nassiers, tous se mettent en chasse ou en pâture; l’éau fourmille d’ani-
maùx et la faune littorale se déploie dans sa richesse. Bien souvent j’ai
surpris pendant la nuit dans mes aquariums, la société brillante, bigarrée
et singulièrement mouvementée des animaux qui pendant les
heures de la journée avaient disparu à mes yeux. Autant et plus encore
que dans la nature aérienne, dans le monde aquatique les animaux
sont en grande majorité des nocturnes.
Ces fonds caillouteux sont d’autant plus riches en sociétés vivantes
qu’ils sont plus profonds et plus diversifiés. Leur profondeur doit être
telle que les vagues de tempête ne les tourmentent plus; quand le
sol est composé de matériaux divers, des types plus nombreux d’êtres
y trouvent leur habitat favori. Je n’en connais pas de mieux peuplés
que les ténevières artificielles des ruines de nos anciennes bourgades
lacustres, où les débris organiques, pilotis, poutres 'et ossements sont
mélangés en grande abondance aux pierres et offrent des conditions de
station aussi variées que possible.
T u f lacustre. —- Dans quelques-unes de ces ténevières ou fonds caillouteux,
les pierres sont recouvertes d’une incrustation d’algues calcaires.
Ce revêtement n’est pas spécial au faciès de la beine qui nous
occupe; il se retrouve sur les parties submergées des murailles de la
rive, sur la grève inondée, sur les blocs erratiques et les parois de
rochers de la beine.' Nous l’avons même retrouvé sur les cailloux de la
moraine submergée d’Yvoire par 60m de fond, et contre les-murailles rocheuses
sur lesquelles est bâti le château de Chillon à 20 ou 40m de
fond. C’est dans les ténevières que ce tuf est le mieux développé; profitons
en pour le décrire.
11 est formé par les précipitations calcaires qui se font sur ou dans
certaines Algues, parmi lesquellesje citerai dJaprès Scbimper : Rivula-
ria haematites [Euactis calcivora et E. rivularial, Schizotrix fascicu-
lata (Hydrocoleum calcilegum), Phormidiumincrustatum, Calothrix
parietina; probablement aussi des Goncjrosira (Chodat). Il est possible,
probable même, qu’une étude ultérieure amènera à séparer le
; tuf lacustre en plusieurs espèces, résultant de l’incrustation de différentes
algues. Ce sera l’affaire des spécialistes en algologie. Dans ce
premier essai de description, je m’en tiendrai au point de vue morphologique,
et je le présenterai en distinguant plusieurs formes, que je décrirai
sans me restreindre aux observations de notre lac. En effet, le-
Léman est loin d’être aussi riche que d’autres eaux en tuf lacustre et
les incrustations calcaires sont beaucoup plus développées aux lacs de
Neuchâtel, de Morat, de Bienne, d’Annecy, etc.
Forme g. La pierre est recouverte dans ses parties baignées d’eau,
par une série de petites touffes de Rivulaires, coussinets hémisphériques,
de 2 à 5mm de diamètre, adhérents à la pierre, discrets, séparés
les uns des autres. Ils rappellent en petit la disposition des touffes des
Carex dans les marécages. L.’épaisseur de cette couche est de 1 à 3mrn.
J’en citerai comme exemples : les pierres de la grève inondée et de la
grève inondable de la pointe de la Venoge;: certains galets des ténevières
du golfe du Parc à Morges; d’après Chodat les grèves inondées
de la Belotte, de la Gabiule, d’Hermance près Genève.
Forme fi. Les touffes et coussinets de la Rivulaire se serrent, tendent
à se superposer; de nouveaux paquets d’algues s’insèrent entre
les restes des algues des années précédentes; il y a-mélange par-
juxtaposition entre les squelettes grisâtres des algues mortes et les
touffes brunâtres, en belle végétation, des Rivulaires fraîchement développées,
L’épaisseur du tuf dans cette variété peut s’élever de 5 à 10
ou 12mm. Je connais cette forme de tuf sur les blocs erratiques de la
pointe de la Venoge, sur les blocs erratiques et la roche en place des
Gonelles près Vevey, sur les rochers de Chillon. Sur ces rochers le tuf’
occupe une zone de 50 centimètres au-dessous du niveau des basses
eaux jusqu’au niveau des hautes eaux d’été.
Forme y. Une variété plus compliquée de tuf lacustre, en ce qu’elle
paraît composée des diverses algues incrustantes se mélangeant les
unes aux autres, forme un revêtement de 5 à 1 0mm d’épaisseur sur les
pierres et cailloux submergés, sous un à trois mètres d’eau. Je citerai
comme exemples : certains galets de la beine du Banc du Travers à
Genève, de la ténevière du port de Thonon; tous les galets et blocs de
la beine des lacs de Neuchâtel, de Morat, d’Annecy, etc.
Formel. L’incrustation atteint plusieurs centimètres d’épaisseur,
es couches profondes formées d’un tuf mort, sans algues en végétation,
sont spongieuses, friables, tendres; les couches externes contiennent
des algues incrustantes vivantes en grande prolifération. Je citerai
comme exemples : les galets du Rhin à Stein, à la sortie de l’Untersee,
certaines parties sous des blocs erratiques surplombant de la pointe deÜ
Venoge, quelques morceaux sur le roc en place aux Gonelles de-
Vevey. :