
«o8 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ;
b lc s , en nous donnant une plus grande charité que
c.10. celle qui nous faifoit vouloir le bien foiblement. Dieu
eft tellement maître des coeurs, qu’il les tourne corn-
me il lui plaît : foit en les portant au bien par une
pure mifericorde, foit en appliquant à Tes delfeins,
t.». le mal où ils fe portent par leur libre arbitre. Enfin,
nous voïons un exemple manifefte de la grâce dans
les en fan s , à qui on ne peut attribuer aucun mérité
pour fe l’ateirer, ni aucun démérité pour en être priv
e z , finon le péché originel, ni aucune raifon de pré-
fereneeque le jugement caché de Dieu. Saint A u gu f-
tin dit à la fin : R e liie z continuellement ce livre ; &
fi vous l ’encendez, rendez grâces à Dieu : ce que vous
n’entendez pas, priez-le de vous le faire entendre :
M carilvous donnera l’intelligence. Il leuravoit recommandé
dès le commencement de ne fe pas troubler
par l’obfcurité de cette queftion ; & de garder entr’eux
la paix & la charité , marchant félon ce qu’ils con-
n o iifcn t , en attendant qu’ils plaife à Dieu de leur en
découvrir davantage. Saint Auguftin aïant lû ce
livre a Crefconius , & aux moines qui l’avoient fu i-'
v i , le leur donna avec toutes les pièces dont il a été
parlé : & une fécondé lettre à l’abbé Valentin , où il
le prie de lui envoïer Florus. Valentin n’y manqua
p a s , & le chargea d’une lettre pleine d’a&ions de
grâces.
Li^den’cor- : ^a*nt Auguftin fut bien aife de trouver Florus dans
xtüioa & de L la vraie foi touchant le libre arbitre & la grâce , &c
d apprendre que la paix étoit rétablie dans le mona-
ftere d Adrumet. Mais il apprit auffi qu’il s’y étoit
trouve quelqu’un qui faifoit cette objeéfion : Si c’eft
Dieu qui opere en nous le vouloir & le faire ; nos fu-
peneurs doivent fe contenter de nous inftru ire , & de
prier
L i v r e v i n g t - q u a t r i e ’me . <¡09
prier pour nous : fans nous corriger , quand nous ne
faifons pas notre devoir. Comment eft-ce ma faute,
fi je n’ai pas ce puiffant fecours, que Dieu ne m’a pas
don né , & qu’on ne peut recevoir que de lui ? Cette
faufle confequenee, qui rendoit odieufe la doétrinc
de la grâce, obligea S. Auguftin à compofer un nouve
l ouv ra g e , qu’il intitula : D e la correétion & de
la grâce ; & il l’adreifa encore à l’abbé Valentin & à
fes moines, fans toutefois lesaccufer defoiitenir cette
erreur.
D ’abord il établit la doétrine de l ’églife touchant
la loi, la grâce & le libre arbitre. Il montre que nous
ne fommes libres pour le bien , que par la grâce de
J. C . & que non feulement elle nous le montre, mais
elle nous le fait faire. Il fe propofe enfuite l’objeétion
qui eft le fujet de cet ouvrage : Pourquoi nous prê-
che-t’o n , & nous ordonne-t’on de nous éloigner du
mal & de faire le b ien , fi ce n’eft pas nous qui le faifons
, mais D ieu , qui fait en nous que nous le vo u lons
& le faifons ? Mais p lu tô t, répond-il : quils comprennent
, s’ils font enfans de D ie u , que c’eft l’efprit
de Dieu qui les pouffe, afin qu’ils faffent ce qu’ils doivent
faire : & quand ils l’auront fa it, qu’ils en rendent
grâces à celui qui les pouffe. Car ils font pouffez,
afin qu’ils faffent, & non pas afin qu’ils ne faffent rien.
Mais quand ils ne font p a s , qu’ils prient pour recevoir
ce qu’ils n’ont pas encore. D o n c , difent-ils ,que
nos fuperieurs fe contentent de nous ordonner ce que
nous devons faire , & 'd e prier pour nou s , afin que
nous le faffions : mais qu’ils ne nous corrigent, ni ne
nous reprennent pas, fi nous manquons à le faire. A u
contraire,dit S. Auguftin, on doit faire tout cela,puif-
que les apôtres qui étoient les doéleurs des églifes, le
Terne F . H h h h
U 'R t tr , c .u lt.
Philipp. 11.13.
Rom. v in . 14.