qui, après avoir eu ,une végétation exubérante dans les premiers temps
de son installation en un territoire nouvellement envahi, se réduit à
des proportions relativement modestes au bout de quelques années,
— il semble qu’elle ait épuisé le sol — 1 ces faits ne devraient-ils pas
engager les botanistes physiologistes à étudier à nouveau le dogme des
racines des plantes aquatiques qui ne serviraient que comme organe
de fixation. 11 serait possible que, cependant, elles aient une certaine
fonction de nutrition pour la plante.
En déviation de la'règle générale formulée par A. B ro t (*) de l’absence
des Acéphales dans cette zone sableuse, j ’ai capturé une Anodonte
dans des circonstances assez singulières pour que je les relate
ici. Au printemps de 1870 je faisais un dragage sur la beine de Morges,
au bord du mont, par 4m de profondeur, dans une région de sable pur;
ma drague de zinc était pleine et je la remontais dans le bateau lorsque
la corde se détacha; le bidon retomba sur le soi, et privé d’appareil
convenable je renonçai à le repêcher. Le 18 avril 1874, je retrouvai le
bidon. 11 était placé debout sur le sol, à moitié rempli d’un sable grossier
dont les grains étaient assez lourds pour n’avoir pu être apportés
par les vagues, le plus gros pesant 0.45?1'; c’était donc le reste du dragage
que j’avais commencé quatre ans auparavant. Dans ce'sable, à
côté d’autres animaux, Yalvées, Limnées, Tubifex, etc., dont la présence
n’avait rien d’extraordinaire, je trouvai une jeune Anodonta anatina
de 21/15”™, n’offrant qu’une seule bande principale d’accroissement.
Je ne veux pas discuter ici le problème assez délicat du développement
de cette Anodonte; rechercher comment ce jeune animal, âgé
probablement de deux ans, a pu entrer dans un bassin fermé comme
celui de mon bidon, dont les bords verticaux s’élevaient de 6 à 8™' au-
dessus du sable avoisinant. Je me borne seulement à constater la présence
de cet individu égaré à plus de deux cents mètres de la zone où
vivent habituellement ses congénères.
La beine caillouteuse. — Les ténevières de la beine (2), ces oasis caillouteuses,
naturelles ou artificielles, qui surgissent au milieu de la beine
vaseuse sous deux; quatre ou six mètres d’eau, forment un sol remar-
C) Etude sur les coquilles de la famille dés Naïades du bassin du Léman, p. 21
Genève 1867.
(2) J’ai décrit, T. 1, 98, les ténevières naturelles. Je parlerai plus loin à l’occasion
des palafittes lacustres des ténevières artificielles.
quablement riche, au point de vue zoologique surtout. Pierres, bois;
débris organiques dé toute nature laissés par l’homme ou charriés p ar
les courants, fonds de vase ou de sable entre les cailloux, tout cela diversifie
le sol et offre les habitats les plus variés à une foule d’animaux;
l’eau y~est assez profonde pour que les vagues n’y aient plus
d’action gênante.
Les pierres y sont recouvertes par les mêmes algues que dans les
tapis mousseux des murailles de la rive, mais moins serrés, et plus
envasés. La Cladopliora glomerata y est dans sa variété sub-simplex
beaucoup moins épaisse que dans la forme typique. Sur ces pierres, on
trouve des touffes isolées de Chaetophora endiviaefolia et Batrachos-
permum monïliforme, Bulbochaete setigera, etc. Dans la vase entre
les pierres, quelques plantes enracinées, Potamots, Myriophylles, Cha-
racées, forment des touffes isolées.
En fait d’animaux, on y trouve à peu près toute la faune littorale,
sauf les habitants des ports abrités; c’est la station favorite de l’Ecre-
visse, du Chabot, des Limnées, Planorbes, Frédericelles, des diverses
Hirudinées, etc. Les animaux y sont nombreux, sur et sous les pierres;
ceux qui rampent sur les pierres, se dissimulent en tra les filaments
des algues fixées. Sous les pierres il y a une population encore plus
nombreuse, qui creuse des galerips dans le sable et la vase, et s’y
cache pour échapper à la poursuite des carnassiers.
On peut être étonné de l’apparence de solitude de ces fonds; si on les
étudie de jour, soit dans le lac, soit dans un aquarium, on y voit très
peu d’animaux mobiles, et l’eau paraît déserte. C’est que, dans la lutte
pour l’existence, qui fait de chaque espèce animale le gihier d’autres
■animaux qui la pourchassent, tout animal a intérêt à se cacher. Que
le carnassier veuille surprendre sa proie vagabonde, il se cachera et
restera immobile pour la guetter. Que le Crustacé, la'larve,TInsecte,
1 Hydrachnide, le Ver, cherche sa nourriture animale ou végétale, il
devra éviter les ennemis toujours acharnés à sa poursuite; il se terrera,
se dissimulera, se fera petit, immobile et obscur. Pendant le jour tout
'disparait dans les cachettes, tout semble dormir; tout est immobile,
soit dans l’attitude du chasseur qui guette sa proie, soit dans celle du
gibier qui fuit l’oeil de ses persécuteurs. Mais que la nuit étende, son
e protecteur sur ce monde de mangeurs et de mangés, sur cette
société d’affamés, aspirant chacun à surprendre sa proie, alors tout
S01t, tout rampe, tout nage; mangés et mangeurs, herbivores et car