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beau prefenc me fàire quitter ma religion , gardez-îe
avec votre impieté. Suenés étoit maître de mille ef-
claves. Comme il refufoit de renoncer au vrai D ie u ,
le roi lui demanda qui étoit le pire de cous fes efcla-
ves , 8c donna à celui-là tous les autres , Suenés lui-
même & fa femme, qu’il lui fit époufer ; mais Suenés
n en fut point ébranlé , & demeura ferme dans la foi.
Benjamin étoit diacre , & le roi l ’a v o itfa it mettre
en prifon. Deux ans après il vint un ambaffadeur
Romain pour d’autres affaires, qui fçachant que ce
diacre etoit en p r ifo n , demanda fa liberté. Le-roi
l'accorda , à condition que Benjamin promettroijt de
ne parler a aucun mage de la doéhine chrétienne :
& 1 ambaffadeur le promit. Mais Benjamin d it, qu’il
lui etoit impoflible de cacher le talent dont il devoir
rendre compte : toutefois comme le roi ne fça-
vo it pas fa réfiftance, il le fit délivrer. Benjamin continua
de convertir les infidèles. A u bouc d’un an le
roi en fu t averti : il le fit venir , & lui ordonna de
renoncer à fon Dieu. Comment traiteriez-vous,-dit
Benjamin , celui qui renonceroit à votre abéiffance
pour reconnoitre un autre roi ? Je le ferois mourir,,
dit le roi. Benjamin répondit : Quel fupplice ne mérité
donc pas celui qui abandonne le Créateur, pour
rendre a une créature comme lui les honneurs divins
? Le roi irrité fit aiguifer vingt rofeaüx qu’on
lïii enfonça fous les ongles des pieds & desmains. Et
comme il méptifoit ce tourment, il lui fit mettre
un autre rofeau pointu dans la partie la plus fenfible
du corps d’un homme , d’où on le re tiro it, & on l’en-
fo n ço it continuellement ¡ enfin il le fit empaler avec
un pieu heriffé de noeuds de tous c o te z , & le martyr
expira ainfi.. Jacques aïant été C h r é t ie n , étoit re-
L i v r e v i n g t - q j c j a t r i e ’m e . 5 6 3
tourné à la religion des Perfes parcomplaifance pour
le roi Ifdegerd ; mais enfuite fa mere & fa femme le
ramenèrent au chriftianifme. Le roi en fut fi irrité,
qu’il le fit couper piece à piece à chaque jointure des
membres: premièrement les mains, puis les bras ; en-
fuite les pieds & les jambes : enforte qu’il ne reftoit
que la tête avec le tronc. Et comme il confeffoit encore
J. C . on lui coupa enfin la tête.
A u commencement de la perfécution, fur la fin du
regne d ’Ifdegerd, les mages firent donner ordre à tous
les chefs des Sarrafins, fujets aux Perfes, de garder les
chemins, afin de prendre tous les Chrétiens, & qu’aucun
ne pût s’enfuir chez les Romains. Afpebete qui
étoit un de ces chefs touché de compaffion pour les
C h ré tien s , que l ’on traitoit fi cru e llem en t, n’en arrêta
aucun, & leur aida au contraire à fe fauver. En
étant accufé auprès d’Ifdegerd , il prit le parti de fe
reti rer chez les R omains avec fon fils Terebon & toute
fa famille. Anatolius alors gouverneur d’Orient le
reçut fort bien , & lui donna le commandement des
Arabes tributaires des Romains.
Terebon fils d’Afpebete étoit dès fa plus tendre
jeuneffe paralytique de la moitié du co rp s , c’eft-à-
dire de tout le côté d ro it, depuis la tête jufques aux
pieds. Etant paffé avec fon pere dans l’Arabie fujette
aux Romains , toujours affligé de fa maladie, il dit
en lui-même pendant une nuit : Terebon , qu’eft ce
que tout l’art des médecins ? où font les imaginations
de nos mages, & la puiffance de ce que nous
adorons : les fables des a ftro logues, les enchante-
mens & les preftiges ? T o u t cela ne fert de rien , fi
Dieu ne le veut. A ïant fait ces reflexions, il fe mit
à prier Dieu avec larmes, & dit : Grand Dieu qui
B b b b ij
Niceph. x i v . hifli
c. 20.
XXVII.
Con v e r fion des
Sarrafins.
Vita S. Euthym>
in annal.
G r , p» 19.
p. m