La limite inférieure des gazons des Characées étant dans le Léman
à 25™, c’est à mette profondeur que j’établis la frontière qui sépare les
deux régions.
Mais ici je su is arrêté par une difficulté: la trouvaille que nous avons
faite en 1885 de la Mousse submerse de la moraine d’Yvoire, du Tham-
nium Lemani, de S ch n e tz le r § / Cette plante, parfaitement chlorophyl-
lée, en superbe végétation, vit à 60™ de profondeur sur les blocs et gra-
- viers d’une moraine non ensevelie sous l’alluvion lacustre. Ne devrions-
nous pas, à cause de cette Mousse, transporter notre limite à 60™ e t
faire descendre la région littorale jusqu’à cette profondeur1? Nous
croyons ne pas devoir agir ainsi. En effet ce serait faire violence à
1 ensemble dés faits très bien enchaînés qui concourent à fixer à 25™
environ la limite de la région profonde, que de la transporter à 35m
plus bas. Le cas de la Mousse d’Yvoire est absolument isolé. Nous,
avons cherché, entre autres sur le roc de Chillon et aux Gonelles de
Vevey, et nous n’avons pas trouvé de faits analogues dans le Léman ;
on n’en connaît pas encore dans d’autres lacs. Nous ne nous expliquons
même pas cette apparition de la Mousse sur la moraine d’Yvoire;
l’interprétation que nous en donnons est différente : S ch n e t-z le r
en faisait un survivant de l’époque glaciaire (s) ; Ü e 1 e b e c q u e en fait une-
plante fluviatile végétant sur le griffon, d’une source sous-lacustre (3);-
quant à moi, je me bonie à constater le fait sans que je sache lui attribuer
une signification.
Je me résigne donc à considérer le cas de la Mousse d’Yvoire comme
une exception, non expliquée jusqu’à présent, et je ne déplace pas, pour
un fait aussi extraordinaire, la limite très satisfaisante et très pratique
du leste des régions littorale et profonde à 25™ sous la surface.
Nous avons cependant encore une distinction à faire.
Nous avons constaté que les caractères de la région profonde se-
développent progressivement à mesure que l’on descend plus bas
dans l’eau; les faits de pression de température, d’éclairage, de mouvements
mécaniques n’arrivent pas du premier coup à l’état de calme
(*) Y. p. 155 et 939.
Loc. cit., [p. 15p.J
(’) A. Dclebecqtte, les Lacs français, Paris 1898, p. 107.
presque absolu qui les caractérise au-delà de 50 et de 100™ de profondeur.
Entre 25™ et 60™ de fond il y a une zone intermédiaire qui n’est ,
plus la région littorale, qui n’est pas encore la région profonde parfaite;
que dois-je en faire?
La rattacher à la région littorale serait artificiel et non-justifié. Les.
conditions de la vie physique, mouvement de l’eau, chaleur, lumière,
sont trop atténuées, les conditions d’habitat, limon vaseux sans corps--
solides pouvant servir de cachettes et de supports pour des animaux
fixés, sont trop uniformes pour nous rappeler en rien les circonstances-
si diversifiées et si mouvementées du littoral proprement dit. Il m’est
impossible de comprendre dans la région littorale toute la partie médiane
du Petit-lac, depuis la barre de Nernier jusqu’à Genève.
La rattacher, à la région profonde me paraît le plus rationnel, et'c’est
la solution que j’adopte.
Je constate que les conditions générales de milieu n’y sont pas aussi
parfaitement développées que dans la région profonde authentique,,
que la lumière y pénètre encore, quoique très atténuée, qu’il y a encore
quelques variations thermiques de l’ordre de la périodicité annuelle,
que la vie végétale n’y ést pas absolument impossible puisque
nous récoltons une Mousse sur les pierres des frayères d’Yvoire, et du
feutre organique sur le limon vaseux du talus du lac devant Morges.
Mais alors même que nous n’y retrouvons pas l’obscurité noire, l’inva-.'
riabilité thermique presque absolue, le calme mécanique et physique
presque complet de la région profonde parfaite, nous y reconnaissons
une tendance évidente vers ces conditions de milieu. Pour la plupart de
ces points de vue nous sommes bien près de Ja région profonde, plus-
près d’elle certainement que de la région littorale.
En me basant sur ces considérations j’adopterai pour nos lacs la,
profondeur de 25™ comme frontière entre la région littorale et la.
région profonde, et je séparerai la région profonde en trois zones :
1° Une zone supérieure, s’étendant de 25 à 60™ de profondeur, dans
laquelle les conditions de milieu sont encore, jusqu’à un certain point,,
variables; dans laquelle les courants profonds se font parfois sentir,
dans laquelle la température subit une variation annuelle de quelques
degrés d’amplitude, dans laquelle la lumière’ pénètre encore assez,
pour donner, peut-être, dans des conditions favorables, un éclairage
à demi-crépusculaire, assez pour permettre le développement de quel