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Lambert. f> 134.
D'ominizo. lib. 1.
3 3 4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .’
de Tofcane. Cette princefle étoit fille du marquis Bo-
niface 8c de la comtefle Beatrix , qui en fécondés noces
époufa Godefroi duc de Lorraine, 8c Godefroi le
boifu fils de ce prince du premier lit, époufa Mathilde,
mais ils vécurent prefque toujours féparez ; car Mathil-
de ne vouloit point quitter l’Italie pour iuivre fon mari
en Lorraine ; 8c il y étoit retenu par le gouvernement
de fon é ta t, & le fervice du roi H en r i, auquel
il fut toujours très-fidelle 8c très-utile : ainfi à peine
venoit-il en Italie une fois en trois ou quatre ans. Ce
duc qui ie trouve aufli nommé Gozelon par diminut
i f , fut tué à Anvers le vingt-feptiéme de Février 1076.
ainlî Mathilde fe trouva veuve à Fâge de trente ans ;
car elle étoit née en 1046. 8c elle perdit fa mere Beatrix
environ fix femaines après fon mari. La mere 8c la
fille avoient un grand attachement pour le pape Grégoire,
comme il paroît par fes lettres : mais depuis que
Mathilde fut v eu ve , elle étoit prefque toujours auprès
de lu i, 8c le fervoit avec une affeétion merveilleufe.
Et comme elle étoit maîtrelfe d’une grande partie de
l’Italie & plus puiifante que les autres feigneurs du
pais : par tout où le pape avoir befoin d’e lle , elle y ac-
couroit auifi-tôt, 8c lui rendoit les mêmes devoirs qu’à
un pere ou à un feigneur.
C ’eil: ce qui donna prétexte aux partifans du roi
H en r i, 8c particulièrement aux clercs dont le pape
condamnoit les mariages facrileges, de l’accufer lui-
même d’un commerce criminel avec Mathilde. Mais,
ajoûte l’hiftorien Lambert, toutes les perfonnes fenfées
voïoient plus clair que le jo u r , que c’étoit un faux
bruit : car la princefle n’auroit pû cacher fa mauvaife
conduite dans une auffi grande ville que Rome & au
L i v r e s o i x a n t E-d e u x i e ’ m e . 335
milieu d’une fi grofle cour -, 8c le pape de fon côté me-
noit une vie fi pure 8c fi exemplaire , qu’il ne donnoit
pas lieu au moindre mauvais ioupçon : outre que les
miracles qui fe faifoient fouvent par fes prières, joints
à fon zele ardent pour la difcipline de l’eglife, le jufti-
fioient aflez. C ’eft ainfi que parle cet hiftorien , homme
très-fenfé lui-même & qui finit fon hiftoire cette
année.
Le pape étant donc en chemin pour aller en Allemagne
, fut bien furpris quand on lui d i t , que le roi
étoit déjà en Italie. Il ne favoit à quel deifein ce
prince étoit v en u , fi c’étoit pour demander pardon
ou pour fe vanger d’avoir été excommunié. Le pape
en attendant qu’il fût mieux informé des intentions
du roi, fe retira par le confeii de Mathilde dans une
forterefle qu’elle avoir en Lombardie. C etoit le château
de Canufium ou Canolfe près de Rege, qu’il ne
faut pas confondre avec l ’ancienne ville de Canofle
vers Bari à l’autre extrémité de l’Italie. Plufieurs
évêques Allemands & plufieurs laïques, que le pape
avoir excommuniez , 8c que le r o i , par cette raifon,
avoit été obligé d’éloigner de fa perfonne, aïant échappé
à ceux qui gardoient les paflages , arrivèrent en
Italie , & vinrent à Canofle nuds pieds 8c vêtus de
laine fur la chair, pour demander au pape l’abfolu-
tion. Il répondit, qu’il ne falloir pas refufer le pardon
à ceux qui reconnoîtroient fincerement leur péché
: mais qu’une fi longue défobéiflance demandoit
une longue penitence. Comme ils déclarèrent qu’ils
étoient prêts à fouffrir tout ce qu’il leur prefcriroit,
il fit féparer les évêques dans des cellules chacun à
part, leur défendant de parler à perfonne, 8c de pren-
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Le pape à Canof-
fe.
Lambert, p. 148-