
304 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
qu’il put les yeux vers ion f i ls , qui le regardoit aufii
à la dérobée.r
f. 60. Les moines étant fut la mon ta gne , &c s entretenant
de cet a c c id e n t , il vint un efclavede Magadon fena-
teur dePharan, qu ié to i t laville la plus proche de ce
defert. C e te fc la v e v en oi t du camp des barbares, en-
cote tout effraye hors d haleine. On lui demanda
comment il s’étoit fauvé; & adreffant la parole à faint
N i l , il die : Les barbares s'entretenant pendant leur
foupé, dirent que le lendemain matin ils nousimmo-
leroient votre fils & moi à l'ailre qu’ ils adorent C ’étoit
l ’étoile deVenus . Ilsdrefferent l 'aute l , & y mirent le
bois, fans que nous fçuffions pourquoi , n entendant
pas leur langage.Mais un des. captifs qui la fçavoit,me
le dit en fecret. J’en avertis votre fils; & que fi nous
ne fuyons, nous ne ferions pas envie Ielendemain. Il
craignit d’être d é couv e r t , & aima mieux demeurer,
s’abandonnant à la providence. Pour moi , voyant
tous ces barbares pleins de vin S1 endormis, je me fuis
d’abord traîné contre terre a la faveur de lanui t ; puis
étant un peu loin de leur camp, j ay couru de toute
ma force. Il leur raconta enfuite plufieurscruautezdes
Arabes , entre-autres la mort d’un j eune folitaîre, qui
avoit mieux aimé perdre la vie , que de leur obéir en
découvrant où etoient les autres mo ine s , ou en s ex-
pofantnud à leurs yeux. ^ ^ ^
*■ %7- La nouvelle de cette incurfion ayant ete portée a
Pharan , le confeil de la ville refolut de ne la point
paifer fous filence; & e n fit avertir le che f de ces barbares.
Cependanc les moines allèrent enterrer leurs
freres, qu’ils trouvèrent au bout de cinq jours encore
entiers, fans mauvaife odeur , fans dif formité, ni
*"iQ' atteinte de bêtes. Ils en marquèrent les n om s , pour
les
les honorer comme martyrs,ôcl’églife célébré encore m,
l e u r memoirelequatorziémedejanvier. Les moines 4
allèrent enfuite à Pharan apprendre la reponfe du
c h e f des Arabes. Comme i ls y entroient, les couriers
qu’on lui avoit envoyez apportèrent fes let tres, par
lefquelles il mandoit que ceux qui avoient fouffert
quelque dommage le vinifient trouver, & qu’il leur
feroit juftice ; car il ne vouloit pas rompre le commerce
avec les Romains,qui lui étoit avantageux. On f
envoya donc de Pharan des ambaffadeurs, pour re-
nouveiler la paix, &: ils furent accompagnez par Tes
parens des captifs,entre lefquels étoit faint N il. Après
douze jours de chemin étant arrivez au camp du
chef des Arabes, qu’ils nommoient l’Aman ou l’I-
rnan ; il leur donna audience, leur fie une réponfe t-
favorable.
On afflua à S. Ni l que ion fils étoit v ivant , Si efcla-
ve en la v i l led ’Eluze. Il partit poury aller, & apprit
en chemin que l’évêque de cette ville avoit acheté
fon fils, & î ’avoit ordonné clerc , & qu’en peu de
temps il s’étoit acquis une grande eftime. Saint Ni l
étant arrivé , reconnut fon fils le premier, & tomba
en défaillance ; fon fils l’embraffa & le fit revenir ,
puis il lui raconta ainfi fonavanture : Quand l’efcla- t-
ve de Magadon fe fauva, tout étoit prêt pour nôtre
facrifice, l’autel, le g la iv e , la coupe, les libations &
l’encens. On avoit refolu du nous immoler le lendemain
au point du jour. J’étoisprofterné le vifage contre
terre , priant tout bas avec l’attention que donnent
les grands périls. Seigneur, difois-je, ne permettez
pas que mon fang foit offert aux malins ef-
prits, ni que mon corps foit la vièt ime du démon
de l ’impureté. Rendez-moià.mon pere qui efpere
Tome V . Q q
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