
A n .io p j. Les évêques ne trouvant rien à répondre à ce discours
, revinrent à l'archevêque 8c lui dirent : Penfez-
y-bien , nous vous en prions: renoncez à l’obeiflance
de cet Urbain, qui ne peut vous Servir de rien, tant
que le roi fera irrité contre vous, ni vous nuire quand
Vous ferez bien avec le roi : demeurez libre , comme il
convient à-un archevêque de Cantorberi, réglant v o tre
conduite parla volonté du roi, afin qu'il vous pardonne
le paifé i & que vos ennemis vous votant rétabli
dafis vôtre dignité i foient chargez de confufion. An-
felme demeura ferme l 8c demanda que quelqu'un lui
p rouvât, qu’en refufant de renoncer à l’obéiiTance du
pape, il manquoit à la fidélité qu’il devoir au roi. Mais
perfonne n’oia l’entreprendre : au contraire, ils recon-
nurcntqu’il ri’yavoi t que lepape qui pût juger un archevêque
de Cantorberi.
Celui qui échaufoit le plus le roi contre Anfelme ,
étoit Guillaume évêque de Durham, homme qui
avoit plus d’agî ément 8c de facilité à parler, que d e
Solidité d’efprit. Il avoit promis au roi de faire en-
fo r te , qu’Anfelme renonceroit au pape Urbain ou à
l'archevêché, efperant par ce moïen monter lui-même
fur le fiege de Cantorberi. Le roi donc fe plaignant
aux évêques, de l’avoir engagé mal à propos
dans cette affaire, puifqu’ils ne pouvoient condamner
Anfelme , l’évêque de Durham lui confeilla d’em-
ploïer la violence , de lui ôter1 la croffe Sc l’anneau ,
8c le chalTer du roïaume. Les feigneurs n’approuve-
rent point ce confeil : mais le roi ordonna aux évêques,
de refufer à Anfelme toute l’obéilfance 5c n’avoir
même aucun commerce avec lui : déclarant que de fa;
part il ne le regardoic plus comme archevêque. Les
évêques
L i v r e S o i ï x m t e - Q o a t r i e ’ m e . ¿ 0 3 -----------------
évêques Iepromirent 5c rapportèrent ce difeours à An- A n . i o ? j .
felme, qui dit : Et moi je vous tiendrai toujours pour
mes freres 5c pour lès enfans de l’églife de Cantorberi
, & je ferai mon poifible pour vous ramener de
cette erreur : quant au r o i, je lui promets toutes fortes
de Services 5c de foins paternels, lorfqu’il voudra
bien le fouffrir. Le roi commanda aux feigneurs de
faire comme leswévêques, 8c de renoncer à l’obéifi
iànce 6c à l’amitié d’Anfelme. Ils répondirent : Nous
ne fommes point fes vaifaux, Sc ne lui avons point
fait de ferment : mais il eft nôtre archevêque , il doit
gouverner en ce païs-ci la religion , 5c nous ne pouvons
, étant Chrétiens, nous fouftraire à fa conduite:
vu principalement , qu’il n’eft coupable d’aucun
crime.
Alors les évêques demeurèrent confus, 8c tout le
monde les regardoit avec indignation , nommant l’un
Judas, l’autre Pilate , l’autre Herode. Plufieurs dirent
qu’ils ne prétendoient refufer obéïifance à Anfelme ,
que quant à l'autorité qu’il difoit tenir du pape Urbain
; 8c s’étant attiré par-là l’indignation du roi ,
ils fe le réconcilièrent à force d’argent. Mais Anfelme
voïant qu’ il n’étoitplus en fureté en Angleterre,
car le roi le lui avoit déclaré , lui demanda un fauf-
conduit juiqu’à la m e r , pour fortir du roïaume , en
attendant qu’il plût à Dieu d’appaifer ce trouble. Le
roi fut fort embaraffé de cette propofition. Car quoiqu’il
fouhaitât paffionnément la retraite du prélat, il
ne vouloir pas qu’il*fortît revêtu de la dignité pontificale
, 8c ne voïoit pas qu’il fû t poifible de l'en dépouiller.
Enfin on convint de lui donner un délai
jufques à la Pentecôte, 8c le roi promit de laifferjuf-
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