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D e jid . C a f f in .
iin lo g . l ib . 3.
188 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
voix & dit : Mes freres 8c mes foeurs, Dieu nous eft témoin
que nous faifons ceci pour le falut de vos ames,
afin que déformais vous évitiez la fimonie, dont pref-
que tout le monde eft infeété. Car vous devez favoir
quelle eft fi abominable, que les autres crimes ne font
prefque rien en comparaifon.
' Les deux bûchers étoient déjà réduits en charbon
pour la plus grande partie,& le chemin d’entre deux en
etoit couvert, en forte qu’en y marchant on en auroit
eu jufques aux talons, comme on vit depuis par expérience.
Alors le moine Pierre, par ordre de l’abbé, prononça
à haute voix cette oraifon, qui tira les larmes de
tous les afliftans : Seigneur Jefus-Çhrift , je vous fup-
plie que fi Pierre de Pavie a ufurpé par fimonie le fiege
de Florence, vous me fecouriez en ce terrible jugement
, & me préferviez de toute atteinte du feu , comme
vous avez autrefois confervé les trois enfans dans
la fournaife. Après que tous les affiftans eurent dit
Amen, il donna le baifer de paix à fes freres -, 8c on
demanda au peuple , combien voulez-vous qu’il demeure
dans le feu ? Le peuple répondit : C ’eft ,aifez
qu’il paife gravement au milieu.
' Le moine Pierre faifant le figne de la c ro ix , 8c
portant une croix fur laquelle il arrêtoit fa vûë fans
regarder le fe u , y entra gravement nuds pieds avec
un vifage guai. On le perdit de vûë tant qu’il fut entre
les deux bûchers ; mais on le vit bien-tôt paroître
de l’autre côté fain & fa u f, fans que le feu eût fait la
moindre impreifion fur lui. Le vent de la flamme
agitoit fes cheveux , foulevoit fon aube , & faifoit
flotter fon étole & fon manipule : mais rien ne brûla ,
pas même, le poil de fes pieds. Il raconta depuis, que
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comme il étoit prêt à fortir du feu , il sapperçut que l0ayl
fon manipule lui étoit tombe de la main , & retourna
le prendre au milieu des flammes. Quand il fut l°rti
du feu , il voulut y rentrer, mais le peuple 1 arrêta,
lui baifant les pieds , & chacun s’eftimoit heureux
de baifer la moindre partie de fes habits. Le peuple
s’emprelfoit tellement autour de lu i , que les clercs
eurent bien de la peine a l’en tirer. Tous chantoient
à Dieu des loüanges, répandant des larmes de joie :
on exaltoit faint Pierre 8c on déteftoit Simon le magicien.
Ce récit eft tiré de la lettre que le cierge 8c le peuple
de Florence en écrivit auflï-tôt au pape Alexandre ,
le fuppliant de les délivrer des fimoniaques. Le pape y fc- «• »•
eut égard 8c dépofa de l’épifcopat Pierre de Pavie, qui
le fournit à ce jugement, &z fe convertit fi bien , quil
fe réconcilia avec les moines, & fe rendit moine dans
le même monaftere de Septime. I l eut pour fuccefleur
un autre Pierre, que l’on nomme le catholique, pour
le diftinguer-du fimoniaque.
Quant au moine Pierre, qui s’expofa au feu avec
tant de f o i , il étoit Florentin de la famille, des Aldo-
brandins : s’étant rendu moine à Vallombreufe , il y
garda les vaches 8c les ânes par ordre de Jean Gual-
b e r t, puis il fut prévôt de Paifignan monaftere dé la
même congrégation. Après le miracle du fe u , le comte
Bulgare pria Jean Gualbert de le faire abbe de Fici-
c le , 8c l’obtint. Il fut enfuite cardinal & évêque d A l-
bane ; 8c le nom de Pierre Ignée,en latin Igneus,lui demeura,
comme qui diroit Pierre du feù.
Hugues le Blanc prêtre cardinal légat du pape
Alexandre aflifta à un concile, que Sanche Ramirés iégat5nEfPaga=.
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