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A n. 108(1. vouloienc l’enlever , & qu’ils avoientdes pinces & des
marteaux préparez pour cet effet. Ceux de Bari en
furent d’autant plus excitez à hâter leur entreprife,
craignant l’affront d’être prévenus par les Vénitiens.
Aïant donc expediez promptement les affaires de
leur négoce , ils ie remirent en mer ; mais quand ils
furent à la côte de Myre, ils changèrent de reïolution,
& craignant les difficultez, ils vouloient profiter du
vent qui leur étoit favorable. Ce vent changea tout
d’un coup , & ils furent contraints de s’arrêter , ce
qu’ils prirent pour une marque de la volonté divine.
Ils envoïerent à la découverte, & on leur rapporta ,
que le pais étoit défert & l’églife feule gardée feulement
par trois moines. Alors ils prirent les armes ,
& laiffant quelques hommes à la garde des vaiffeaux ,
ils marchèrent en bon ordre, ,comme s’ils euffent dû
rencontrer des ennemis : car le lieu où ils alloient
étoit éloigné du rivage d’environ trois mille. Etant
arrivez à l’églife , ils quittèrent leurs armes, &c firent
leurs prières au Saint- Puis ils demandèrent aux moines
où étoit fon corps. Ils répondirent : Nous avons
appris de nos ancêtres qu’il eft en cet endroit ; &c ils
leur montrèrent la place. C ’eft que fuivant l’ancien
ufage il étoit fous terre. Les moines tirèrent enfuite
à l’ordinaire de la liqueur dont étoit plein le tombeau
& leur en donnèrent. Alors les voïageurs leur dirent
qu’ils vouloient enlever ce iaint corps , & l’emporter
chez eux C a r , ajouterent-ils, 1 e pape nous a envoïez
exprès pour ce fujet; &c fi vous y voulez conientir,
nous vous donnerons cent fous d’or pour chacun de
nos trois vaiffeaux. Les moines effraïez de cette pro-
pofition, répondirent : comment oferions-nous ten-
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ter ce qu’aucun homme mortel n’a jufques ici entre- An, 1087.
pris impunément ï &c quel prix pourroit-on mettre
à un tel tréfor f Toutefois fi vous voulez effaïer ,
voilà la place. Ce qu’ils diloient, perfuadez que ces
étrangers ne pourroient l'executer.
Ceux-ci voïant que le jour baiffoit , réfolurent de
ne pas différer davantage. Ils commencèrent par fe
faifir des moines, puis ils mirent des fentinelles &c
des gens armez fur les avenues, pour arrêter ceux qui
pourroient furvenir.. Ils n’étoient que quarante-quatre
fous les armes > mais ils n’en auroient pas craint
quatre fois autant. Dans l’églife deux prêtres qui les
accompagnoient Loup & Grimoald,.. commencèrent
avec quelques autres les litan ie s , mais la fraïeur les
empêchoit de parler. Cependant un des voïageurs
nommé Mathieu rompit avec une groffe maffe de
fer le pavé de marbre, & aïant ôté le ciment qui
étoit deffous^on découvrit le dos du cercueil auffi
de marbre. Mathieu le caffa avec fa maffe, & il en
fortit une odeur très-agreable. Il mit fa main dedans
&c y fentit une liqueur en fi grande quantité ,. qu’elle
empliffoit prefque à moitié le cercueil qui n’étoit pas
petit., il y enfonça la main , &c en tira les os du
Saint fans ordre, félon qu’il les rencontra, mais la
tê te y manquoit. Pour mieux chercher il mit les pieds
dans le cercueil où il entra , &c l’a'iant trouvée, il en
fortit tout trempé. Quelques - uns des affftans prirent
des particules des faintes reliques , Ôc les cachèrent.
C ’étoit le vingtième d’Avril..
Comme ils n’avoient point de châffes pour mettre
les reliques, un des prêtres ôta une cafaque qu il portait
, ôclcs y enveloppa. Ils les emportèrent ainfi avec