
quêtes lé zele d’établir leur, religion par toute la terre. Ils fouffroient
à la vérité les chrétiens : mais ils emploïoient pour les pervertir tous
les moïens poilîbles, excepté la perféciition ouverte : en cela même plus
dangereux que les païens. D’ailleurs leur religion a quelque ehofe de fpe-
cieux. Ils ne prêchent que l’unité de Dieu, & l’horreur de l’idolâtrie ; &
ils ont imité plufieurs pratiques du ehriftianifme, la priere à certaines
heures réglées, le jeûne d’un mois les peleiiinages. Enfin leur indul-,
gence pour la pluralité des femmes & des. concubines, attire les hommes
fenfuels. Ils emploïerent entre autre un artifice extrêmement pernicieux
au ehriftianifme. La Syrie étoit pleine de Neftoriens, l’Egypte d’Euty-
quienss les uns & les autres ennemis des patriarches de C. P. & des empereurs
qu’ils regardoienr comme leurs perfecuteurs. Les Mufulmans profitèrent
de cette divifion : protégeant les heretiques , Si abaiffant les catholiques
qui leur étoient fufpeéts, par leur attachement à l’empereur de
C. P. d’où leur vint le nom de Melqüitps c’eft-à-dire, en Arabe, roïaux
ou impériaux. C ’eft par-là que ces herefies fi anciennes fubfiftent encore
<, & que les chrétiens d'Orient ont des évêques JSc des patriarches de
çes différentes feéles, Melquites, Neftoriens, Jacobites, qui font les Euty-
quiens.
Par ces divers moïens les Mufulmans, fans exterminer abfolument le
chriftianifine, diminuèrent extrêmement le nombre des vrais chrétiens ;
Sc les réduifirent à une grande ignorance, par la iervitude qui.leur ôtoit le
courage & les commoditez d’étudier, Le changement de langues y contri-
buoit. L’Arabe étant la langue des maîtres, devint celle de' tout l’Orient,
comme elle eft encore : le Grec ne fut confervé que par la religion & chez
les Melquites feulement : car les Neftoriens faifoient leur ferviee en Syriaque
, & les Jacobites en Cofre ou en ancien Egyptien. Ainfi comme tous les.,
livres ecclefiaftiques ou profanes étoient en Grec, il fallut les traduire, ou
apprendre cette langue , ce qui rendit les études bien plus difficiles. De
là vient qu’incontinent après la eonquête des Mufulmans, nous perdons de
vue ces anciennes églifes d’Egypte, de Paleftine, de Syrie autrefois fi florif-
fantes ; & que faute d’écrivains, je n’ai pû vous en marquer la fuite comme
dans lesfîecles précedens. L’hiftoire d’Eutyquius patriarche d’Alexandrie
eft une preuve .de ce que j’avance. Il l’a écrite en Arabe, quoiqu’il
fut Melquite ; & on y voit tant de fables & fi peu d’exaéfitude, même dans
les faits de fon temps, qu’elle marque allez l ’imperfection des études de ces
pauvres chrétiens. Elles s’affoiblirent notablement même chez les Grecs :
foit par le commerce avec les barbares leurs voifins, foxt par la domination
des empereurs ignorans & brutaux, comme’ les peuples dont ils étoient
fbrtis : Léon Iiàurien, ion fils Copronymè, Léon l’Armenien. L’herefie des
Iconoclaftes que ces princes foutinrent avec tant de fureur, venoit dans le
fonds d’une ignorance groffiere, qui leur faifoir prendre pour idolâtre le
éulre des fainres images, & ceder aux reproches des Juifs & des Mufulmans.
Ils ne confideroient pas que ce culte étoit reçu dans l ’églife par une tradition
immémoriale, & que l’eglife ne peut errer, qui eft la grande preuve des
peres du ieptiéme concile. .
Mais
Mais les aétes de ce même concile fonr-une preuve de la décadence
des études, par le grand nombre dhiftoires douteufes, pour ne pas dire
fabuleufes, & d’écrits fiiipeéts qui y’ font citez, & qui montrent que
les Grecs n’étoient pas meilleurs critiques que les Latins : ce qui toutefois
ne fait rien pour le fonds de la queftion, puifqu’ils rapportent allez
de preuves autentiques du culte des images, & fondent leur décifion lut
rinfalîibilité de l’églife. Un autre exemple illuftre de la mauvaife critique
des Grecs , eft la facilité avec laquelle ils reçurent les écrits attribuez,
à faint Denis l’Areopagite. On les rejettoit du temps de Juftinien,
& cent ans après on ne les conteftoit point aux Monothelites, qui fai- hiß. liv. m u .
foient un fi grand fonds fur l’opération théandrique mentionnée dans cet ”f 7"xx%wlu nauteur.
J0.
La perfécution des Iconoclaftes avoit prefque éteint les études dans
l’empire Grec ; mais elles fe reveillerent fous Baille Macédonien, par les
foins du favant Photius, & continuèrent fous Leon le Philofophe &
fes fucceffeurs. Toutefois les écrivains de ce temps-là font bien au-det
fous .de ceux de l’ancienne Grece. Leur langage eft affez pur, mais
leur ftile eft façonné & affeété : ce ne font que lieux communs, vaines
déclamations, oftentation de leur favoir, réflexions inutilçs, Le plus il- Hiß. I. tr.n .ji.
luftre exemple de ce mauvais ftile, & le plus de mon fujet eft celui de
Métaphrafte, qui nous a tant gâté de vies de Saints, prétendant les
rendre plus agréables, fuivant le témoignage de Pfellus fon admirat
e u r . .
On voit chez les Grecs pour le moins autant que chez les Latins,
l’amour des fables & la fuperftirion, l’un & l’autre, enfans de l’ignorance.
Pour les fables, jè me contenterai de citer l’image miraculeufe
d’Edefle dont l’empereur Conftantin Porphyrogenete.a fait une fi longue Hiß. I• LV- »• S9-
hiftoire, que j’ai rapportée exprès. Pour les fuperftirions, l’hiftoire Bi-
zantine en fournit des exemples à chaque page. Il n’y a point d’empeT
reur’ qui- monte fur le trône ou qui en defeende , fans préfage ou pré-
diélions. Il y a toujours quelque caloyer dans un ifle , fameux pair „
l’aufterité de fa vie, qui promet l’empire à un grand capitaine,. & le nouvel
empereur le fait évêque d’un grand fiege. Mais ces prétendus prophètes
étoient fouvent des impofteurs. Je reviens maintenant à l’Occident.
i / a
Un autre effet de la domination des.barbares, c’eft que les eveques VI I I
& les clercs devinrent-chaffeuts & guerriers comme les laïques : ce qüi Clercs chsffcurs
toutefois n’arriva pas fi-tôr. Car dans les commencemens, les barbares-, & g “ar'ers'
quoique chrétiens, n’étoieht pas admis dans le clergé. Outre l’ignorance,
leur férocité & leur legereté naturelle empêchoit de leur confier l’ad-
miniftration des facremens & la conduite des ames. Ce ne fut gueres
qu’au feptiéme fiecle qu’ils entrèrent indifféremment dans les ordres, autant
que je puis juger par les noms des évêques Sc des clercs , qui juiques-
là font prefque tous Romains, Auffi ne voïons-nous que depuis ce concil.
temps des défenfes aux clercs de porter les armes, de chafler & de nour- c. Â cebihn. ••
rir des chiens & des oiieaux pour le plaifir. Or l’exercice violent de la c- >■
Tome XITU ^