aux débuts de la bâtisse, mais nous n’en constatons pas la fin. Les
tracasseries que l’ardent émigré eut à subir à Aubonne calmèrent son
enthousiasme et il abandonna bientôt ses tentatives de restauration de
la manne bernoise. — Je croirais volontiers que la barque de Hofer,
dont nous avons vu qu’un modèle avait été envoyé à Berne, serait la
barque commencée à Morges sous la direction de Du Quesne.
Je citerai encore les noms d’officiers de marine qui par leurs origines,
doivent avoir connu les galères de la Méditerranée; ils peuvent avoir
donné des avis ou conseils dans l’établissement des barques du Léman,
mais aucun indice de leur action n’a été conservé dans les documents
que j’ai pu consulter. Jean Gefîro-ÿ ou G e o f f r e y du T o r r e n t ,
gentilhomme né à Toulon, ou officier du port de Toulon, nommé commandant
de la flottille bernoise de 1672 à 1687. Les manuaux du
Conseil de guerre de Berne sont remplis de discussions sur sa solde,
que LL. EE. cherchaient à diminuer, tandis que lui demandait un relèvement
de ses gages ; d’action décisive de cet homme sur la marine du
Léman, je n’en vois pas de traces. Le sieur Laurent Dantal, ou Dent
a l , originaire de Nice, était patron ou commandant de la flottille de
Savoie qui vint se réfugier à Villeneuve en 1690 lors de l’invasion du
Chablais par l’arméë française. 11 entra avec ses galères au service de
Berne, et après sa mort, 1696, sa charge fut continuée à son fils, Dental
avait construit et fourni au duc de Savoie tout ou partie des bateaux
de la flottille, car, lorsque Berne dut en payer la valeur, Dental la réclama
comme représentant le solde de ce qui lui était dû. Il ne paraît
cependant pas que Dental ait participé à la création de la barque marchande
du Léman.
Si nos déductions sont exactes, la barque marchande du Léman dériverait
donc des barques à double usage des Bernois qui viendraient
elles-mêmes des galères.
Quant aux- galères, quelle en a été l’origine? Comment ont-elles été
importées sur le Léman?S- Nous avons vu que, déjà à la fin du XIII®
siècle, les comtes dé Savoie, pour construire, réparer et commander
leur flottille militaire du château de Chillon, faisaient venir de Gênes
des maîtres calfats, des ingénieurs, des charpentiers de marine.
Alors même que des détails circonstanciés nous manquent, il est évident
que ce sont des galères qu’ils ont établies dans les chantiers de
Villeneuve. Quand, plus tard, depuis 1388, les comtes et ducs de Savoie
ont possédé Nice, ils ont pu en tirer des constructeurs instruits
dans les types méditerranéens.
Une fois le type galère introduit sur le lac, il a été copié, reproduit,
conservé, peut-être perfectionné, probablement transformé de bateau
à quille en bateau à fond plat, cela n’offre pas de difficultés. C’est lui
qui à servi de modèle pour la construction des navires de guerre des
flottes genevoises et bernoises. Les nombreux réfugiés pour cause de
religion, qui apportaient des rives océaniques ou méditerranéennes de
France et d’Italie, dans ces républiques alpestres, leur expenence
et leur science des choses de la mer, étaient bien obligés de se plier ■
aux nécessités des temps et des lieux ; les innovations ne peuvent
guère, pour les choses militaires, s’éloigner des types établis.
Nous avons cependant été longtemps arrêté par un fait assez embarrassant.
Les seuls dessins géométriques que nous possédions,des
bateaux militaires du Léman sont ceux qui sont conservés dans les
albums du Conseil de guerre aux Archives d’état de Berne ())• Us
avaient été envoyés sur la demande de LL. EE. par Maximilien Ivoy,
l’ingénieur .hollandais au service de LL. SS. de Genève,- et sont intitulés:
« Abriss der zu Ende des 17ten seculi auf dem Genfersee gehabten
Galeeren, par M1' d’Yvoy ».
Or ces dessins qui représentent des bateaux dénommés galères,
yachts, frégattes, etc., s’éloignent tous notablement du type galère tel
qu’il était classique dans la Méditerranée ; quelques-uns sont de petits
navires ronds, à haut bord, types de l’Océan transplantés sur notre
lac; même ceux qui sont désignés sous le nom de galère ne rappellent
que très peu ces bateaux dont nous possédons de nombreuses figures
dans les traités de construction maritime de l’époque. Mais après
étude attentive, je ne me laisse pas arrêter .par cette objection. Je
considère :
a. Qu’Ivoy, ingénieur hollandais, devait avoio une tendance à pi é-
férer les types de bateaux rappelant ceux de ses mers du nord.
b. Que malgré cela dans quelques-uns de ses dessins je retrouve
certains éléments du type galère, voile latine, bateaux plats, proue à
éperon.
(!) Pläne von äusseren Orten etc., IV. Arch. de Berne, reproduits dans le Vieux
Lausanne, de Ch. Vtiillermet, II* série, planches 8, 9 et 10. Lausanne 1890.Voir Fig.
244, page 588 ci-dessus.