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, averti de ces préparatifs que faifoit l’évêque fon frere
crut fon deifein préjudiciable à l’état ; &c pour l’arrêter
fe»pre(Ta de palier en Angleterre. Le prélat de fon
côté venoit en Normandie avec un grand appareil :
mais il fut bien furpris de rencontrer le roi dans M e
dO iiig t. Le roi ailemblales ieigneurs ,& leur dit :
Avant que de repaïler en Normandie, je laiilai le gouvernement
de l’Angleterre à l’évêque deBaïeux mon
frere, qui y a commis des vexations inoüies contre les
peuples &c contre les églifes mêmes qu’il a dépoüil-
lées ; &c maintenant fur des efperances frivoles il a débauché
mes troupes neceilaires à la garde du païs ,
pour les mener au-delà des Alpes. Que me confeillez-
vous défaire en cette occafion ? Commeperfonne n’o-
foit dire ion a v is , ni prendre l’évêque, quoique Je
roi l’eut commandé , il le prit lui-même. Le prélat
s ecria : Je fuis clerc , on ne peut condamner un évêque
fans jugement du pape. Je ne vous condamne pas
comme eveque, dit le r o i , mais comme comte, qui
doit me rendre raifon du gouvernement du ro'iaume
que je lui ai confie. Il le fit donc mener en Normandie
, & enfermer au château de Roüen , où il demeura
quatre ans.
Le roi étant a l’article de la mort , comme on le
prefloit de délivrer ceprélar,ildit : Vous devriez con-
fiderer pour qui vous me priez : pour un homme qui
méprife Se deshonore la religion , pour un feditieux
qui ne fera pas plutôt en liberté qu’il troublera tout le
pâïs,ôc fera périr bien du monde. Toutefois je vois bien
que quand je vous le refuferois, il fera bien-tôt délivre
après ma mort : ainfi je l’accorde, quoiqu’à regret.
Le roi Guillaume aïant ainfi donné tous íes ordres »
mourut le jeudi neuvième de Septembre io8y.agede A n .1087.
foixante-quatre ans, dont il avoit regne vingt - un
comme.roi d'Angleterre, & cinquante-fixcomme duc
de Normandie.
Son corps fut porté à Caën , pour être enterré dans
l’abbaïe de faint Eftienne qu’il avoit fondée. Guillaume
archevêque de Rouen fit la ceremonie des funérailles
, affilié des fix évêques fes futïragans & de plu-
fieurs abbez. Après la meffe & avant l'inhumation ,
Gilbert évêque de Lifieux monta en chaire , & fit
l’oraifon funebre : après laquelle il exhorta le peuple
à orier pour le■ prince défunt , ôt a lui pardonner , s il
avoit offenfé quelqu un d entre-eux. A ce difcours
plufieurs répandirent des larmes : mais un nommé
Afcelin fils d’Artus ie leva dans la foule, & dit a haute
voix : Cette place où vous êtes, étoit la cour de la
maiionde mon pere, que celui pour qui vous priez,
n’étant encore que duc de Normandie , lui ota par
violence , & fans en faire aucune juftice, y bâtit cette
é°dife. Je reclame donc cette terre, & je défends de la
part de Dieu , que le corps de l’ufurpateur foit enterré
dans mon héritage. Les évêques &c les feigneurs
aïant appris des voifins qu il ctoit ainfi , appaiferent
Afcelin par la douceur ; & lui donnèrent fur lechamp
foixante fous pour la iêule place de là fepulture : promettant
de le fatisfaire pour le refte , comme ils firent
peu de tems après. En faifant l’inhumation le cercueil
fe trouva trop court : enforte qu’il fallut plier
le corps pour l’y faire entrer , ce qui fit crever le ventre
, car il’étoit très-gros; & il répandit une odeur
qui ne put être corrigée ni par l’encens, ni par les autres
parfums. On fe preffa de finir la ceremonie ; &
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