
6 jq H i s t o i r e L c c l e s i a s t i q u e .
prefens ; mais ils lui avoüerent ingenuëment, qu’ils
étoient attachez à leurs biens , ôc que fes maximes
écoient trop fublimes pour eux : enfin qu’ils ne pou-
voient fe feparer du ro i, ôc ne tenir comme Anfelme
qu’à Dieu feul.
On lui vint dire enfuite de la part du roi:Quand vous
vous reconciliâtes avec le roi à Rochingam , vous lui
promîtes de garder les loix ôc les ufages de ion roïau-
me. Or il eft abfolument contraire à ces loix qu’un .
fe igneu r, fur tout tel que vous , faiTe le voiage de
Rome fans fon congé. Anfelme alla trouver le r o i , ôc
s’étant aifis à fa droite , fuivant l’ufage, il dit : J avoue
que j’ai promis de garder les coutumes de votre roïau-
me : mais je n’ai entendu que celles qui font félon
Dieu ôc la droite raifoia. Le roi ôc les feigneurs lui
objeèfcerent, qu’il n’avoit point fait alors cette reftric-
tion. A quoi il répliqua : A Dieu ne plaife qu aucun
Chrétien garde des loix ou des coutumes qui font
contraires aux loix divines. Vous dites qu il eft contre
vôtre coutume, que j’aille confulter le vicaire de faint
Pierre pour le falut de mon ame ôc pour le gouvernement
démon églife; ôc moi je vous déclaré , que cette
coutume eft contraire à Dieu & a la droite raifon , ôc
que tout ferviteur de Dieu la doit méprifer. Enfin le
roi lui permit d’aller à Rome , ôc Anfelme avant que
de le quitter, voulut encore lui donner fa bénédiction
: que le roi reçut en baillant humblement la tête
ôc admirant le courage du prélat. C ’eft ainfi qu’A n felme
fe fepara de lui le jeudi quinzième d’Oètobre
-1097.'
Il paffa à Cantorberi, où il confola les moines de
la cathédrale, ôc les exhorta à fouffrir conftamment
la
la perfécution qui les menaçoit pendant fon abfence. AN.1098..
Puis en prefence de tout le clergé ôc le peuple, il
prit le bourdon & la gibecieie de pelerin, Scies recommanda
à Dieu fondant tous en larmes. A Douvres
il trouva un clerc nommé Guillaume envoie par le
roi , qui ne lui dit rien pendant quinze jours qu’il
attendit le vent : mais quand il fut prêt à s’embarquer,
il l’arrêta fur le rivage de la .part du roi pour vifiter
fon bagage. Il fallut ouvrir toutes les malles, ôc laiifer
fouiller par to u t , au grand fcandale du peuple amaf-
fe a ce fpeëlacle, qui deteftoit hautement cette indignité.
Aïant traverfé la France Anfelme vint en Bour- ' & s
gogn e, où le duc lui rendit beaucoup d’honneur : Lion’
puis il arriva a Clugni le troifiéme jour avant Noël,
y fut reçu avec un très-grand refpeët & y fit quelque
féjour. De-làil envoïa avertir de fa venuë Hugues archevêque
de Lion qu’il connoiifoit depuis long-tems,
ôc qui de fon côté defiroit ardemment de le voir.
Anfelme l’eftimoit à tel p o in t, qu’il avoir r.efolu de
fe rapporter à lui & à faint Hugues abbé de Clugni,
touchant le parti qu’il devoit prendre en fon affaire.
L’archevêque chargea f évêque de Mâcon d’aller au-
devant d’Anfelme ôc l’amener à Lion, où il fut reçu
avec tous les honneurs poffibles.
Là il apprit qu’il n’y avoit pas de fureté à paffer
outre, à caufe desfchilmatiques du parti de Guibert,
qui pilloient tous ceux qui alloient à R om e , principalement
les ecclefiaftiques ôc les religieux. Guibert
lui-même étoit alors près de Ravenne fon »‘ancien
iîe g e , où il tenoit une fortereffe, qui le rendoit maître
du paffage du Po : mais il la perdit peu de tems sÉ h lè >r_,
Tome XIII, M m mm