Etait-ce, comme le voulait R ü t im e y e r , l’émissaire du Léman
qui passant par la même cluse, mais en sens inverse, allait se déverser
dans l’Aar et dans le Rhin?
Etait-ce le' Rhône aval de Genève qui n’aurait pas encore été barré>
par la Perte de Bellegârde, qui n’aurait pas encore creusé son canton-
entre Lucey et Genissiat(’)?
Les faits zoologiques et les faits géographiques nous ont amené à ce
point où les, faits géologiques seuls peuvent nous venir en aide. — La
parole est à la géologie.
V. Respiration aquatique de# larves de Chironom.es et des
Mollusques aériens.
Nous avons décrit à la page 85 la respiration aquatique des larves-
d’insectes Chironomides de la région profonde du lac, larves; à trachées
aériennes qui devraient être remplies d’air, mais qui n’ayant
jamais été ouvertes dans l'atmosphère ou dans des bulles de gaz, contiennent
de l’eau, au lieu d’air. Gomment peuvent-elles; satisfaire aux
nécessités de la respiration? La quantité d’oxygène dissous dans l’eau
est si faible (7cm3 par litre, tandis que l’air atmosphérique en contient.
207™3par litre) et son renouvellement dans dès canaux contournés, et
très fins doit être si lent et si empêché que je ne sais vraiment pas me '
rendre compte, qu’avec un appareil insuffisant, semble-t-il, la larve
puisse trouver satisfaction à ses besoins du fluide respirablet '
L’analogie avec les faits que nous allons trouver chez les Mollusquès
gastéropodes,; aidera peut-être à résoudre cette difficulté en montrant
que ce n’est pas un fait unique. *
Les Limnées sont des Gastéropodes pulmonés qui respirent l’air en
nature introduit dans leur sac pulmonaire. Comment s ’opère la respiration
des deux espèces Limnea profunda et L. abyssicola que nous-:
(*) Je ne parle pas ici du Rhône pliocène, tributaire du Rhin, que Ma u r i c e
L u g e o n fait passer par la vallée morte d’Attalens, entre le mont Pèlerin et le
mont Vuarat pour s ’écouler ensuite par la vallée de la Broie et le lac de Moral
(seance du 16 dec. 1896 de la Soc. Vaud. Sc. Nat. Bull. XXXIII, p Vin) C’est là un
-épisode géographique antérieur à l’établissement du Léman et il ne peut nous
servir pour notre recherche des voies de peuplement.
trouvons dans la région profonde du Léman, bien loin de tous rapports
possibles avec l’atmosphère ?
Lorsque immédiatement après le dragage, qui m’a fourni quelques-
uns de ces Mollusques, j ’ouvre sous l’eau leur sac pulmonaire, je constate
qu’il est vide d’air et plein d’eau. Comme nous l’avons vu pour
les trachées des larves de Diptères, ce fait s’explique par l’absence
de gaz à l’état aériforme, dans la région profonde, et par l’impossibilité
où sont ces animaux, à reptation fort lente et incapables de natation,
de venir faire à l’air leur provision de gaz respirable. U en résulte que
ces animaux pulmonés, soi-disant aériens, sont réduits à la respiration-
aquatique et cela sans qu’ils aient acquis l’appareil branchial caractéristique
des animaux respirant l’air dissous dans l’eau. Je n ’ai du
moins pas su découvrir de modifications sensibles au sac pulmonaire
- de ces Limnées, rien qui montrât l’apparence d’un organe branchial.
Que-la respiration s’effectue suffisamment pour ces Mollusques dans
des conditions aussi défavorables, cela résulte du nombre considérable
de ces animaux, et de leur reproduction et multiplication énergiques;
leiirs oeufs et les jeunes Limnées sont très fréquents dans la vase de
la région profonde. Du reste, la suffisance de la respiration aquatique
pour des- animaux à respiration aérienne, exilés dans la région profonde,
étant déjà constatée chez les larves d’insectes, elle est bien
plus explicable chez les Mollusques que chez les Diptères. Sans parler
de la moins grande activité vitale des Gastéropodes, chez la Limnée
toute la surface cutanée libre est molle--et vascularisée; elle peut
fonctionner comme un appareil branchial diffus ; quelques genres de
Mollusquès ne possèdent que la respiration cutanée. (Dermatobran-
ches.)
Du reste, si l’on étudie les faits, le'cas des Limnées respirant l’air
dissous dans l’eau n’est pas aussi extraordinaire et sans analogues
qu’il le semble à première vue.
En 1857, C. Th. d e S i e b o l d avait rapporté dans ses filets jetés
à 70m de profondeur dans le Bodan des Limnées vivantes (*). Mes découvertes
dans la faune profo’ùde du Léman lui rappelèrent cette observation,
et il fit proposer comme sujet d’un prix académique po u rl’an-
née.1876 la question de la respiration aquatique des Limnéides. En ré-
(*) Siebold. Ueber den Kileh des Bodenseès. Zeitschrift f. wiss. Zoolos- IX
295, 1858. ; |