.. 3. Industrie et Commerce.
Nous avons dit p. 424 que les développements de la civilisation chez
les Palafitteurs n’ont pas été dus à l’arrivée dé populations nouvelles.
Si ce n’est pas par l’invasion de peuples étrangers que les changements
et les progrès de'l’industrie sont explicables, par quels procédés pouvons
nous nous en rendre compte ? Trois possibilités nous sont
offertes, à savoir :
a) Invention sur place de nouveaux procédés. Chaque progrès de la
civilisation a été inventé quelque part. Un homme a eu une idée et il
a perfectionné la technique; ou bien le hasard a mis un homme en
présence d’un fait non encore observé et cet homme en a déduit quelque
nouvelle industrie. Du lieu de la découverte, le progrès s’est
irradié au près ou au loin, comme le font les espèces nouvelles de la
flore ou de la faune autour du centre de création. Ces lois générales
des progrès de l’industrie sont certainement valables pour l’antiquité
qui nous occupe. 11 est possible que quelques-unes des inventions, qui
ont fait passer l’homme de la civilisation primitive de Chavannes ou de
Moosseedorf au bel âge du bronze,aient été faites dans notre pays ; mais
il n’est pas probable que tous les progrès de la civilisation y aient été
indigènes.
b) Invention dans un autre pays ; importation de l’invention par
immigration des industriels et leur établissement dans la bourgade.
c) Invention dans un autre pays où l’industrie se serait développée;
importation des marchandises par voie du commerce pacifique ou par
voie de la conquête, du pillage et de la guerre.
Il nous serait bien difficile d’ëtudier ces diverses possibilités pour
les diverses branches de l’industrie qui, de .l’âge de la pierre polie à
l’âge du bronze et à la première apparition du fer, a montré un développement
splendide. Essayons d’un seul chapitre de cette histoire, e t
recherchons les probabilités de l’introduction de la métallurgie.
Les Palafitteurs de l’âge de la pierre ignoraient les métaux. Ceux-ci
apparaissent successivement dans diverses stations, jusqu’au moment
où ils sont prédominants, et où règne la grande industrie du bronze.
Dans les stations de l’âge de la pierre typique il n’y a point de métal,
point d’armes, ni d’outils, ni d’ornements de bronze ou d’autres-
métaux. Mais dans certaines stations de la fin du néolitique, qui p a r
l’ensemble de leur industrie appartiennent bien à l’âge de la pierre-,
(armes et outils en pierre travaillée, poteries grossières, fusaioles en.
pierre, faune néolithique), nous trouvons quelques objets de métal, du
cuivre à Fenil et Chevroux, du bronze à Robenbausen et à Morges,.
station des Roseaux. Dans d’autres stations,le métal de grand usage,le-
bronze, devient dominant: la plupart des stations de l’âge du bronze
dans quelques stations enfin il devient exclusif, il n’y a plus d’armes-
ou d’outils de pierre : grande cité de Morges. Voici les faits.
Comment s’est produite la première apparition du métal ? Comment,
l’in d u s trie métallurgique s’est-elle développée? Voilà le problème.
Y a-t-il eu création spontanément et sur place de la métallurgie du
Cuivre à Fenil, de la métallurgie du bronze aux Roseaux de Morges ï
Le seul énoncé de cette question impose notre réponse. La découverte-
du minerai de cuivre, l’invention des procédés de réduction de ce
métal, de la fonte en lingots, de son coulage dans des moules, du
ciselage terminal, en un mot la métallurgie, soit à l’état de métal pur-
(cuivre), soit à Tétat d’alliage (bronze), tout cela n’a pu se faire que
dans un district minier. Or nous n’avons pas de mines de cuivre ou
d’étain au bord des lacs de Bienne, de Pfàffikon ou de Morges. Donc la
métallurgie du cuivre, encore moins celle du bronze, n’ont pas été
d’invention indigène dans ces stations.
11 y a donc eu importation de ces métaux. Comment s’est faite cette-
importation ?
Est-ce par la voie pacifique du commerce et de l’échange? Est-ce
par la voie brutale de la guerre, du brigandage, du pillage? Les deux
hypothèses sont probablement valables l’une et l’autre.
La seconde est conforme à ce que nous savons de l'humaine-
nature..A l’état sauvage, les peuples, les tribus, les villages voisins
sont sans cesse à l’état de guerre, et qui dit guerre .dit pillage. A Tétat.
civilisé en est-il autrement? Certaine lettre d’un troupier de l’expédition
de Chine en 1900 (*) me revient à la mémoire quand je pose cette'
(!) < Nous avons déjà pris une bonne partie de la Chine ; à mesure que nous;
avançons nous brûlons tout, nous pillons tout. Nous avons commencé à Takou,..
tout brûlé et pillé toute la ville et tous les villages, de même à Tientsin, à P ékin,,
etc. Tout ça c’est détruit, c’est brûlé, c’est pillé. Je voudrais être plus près de chez
nous, je serais assez riche. Il faut voir le beau butin qui se pille. 0. chère soeur t.
c’est pitoyable d’être à une guerre !... » (Journal de Morges, 30 novembre 1900).