fond de la cuvette, p a r 300m dans le Léman, ils doivent jouir d’un climat
encore plus monotone. Obscurité absolue, toute l’année durant.
Invariabilité presque complète de la température qui, en période de
réchauffement, se relève à peine de un à deux dixièmes de degré par
an. Ce n’est que dans les grands hivers, quand la surface se refroidit à
une température inférieure à celle du fond, que les courants thermiques
amènent l’eau de la surface jusque dans les grands fonds; il y a alors
changement rapide de température, comme dans Ib grand hiver de \ 880,
dans lequel nous avons vu la température du fond s’abaisser d’un
demi-degré en quelques semaines, et celui de 1891 dont la chute thermométrique
a été. de près d’un degré. Cet effet s’augmente encore par
l’accumulation, sur le plafond du lac, de l’eau à 4° de la région littorale,
qui s’écoule le long des talus du mont. D’autre part, pendant l’été, la
descente dans la cuvette de grande profondeur des eaux littorales
ou fluviales surchargées d’alluvion peut élever notablement la température
de ces couches. 11 y a donc là probablement variation ther-
miquesupérieureà celle des couches moyennes, de 100“ de profondeur.
Au point de vue des courants du lac, quand pendant l’hiver la stratification
thermique a disparu, une tempête, comme l’ouragan du 20 février
1879, peut aller remuer l’eau jusque dans ces très grands fonds.
Mais un tel événement, qui doit être considéré comme un véritable
cataclysme pour ces régions tranquilles, y est extrêmement rare.
En fait de relations avec le monde supérieur, celui des régions superficielles,
nous n’avons à noter que les visites des Féras, qui viennent
frayer et des Lottes qui les accompagnent dans lés grands fonds en
février; que les cadavres d’animaux pélagiques qui sombrent dans la
profondeur, que les poussières organiques et minérales dont les flocons
descendent plus ou moins rapidement sur le plancher du lac.
Comme nous l’avons dit, calme et monotonie, absence de mouvements
mécaniques, physiques ,ou moléculaires, absence de variations
dans les conditions de milieu, tels sont les caractères du climat des
régions profondes, climat qui, dans les grands fonds où il atteint sa
perfection, ignore absolument toute espèce de variations périodiques,
même la périodicité des saisons annuelles.
6° Caractères généraux des organismes de la région profonde.
C’est dans ce milieu déshérité que nous trouvons la société de
plantes et d’animaux dont nous avons, au commencement de ce chapitre,
énuméré les êtres assez nombreux et assez variés. Pouvons-nous
leur attribuer, comme nous l’avons fait pour les organismes des sociétés
littorale et pélagique, des caractères généraux distinctifs?
Pour la flore profonde cela nous est impossible; la Mousse de la
barre d’Y voire est un fait isolé, donc pas de généralisation. Les pauvres
algues du feutre organique sont trop rares et trop chétives pour que
j e puisse leur trouver de caractères communs; seujes les Diatomées
d e la zone supérieure seraient assez nombreuses; mais d’une part nos
diatomistes n’ont pas réussi, — quelle que soit leur ardeur bien connue
dans cette recherche, — à y constater des caractères d’espèces ou de
variétés nouvelles; d’autre part nous avons dû établir déjà que ces
nombreuses Diatomées qui en hiver pullulent dans le feutre organique
n e sont que des égarés de la région littorale, des erratiques dans la
région profonde (v. p. 236).
Quant à la faune profonde, nous démontrerons plus loin que, si ce
n ’est tous, du moins la plupart des animaux que nous rencontrons
dans la région profonde y sont bien établis et forment une société
•qui y vit et s’y reproduit. Nous avons donc le droit de chercher à
reconnaître chez eux des caractères particuliers d’une faune spéciale.
J’v retrouve les traits généraux suivants :
1° Ils soiit remarquables par leur petite taille, comparés soit aux
autres espèces du même genre, soit aux variétés de la même espèce:
Limnées, Pisidies, Niphargus, Asellus, Hygrobates, Hydra, les Tur-
bellariés, etc.
2° La couleur des animaux de la région profonde est terne; les uns
sont d’un blanc mat, Niphargus, Asellus, les autres sont simplement
plus pâles que les formes littorales, Dcndrocoelum, Hydra, etc.
3° Les yeux tendent à disparaître dans les espèces de la région
profonde: Dcndrocoelum. lacteum, D. ftisciim, m anquent souvent de
points oculaires; le pigment des taches oculaires qui est normalement
noir, tourne au rouge dans quelques Turbellariés du fond, Mesostoma
Ehrenbcrgi, Gyrator hermajihroditus. Deiix espèces sont absolument