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Mabill. f i e , 6.
AEt, par. i . p.
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tamb.
& sexhortoient l’un l'autre à effacer ' cet affront par
quelque'exemple mémorable. Le comté Dietric alors
Inajordome de l’églife de Trêves étoit un jeune homme
feroce & par Ion temperamment & par la chaleur
de 1 âge. Le jour que le nouvel archevêque devoir entrer
dans la v ille , il alla au-devant avec des troupes
ïiombrcufcs ; & comme le prélat, fortoit dé fon- l'ouïs-,
il fe jetta fur lu i, tua le peu de fes gens qui voulurent
refifter , mit en fuite les autres, pilla les richeïfes qu’il
a voit apportées, qui étoient grandes, •& le prit lui-
meme. Apres lavoir gardé long-temps en prifo-n , il
le livra à quatre chevaliers pour le faire mourir. Ils le
jetterent par trois fois du haut d’une- roche dans un
précipice, mais il ne fe rompit qu’un bras. Un deu x
a * demanda pardon ; un autre lui voulant couper la
tete , lui abattit feulement la mâchoire : enfin il mourut
entre leurs mains le premier jour de Juin 1066.
On le regarda comme un martyr, & on prétendit qu’il
fe faifoit des miracles à fon troupeau. Üton lui fucceda
dans le fiege deTréves’ par l’éleétion unanime du cler-
ge & du peuple. Il etoit de la haute Allemagne, fils
du comte Eberard &c d’Id e , fondateurs du monafte-
re de Schafhoufe , dont la ville de ce nom a tiré Ion
origine. Eberard & Ide embraffèrent l’un & l’autre la
vie monaftique, & moururent en réputation de fain-
teté. :
La même année Reinher évêque de Meflein étant
mort, Craft prévôt de Gollar lui fucceda. Aïant reçu
cette dignité, il revint à Gollar, & après-dîné
s enferma dans fa chambre, comme voulant repofer.
La etoit fon trefor qu’il aimoit palfionnément & qu’il
y avoir enterré , fans que perfonne en fçût rien. Ses
L i v r e s o i x a n t e -ü n i f . ’ m e . 1 7 5
.Valets de chambre aïant attendu julques au fo ir , &
s’étonnant qu’il dormit fi long-temps contre fa coutume,
frappèrent à fa porte, & enfin voïant qu’il ne ré-
pondoit point, l’enforicerent. Ils le trouvèrent m o rt,
la tête caffée & le vïfage noir, couché fur fon tréfor.
Cette année même mourut près de Vicence en Lom-
bardie faint Thibaut fameux folitaire. Il étoit François
né à Provins au diocèfe de Sens, de parens très-
nobles &c très-riches, de la famille des comtes de Champagne,
entre lefquels Thibaut III. qui regnoit alors, le
tint fur les fonts. Le jeune homme eut toujours grande
inclination pour la vie eremitique , & alla trouver
fecrettement un hermite nommé Bouchard, qui de-
meuroit dans une ille de la Seine. Par fon confeil il
partit avec un de fes. chevaliers nomme Gautier & char
cun uü écuïer. Ils allèrent à Reims, où ils fe dérobèrent
de leurs gens, paiferent à pied au-delà ; & aïant
.changé leurs habits avec deux pauvres pèlerins, ils entrèrent
en Allemagne. Ils y vécurent long-temps dans
une extrême pauvreté, fubfiilant du travail de leurs
m ain s , fans dédaigner les travaux les plus vils, comme
de faucher les foins, porter des pierres, curer des
érables , & fur tout de faire du charbon. Un jour- entre
autres s’étant louez tous deux pour arracher les herbes
dans des vignes, Thibaut que fa délicateife einpê-
choit d’avancer autant que les autres, fut cruellement
maltraité par l’infpeéteur de l’ouvrage ; & Gautier ne
put lui faire entendre raifon, parce qu’ils ne iàvoient’
pas la langue l’un de l’autre.
Aïant amalFé quelque peu d’argent par leur travail
, ils allèrent nuds pieds en pelerinage à faint Jacques
en Galice , & revinrent en Allemagne^ Cepm.-
A n . 1066.
x x iv .
Saine Thibaut
de Provins.
Vita f&c. 6. Be*
ned. part. x. p. '
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