
1 4 D i f cours fur l’Hifloire Ecclefaflique.
quelque cas ôc avec quelque formalité que ce foit , par puifiànce direéte
ou indireéfce : s’il a , dis-je, ce pouvoir, il faut dire fans détour, il eft feul
véritablement iouverain 3 ôc pendant mille ans l’églife a ignoré ou négligé
fes droits.
Grégoire VII. fe laiiïà encore entraîner à la prévention déjà reçue »
que Dieu devoit faire éclater fa juftice en cette vie. Delà vient que
dans £ès lettres il promet à ceux qui feront fideles à faint Pierre, la
proiperité temporelle, en attendant la vie éternelle ; & menace les re-
Hifi. liv. lxiii. belles de la perte de l’une ôc de l’autre. Jufques-là, que dans la fe-
»• ** conde fentence d’excommunication contre le roi Henri, adreifant la
parole à faint Pierre, il le prie d’ôter à ce prince la force des armes ôc
la viétoire. Afin, ajoûte-t-il, de faire voir à tout le monde, que vous avez
tout pouvoir au ciel Ôc fur la terre. Il croïoit fans doute que Dieu, qui
connoifïoit la bonté de fa cauie ôc la droiture de fes intentions , exau-
ceroit fa priere : mais Dieu ne fait pas des miracles au gré des hommes,
& il femble qu’il voulut confondre la témérité de cette prophétie. Car
quelques mois après, il fe donna une fanglante bataille, ou le roi Rodolphe
fut tué, quoique le pape lui eût promis la viétoire *, ôc le roi Henri
, tout maudit qu’il- étoit, demeura victorieux. Ainfi la maxime que Grégoire
fuppofoit, fe tournoit contre, lui-même •, ôc à juger par les évene-
mens, oh avoit lieu de croire que fa conduite n’étoit pas agréable à Dieu.
Lion de corriger le roi Henri, il ne fait que lui donner occafion de commettre
de nouveaux crimes : il excite des guerres cruelles qui mettent en
feu l’Allemagne Ôc l’Italie : il attire un fchifme dans l’églife, on l’ailïege
lui-même dans Rome, il eft obligé d’en lortir , ôc d’aller enfin mourir
en exil à Salerne.
Ne pouvoit-on pas lui dire : Si vous diipofez des profperitez temporelles,
que ne les prenez-vous pour vous-même ? Si vous n’en diipofez
pas, pourquoi les promettez - vous aux autres ? Choifiiïez entre le
perfbnnage d’apôtre ou de conquérant : le premier n’a de grandeur ôc
de puifiance qu’inrerieure Ôc fpirituelle, au-dehors ce n’eft que foi-
blefîc Ôc que fouffranee : le fécond a beioin de tout ce qui frappe les fens ,
des roïaumes, des armées, des treiors pour les entretenir. Vous ne pouvez
allier deux états iï oppofez : ni vous faire honneur des fouifiran-
ces que vous attirent des entreprifes mal concertées: Jufques ic i, j’ai
principalement confideré le relâchement de l’ancienne difeipline ôc les autres
tentations dont Dieu a permis que fon églife fut attaquée depuis
le fixiéme fiecle juiqu’au douzième. Voïons maintenant les moïens par
lefquels il l’a confervée, pour accomplir fa promefte d’être toujours
avec elle, ôc de ne jamais permettre qu’elle fuccombât aux puiflances de
l ’enfer. .
X ï X. Premièrement la fucceflion des évêques a continué fans interruption
Succeffida d’é- dans la plûpart des églifes depuis leur première fondation. Nous avons
YÔqiicÊ. la fuite des évêques de chaque fiege dans les recueils intitulez la Gaule
chrétienne, l’Italie facrée ôc les autres femblables : plufieurs églifes ont
leurs hiftoires particulières, ôc quant aux autres, on trouve de temps
en
Depuis l'an 600. jufqua l'an uoo. 15
en temps les noms de leurs évêques dans les conciles, dans les hiftoires
générales, ou dans d’autres aéfces autentjques. C ’eft la preuve de la tradition.
Car dans tous ces lieux où nous voïons un évêque, il eft certain
qu’il y avoit une églife , un clergé, l’exercice <ie la religion, une école
chrétienne ; & on eft en droit de fuppofer qu’on y enfeignoit la même
doéfrïne, que dans les autres églifes catholiques, tant que l ’on trouvoit
cette églife particulière en communion avec elle. L’indignité des pafteurs
n’a point interrompu cette tradition. Qu’un évêque ait été fimoniaque,
avare, débauché, ignorant : pourvu qu’il n’ait été ni heretique, ni fchiftna-
tique, la foi Ôc les réglés de la difeipline n’auront pas faille de fe confèrver
dans le corps de ion églife : quoique ion mauvais exemple ait pû nuire a
quelques particuliers.
C ’eft ce qui eft arrivé principalement à Rome. Dieu a permis que
pendant le dixième fiecle ce premier fiege fût rempli de fujets indignes,
par l’infamie de leur naiilànce ou par leurs vices perfonnels : mais il n’a
-pas permis -qu’il s’y foit glilïe aucune erreur contre la (aine doéhïne, ni
que lïndignité des perfonnes nuisît à l’autorité du fiege. Ces temps d’ailleurs
fi malheureux n’ont point eu de fchifme ; ôc ces papes fi mépri-
,fables en eux-mêmes ont été reconnus pour chefs de toute l’églife , en
Orient comme en Occident ôc dans les provinces du Nord les plus reculées.
Les archevêques leur demandoient le pallium j ôc on s’adref-
fbit à eux comme à leurs prédeceiïèurs pour les tranilations d’évêques,
les éreétions de nouvelles égliies, les concédions des privilèges. Sous ces
indignes papes, Rome ne laifibit pas d'être le centre de l’unité catholique.
Pendant les cinq fiecles que nous repaflons on a continué de tenir des
conciles -, Ôc même trois généraux, le fixiéme ? le feptiéme Ôc le huitième.
Il eft vrai que les conciles provinciaux n’ont plus été fi fréquens que
dans les fix premiers fiecles, principalement en Occident, où la conftitu-
tion de l’état temporel n’y étoit pas favorable, tant par les incurfions des
barbares, que par les guerres civiles ou particulières entre les ieigneurs-
Mais on fe fouvenoit toujours qu’on les devoit tenir, ôc on rappelloit fou-
vent l’ordonnance du concile de Nicée de les tenir deux fois l’an. Les papes
en montroient l’exemple, ôc en tenoient ordinairement un en carême »
ôc l’autre au mois de Novembre, comme nous voïons fous Léon IX.
Alexandre II. Ôc Grégoire VII. ôc ce dernier, tout jaloux qu’il étoit de
fon autorité, ne faifoit rien fans concile.
J’ai marqué les inconveniens des conciles nationaux, foit d’Efpagne fous
les rois Goths, foit de France fous la fécondé race de nos rois : mais c’étoit
toujours des conciles. Les évêques s’y trouvoient enièmble, ils s’entrete-
noient de leurs devoirs, ils s’inftruifoient : on y examinoit les affaires eccle-
fiaftiques , on y jugeoitles évêques mêmes. L’écriture ôc les canons étoient
les réglés de ces jugemens, ôc on les lifoit avant que d’opiner fur chaque article.
Vous en avez vû une infinité d’exemples.
Quoique les fàvans fufient rares ôc les études imparfaites, elles avoient
cet avantage que l’objet en étoit bon : on étudioit les dogmes de la re-
Tome ''XIII. ti
XX.
Conciles.
X X I .
Ecoles & fa
ceffion de doc
tcurs.