
A n. io S?. long-tems, Raoul fe refroidit ôc demeura à Reims,
dont il fut depuis archevêque : mais Bruno fuivit con-
ilamment fon deffein.
Pour cet e ffe t , il alla trouver Hugues évêque de
Grenoble , qui ayant été élu en 1080. au concile d’A v
ign on , 6c iacréà Rome par le pape Grégoire V I L
quitta fon diocéfe , 6c fe re tira i la Chaife-Dieu : mais
après y avoir paffé un an dans les exercices de la vie
5. monaftique , il rep rit, par ordre du même pape , la
s» .Ap-.u.•>. contjuj te ¿g pon églîfe; ôc il y avoit trois ans qu’il y
étoit revenu quand Bruno le vin t trouver, il avoit
iîx compagnons, le doéleur Landuin né à Luques en
Tofcan e, Etienne de B ourg , Eftienne de Die , tous
deux chanoines de faint Rufprès d’Avignon , qui s’é-
toient joints à lui par la permiiïion de leur abbé :
Hugues qu’ils nommoient le chapelain , parce que
c’étoit le feul prêtre d’entre eux ; 6c deux laïques A n dré
6c Guerin. ils cherchoient un lieu propre pour
la vie éremitique, 6c n’en avoient point encore trouv
é ; 6c ils étoient attirez par la réputation du faint
évêque de Grenoble. Il les reçut avec amitié 6c ref-
pe£t, 6c leur confeilla de s’établir dans laChartreufe,
lieu folitaire entourré des montagnes affreufes 6c de
difficile accès au voifinage de Grenoble, il avoit V»
en longes, vers le même tems, iept étoiles qui le con-
duifoient en ce d e fe r t, où il lui lembloit que Dieu fe
bâtiffoit une demeure.
M«iitt. pnf Bruno ôc fes compagnons commencèrent à habiter
la Chartreule vers la faint Jean l’ an 1084 . 6c par une
charte du mois fuivant, Hugues défendit aux femmes
de pafler par les terres des freres de la Chartreule,
ôc à qui que ce fût d’y pêcher, d’y charter ou d’y me-
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tier paîcre des beftiaux. Guibert décrit ainfi la maniéré
dont ils vivoient. Ils o n t , d it - il, une é g lile ,
6c chacun une cellule autour de l’enceinte du mona-
ftere , où ils travaillent, dorment 6c mangent. Le dimanche
ils reçoivent du dépenfier leur nourriture,
favoir du pain ôc des légumes, qui effc leur feul mets,
ôc chacun le fait cuire chez foi. Ilsont de l’eau pour boire
6c pour les autres ufages, d’un ruifleau qui coule devant
toutes leurs cellules.ôc y entre par certains trous.
Ils mangent du poiflon 6c du fromage les dimanches
ôc les grandes fêtes : je dis du poiflon , non pas
qu'ils achètent, mais que des gens de bien leur donnent.
Ils ne reçoivent de perfonne ni or ni a rg ent, ni
ornemens d’églife, finon un calice d’argent, ils s’af-
femblent à l ’églife, non aux heures ordinaires comme
nous, mais à certaines heures, ils entendent la mefle,
ix je ne me trompe , les dimanches 6c les fêtes folem-
nelles. Ils ne parlent prefque jamais, car s’ils ont be-
foin de quelque chofe ils le demandent par ligne. Si
quelquefois ils boivent du v in , c’ell du vin fi foible,
qu’il ne vaut gueres mieux que de l’eau commune. Ils
portent des cilices fur la chair , 6c le refte de leurs
habits efl: fort pauvre, ils font fournis à un prieur : l’é-
vêque de Grenoble , homme d’une grande pieté, leur
tient lieu d’abbé. Quoiqu’ils cherchent en tout la pauvreté
, ils amaflenc une très-riche bibliothèque , travaillant
principalement pour la nourriture qui ne périt
point. Us cultivent peu la terre pour faire venir du
bled ; mais ils nourriffent quantité de moutons, dont
ils vendent les toifons, pour acheter ce qui leur eft
neceflaire. Lorfque Guibert faifoit cette defcription
des habitans de laChartreufe, ilsn’étoient que treize
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