
■--------- 5 5<î H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e :
AN.1093. J’avouë que ces maux fonc grands, ôc ont befoin de
remede : mais je fuis déjà vieux ôc incapable de travail
extérieur. Il avoir ioixante ans. Si je ne puis travailler
pour moi-même , comment pourrai-je porter
la charge de toute l’églife d’Angleterre f D ’ailleurs je
fai en ma conscience, que depuis que je fuis moine ,
j ai toujours fui les affaires temporelles , parce que je
n’y trouve aucun attrait. Les évêques reprirent : Con-
duifez-nous feulement dans la voie de Dieu, nous aurons
foin de vos affaires temporelles. Anfelme ajouta:
Ce que vous prétendez eft impoffible : je fuis abbé
dans un autre roïaume , je dois obéiffance à mon archevêque
: foûmiffion à mon prince , aideôc con-
feil a mes moines. Je ne puis rompre tous ces liens.
Ce n’eft pas une affaire , dirent les évêques, ils y
confentiront tous facilement. Non , reprit-il, abfo-
lument il n’en fera rien.
Ils le traînèrent donc au roi malade, ôc lui repre-
fenterent fon opiniâtreté. Le roi fenfiblement afflige
, lui dit : Anfelme, que faites-vous ? Pourquoi
m’envoiez-vous en enfer? fouvenez-vous de l’amitié
que mon pere ôc ma mere ont eu pour vous , ôc
vous pour eux, & ne me biffez pas périr. Car je fai
que je fuis damne, li je meure en gardant cet archevêché.
Tous les affiftans, touchez de ces paroles,
fe jettent fur Anfelme, ôc lui difent avec indignation
: quelle folie vous tient ? vous faites mourir
le roi en l’aigriffant en l'état où il eft. Sachez
donc que l'on vous imputera tous les troubles ôc tous
les crimes qui defoleront l’Angleterre. Anfelme ainfï
preffé, fe tourna vers deux moines qui l’accompa-
gn oien t, ôc leur dit : A h 1 mes freres, que ne me fe-
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courez-vous ? Un d’eux nommé Baudoüin répondit : A n. 109 3.
Si c’eft la volonté de Dieu , qui fommes-nous pour
y réiifterf Helas dit Anfelme , vous êtes bien-tôt
rendus. Le roi voïant qu’ils n’avançoient r ien , leur
ordonna de fe jetter à les pieds : mais il fe profterna
de fon côté fans leur ceder. Alors s’accufans de lâcheté,
ils crièrent: une croffe , une croffe , ôc lui
prenant le bras droit ils l’approcherent du lit. Le roi
lui prefenta la croffe; mais il ferma la main : les évêques
s’efforcèrent de l’ouvrir ,jufques à le faire crier,
ôc enfin lui tinrent la main avec la croffe. On cria :
V iv e l’évêque : on chanta le Te Deum : on porta An-
felmc à l’églife vo ifin e , quoiqu’il réfiftât toujours ,
en difant qu'ils ne faifoient rien. Après qu’on eut fait
les cérémonies accoutumées, il revint trouver le roi,
ôc lui dit : Je vous déclare, Sire, que vous ne mourrez
point de cette maladie. C ’eft pourquoi je vous prie
de voir comment vous pourrez réparer ce que l’on
vient de me' faife : car je ne l’ai approuvé ni ne l’approuve.
Aïant ainfi parlé il fe retira.
Comme les évêques le reconduifoient avec toute la
nobleffe, il fe retourna ôc leur dit : Savez-vous ce que
vous pré tendez faire? vousvoulez attacher à un même
joug un taureau indompté avec une brebi vieille ôc foi-
ble. Et qu’en arrivera-t-il ? le taureau traînera la brebi
par les ronces ôc les épines ; ôc la mettra en pièces ,
fans qu’elle ait été utile à rien. Le roi ôc l’archevêque
de Cantorberi concourent enfemble à conduire l’.é-
glife d’Angleterre, l’un par la puiffance feculiere ,
l ’autre par la dodrine ôc la difeipline: vous m’entendez
affez ; confiderez à qui vous m’affociez, ôc vous
yous deilfterez de votre entreprife. Sinon je vous
A a a a iij