mage des jeunes des diverses espèces, que j’extrais du Catalogue des
Oiseaux du British Muséum (’).
Cygnus musicus Becbst. Couleur générale gris-brun, etc.
C. Bewieki Yarr. Cygnets dupremier hiver, gris-brun.
C. columbianus Ord. Cygnets plombés, plus pâles à la partie antérieure;
sommet de la tête d’un brun-rougeâtre.
C. buccinator Rich. Cygnets d’un gris-cendré uniforme, plus sombre
que les jeunes du C. olor.
C. melanocephalus Vieill. Tête et dos brun. Extrémité des premières
plumes brun-chocolat (2).
C. atratus Lath. Couleur du des gris-brun, du ventre grisâtre (3).
Donc, si le plumage de l’adulte est fort différent chez les diverses
espèces du genre, celui du premier âge est presque le même chez
toutes; gris plus ou moins brun. Telle est la coloration du cygnet.
Ce n ’est qu’en avançant en âge, en prenant la livrée de l’adulte, que la
couleur se différencie chez les Cygnes, comme chez la plupart des
oiseaux. Si, chez nos Faux-albinos, de jeunes oiseaux prennent déjà la
coloration de l’adulte, c’est une acquisition anticipée, d’un caractère
progressif. La variation que nous observons chez les Cygnes du Léman
est une variation progressive.
Dans l’histoire de la variabilité des organismes et de l’apparition de
formes nouvelles, il est rare que l’on ait l’occasion d’observer aussi clairement
l’origine d’une variété. Ce n’est guère que dans le règne végétal
que l’on pêut pousser les constatations aussi loin; et encore les observations
ne peuvent guère l’être que chez des espèces cultivées, par
conséquent domestiquées. Dans le règne animal une telle étude des phéf1)
Catalog ofBirds of the British Muséum, t. XXVII, by T. Salvadori, London
1895.
(s) J’ai pu constater moi-même sur quatre cygnets de cette espèce éclos au
printemps de 1899 dans un étang de la villa Rothschild à Genève, la couleur
grisâtre générale, ventre blanchâtre, col et tète gris, dos gris, duvet gris, premières
plumes grises, pattes grises.
(3) J’ai vu Sur six cygnets de cette espèce' éclos au printemps de 1899 dans les
enclos d’élevage de l’île Rousseau à Genève, combien les jeunes du Cygne d’Australie
ressemblent à ceux de notre Cygne olor. Leur couleur grise est plus foncée,
mais, sauf cette nuance, leur première robe ne distingue pas ces jeunes oiseaux, et
on pourrait presque les confondre.
nomènes est beaucoup plus difficile. Ou bien les animaux sont petits et
ils échappent alors à une surveillance prolongée dans la suite des
générations - on ne peut séparer à l’état de liberté des familles
d’insectes, de Crustacés ou de Vers; - ou bien ils sont de grande
taille, et ils sont peu commodes à observer, - on connaît mal
familles des Baleines, des Eléphants ou des Antilopes sauvages,
ou bien enfin ils sont à l’état domestique, mais alors la domestication
introduit un facteur artificiel qui nous éloigne des conditions
du développement naturel. . „ ,
Nos Cygnes du Léman, ceux du Grand-lac du moins, sont sortis de
la vie domestique; ils sont à l’état sauvage (Je les ai désignes par 1 appellation
de semi-sauvages parce qu’ils ne sont pas devenus farouches
et s’approchent volontiers des demeures de l’homme), et sous ce rapport
notre observation s’adresse à des animaux presque a le ta t de
nature. . 8 . I . At.
Les problèmes de l’apparition des espèces sont du plus haut intérêt,
mais les faits d’observation sont rare, et tout document est precieux.
Nous sommes tous convaincus d e là descendance des espèces les unes
des autres; personne ne songe plus aujourd’hui à admettre une création
spontanée, ex nihilo, d’une nouvelle forme dans le monde organique
Mais les faits’connus laissent entrevoir deux possibilités pour la
production des espèces nouvelles; ou bien une modification insensible
par variation infinitésimale, si je puis m’exprimer ainsi,par differen-,
dation lentement modifiée, qui transforme progressivement un type
antérieur en un type d é riv é -o u bien apparition subite d’une variation
nouvelle, dans la descendance d’un type fixé, transformation brusque,
sans nuance de passage, définitive, de l’espèce typique en une nouvelle
variété qui s’élèvera plus tard à la dignité de nouvelle espèce quand
elle sera fixée, _ .
Je suis disposé à croire que les deux m o d e s de création de nouvelles
espèces agissent concurremment dans le monde organique; que
suivant les cas, ou suivant les groupes d’êtres, ou suivant, les circonstances
l’un ou l’autre intervient. Nous avons vu, page 263, des faits
nous indiquant une transformation lente et progressive des espèces
qui s’établissent dans la région profonde du lac. Aujourd’hui, chez
nos Cygnes faux-albinos, nous constatons un cas de modification
subite. Notre observation me semble mériter fintérêt des philosophes
qui s’occupent des graves questions de l’origine des espèces;