’origine
du mal. il en fit un quatrième qu’il intitula le grammairien,
parce que ce nom y fert d’exemple : mais
c’eit un traité de dialeétique touchant la fubftance &
la qualité.
Enfuite il lui vin t en penfée d’examiner, fi par un
feul argument fu iv i , on pouvoit prouver ce que dans
Yit».n.n. j e monol0gUe il avoit prouvé par plufieurs argumens ;
c’eft-à-dire, l’exiftence de Dieu &c fes attributs. En y
penfant attentivement, tantôt il croïoit l’avoir trouv
é , tantôt il lui échappoit; & il en étoit tellement occupé
, qu’il en perdoit la nourriture & le fommeil, &c
n’avoit plus d’attention au fervice divin, il crut
donc que c’étoit une tentation , & voulut fe défaire de
fes penfées : mais plus il faifoit d’effort pour les chaf-
fe r, plus elles le fatiguoient. Enfin aïant trouvé ce
qu’il cherchoit, il l’écrivit auffi-tôt fur des tables
c ir é e s , car on s’en fervoit encore, puis les fit
tranfcrire fur du parchemin, il nomma depuis cet ouvrage
proiloge, parce qu’il y parle à lui-même ou
à D ieu; & le légat Hugues archevêque de Lion , l’o bligea
d’y mettie fon nom. Gaunilon moine de Mar-
moutier aïant lû cet ouvrage , fut choqué de ce qui
y eft d it, qu’on ne peut concevoir un être fouverai-
nement parfait, fans le concevoir cxiftant ; & fit un
petit écrit fur ce fujet. Anfelme loin de le trouver
mauvais, le remercia defa critique ; mais il y répondit
folidement, en montrant que l’exiftence étant
une perfection, elle entre neceffairement dans l’idée
de l’être fouverainement parfait. Ces ouvrages &z
L i v r e S o ï x a n t e - D e u x i e ’m b . 365
les autres femblables qu’Anfelme fit depuis, montrent
que c’étoit le plus excellent metaphificien
qu’ait eu i’églife Latine depuis faint Auguftin. il eft
vrai qu’il avoit profité des lumières de ce faint docteur
, dont il emploie quelquefois l’autorité pour fe
défendre.
Un abbé qui étoit en réputation de piété , fe plai-
gnoitun jour à lui des enfans qu’on élevoit dans fon
monaftere, & difoit : Nous les fouettons continuellement
, & ils n’en deviennent que pires. Et quand ils
font grands, dit Anfelme, comment font-ils ? desftu-
pides & des b ê te s , répondit l’abbé. V o i la , reprit Anfelme
, une belle éducation , qui change les nommes
en bêtes. Mais, dites m o i, léigneur abbé , fi après
avoir planté un arbre dans vôtre jardin vous l’enfermiez
de tous cotez , enforte qu’il ne pût étendre fes
branches, qu’en v ien d ro it- il, finon un arbre tortu ,
replié &c inutile. En contraignant ainfi les pauvres en-
fans fans leur laifter aucune liberté , vous faites qu’ils
nourriflent en eux-mêmes des penfées obliques, repliées
, embarraflées qui fe fortifient tellement, qu’ils
s’obftinent contre toutes vos correétions. D’où il arrive
, que ne trouvant de vôtre part ni amitié ni douceur
, ils n’ont point de confiance en vo u s , & croient
que vous n’agiffez que par haine & par envie. Cesfen-
timens croiffent en eux avec l’âge , leur ame étant
comme courbée & panchée vers le vice ; & n’aïant
point été nourris dans la charité , ils regardent tout le
monde de travers. Mais dites moi, ne confiderez-vous
pas que ce font des hommes comme v o u s , & voudriez
vous être ainfi traité fi vous étiez à leur place?
Pour faire une belle figure d’une lame d’or ou d’ar-
Z z iij
A n. 1078.
l.ej>.6%, 74.
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