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organique dissoute, de l’assimiler, de l’organiser. Matières hydrocar-
burées et azotées sont assimilées par les Algues et autres micro-
phytes pélagiques. Algues et Champignons sont mangés par les
microzoaires phytophages. Ceux-ci sont la proie des Entomostracés
carnassiers. Microzoaires, Entomostracés, sont mangés par les Poissons
insectivores. Ceux-ci sont mangés par les Poissons carnassiers. Ceux
de ces derniers qui échappent à la dent de leurs congénères, à la
serre des Oiseaux piscivores, à la griffe des Loutres ou au filet du
pécheur périssent de Vieillesse et leurs cadavres sombrant dans la
région profonde deviennent la proie des animalcules que nous venons
d’y voir en fonction.
Quant aux animaux et aux plantes de la société littorale, leur grande
diversité permet de leur attribuer, chacun selon ses fonctions, tous les
rôles des organismes du monde vivant. Les plantes réduisent l’acide
carbonique dissous dans l’eau et assimilent les matières azotées ; les
animaux sont ou phytophages, ou carnassiers, ou nécrophages, ou omnivores.
Tous mangent et sont mangés; tous assimilent et sont la proie
de leurs ennemis. Tous ont à se développer pour arriver à se reproduire;
tous ont à se défendre contre leurs voisins dans la lutte à mort,
qu’ils combattent pour l’existence.' Le drame de la vie, pour être-
obscur et caché, ne se poursuit pas moins dans les eaux avec toutes
ses angoisses, ses terreurs, ses péripéties, ses maladies, ses accidents
et sa terminaison fatale, la mort.
Un seul point parait caractériser,les conditions, de l’existence pour
les organismes lacustres et les distinguer de celles des organismes subaériens
ou fluviátiles, c’est la riche abondance des moyens de nutrition.
Pour autant que je comprends la vie des êtres lacustres, ils ne sont,
jamais exposés à la famine et ils ne meurent jamais de faim.1
XliJ Le-retour à la surface des cadavres de noyés dans le lacl
Une question m’a plusieurs fois été posée par les riverains de nos
la cs: Pourquoi les, cadavres de personnes, noyées dans le lac ne re montent
ils pas à la surface?
Dans ces termes, l’affirmation qui est à la base de la question n’est
pas exacte. Les cadavres des noyés dans le littoral du lac, à peu de
profondeur, reviennent à la surface au bout de quelques jours comme
les noyés dans les étangs et les rivières. Mais l’affirmation est parfaitement
valable si on la restreint aux cadavres de noyés dans les grandes
profondeurs du lac. Je dirai : les cadavres descendus à plus de 50m de
fond ne remontent pas spontanément à la surface.
Le juge d’instruction m’a plusieurs fois posé cette question quand
l’absence du cadavre lui faisait craindre un crime, supposer que le
corps n’eût été alourdi par une surcharge qui l’aurait maintenu dans
les profondeurs du lac. J’ai toujours pu lui répondre: Je ne vois là
rien d’extraordinaire ; c’est un phénomène parfaitement naturel.
La putréfaction cause un dégagement de gaz, à l’état.aériforme dans
les tissus et dans les organes. Ceux-ci së dilatent, le volume du corps
augmente sans que son poids soit modifié; sa densité diminue par conséquent,
.et il se soulève dans l’eau pour venir surnager à la surface.
Tel est le fait que nous observons dans une eau peu profonde quand
nous voyons le corps remonter à la surface quelques jours après la
mort, le neuvième jour, selon le dicton populaire, qui tient à préciser
des chiffres, même lorsque l’indétermination serait de règle.
Mais si la noyade a eu lieu dans un lac- profond, si lê corps est descendu
à quelques dizaines de mètres de profondeur, la pression de-
l’eau sus-jacente empêche la dilatation à leur volume normal des gaz,
produits par la putréfaction; leur volume reste réduit en raison inverse
de la pression : à 10m il est la moitié, à 20“ le tiers, à 5Ôm le sixième,.
à 100“ le onzième de ce que la même quantité de gaz donnerait à la
surface. Par conséquent, pour augmenter de quelques décimètres.
cubes le volume du cadavre, il faudrait la production d’un grand
nombre de litres de gaz.
Or la putréfaction ne dégage beaucoup de gaz que lorsqu’elle est
fort active, dans une eau relativement chaude; au contraire, dans un
milieu à température aussi basse qué les couches profondes d’un lac
(dans le Léman 7° à 50m, 5° à 100m), les phénomènes de putréfaction
sont très ralentis; la production des gaz est très faible et très peu
rapide.
Puis ces gaz, sitôt produits, sont absorbés par le liquide ambiant qui
est capable de dissoudre des gaz en raison directe de la pression qu’il
subit. La pression est proportionnelle à la profondeur. Dans les grands
fonds, la faible quantité de gaz, dégagés par une putréfaction peu excitée
par une température trop basse, est vite absorbée dans une eau,,
avide des gaz qui s’offrent à sa dissolution.