toute époque il y a eu descente dans la profondeur de nombreux individus
littoraux qui s’y sont établis et .qui y ont fait souche. Mais la
descendance de ces familles abyssales n’est pas longtemps prolongée;
le milieu ne leur est pas assez favorable pour qu’elles y prospèrent et
les races ne sont pas de longue postérité. Chaque variété abyssale s’établit
facilement, mais elle a peu de générations dans sa descendance..
Le renouvellement est fréquent, mais il n’est pas durable.
Je le répète, c e n ’est qu’une impression : je la fonde d’une,part sur
le peu d’importance des modifications morphologiques des formes-
abyssales de nos lacs subalpins; d’autre part sur les faits de renouvellement
très actif du personnel des sociétés abyssales que j’aurai à
décrire plus tard.
Comment les Niphargus et Asellus cavicoles sont-ils arrivés dans la
région profonde du Léman 7 Nous ignorons les voies précises de cette-
immigration, mais nous n’avons pas de raisons pour en nier la probabilité.
Les trouvailles accidentelles d’individus de ces espèces dans les
lacs et ruisseaux des cavernes, dans les puits et fontaines, sont assez
fréquentes, quoique dispersées dans le territoire immense de l’Europe
centrale,pour que nous puissions admettre : en premier lieu leur habitat
normal dans les eaux souterraines, et en second lieu des communications
entré les canaux compliqués où circulent ces eaux. Que certaines
couches terrestres soient perforées en tous sens de cavernes
communiquant plus ou moins les unes avec les autres ; que des eaux
remplissent en partie ces canaux et y circulent; qu’il y ait passage possible
d’un département à l’autre de ce réseau caché à nos yeux, cela est
probable, cela est presque certain. Qu’on admette ensuite une entrée
des eaux souterraines dans les lacs; cette entrée est considérée comme
article de foi par nombre d’observateurs qui parlent toujours de sources
sous-aquatiques surgissant dans le domaine du lac; elle est acceptée
même par nous, qui sommes plus sceptiques au sujet de la réalité d’une-
bonne parties de ces soi-disant sources sous-lacustres. Donc pas de difficulté
de ce côté. Donc possibilité et probabilité de l’origine cavicole
de nos Arthrostracés aveugles du Léman.
Revenons-en à l’authenticité de la genèse de la société abyssale aux
dépens de la société littorale, et complétons notre raisonnement. A
l’exception des deux espèces aveugles de Crustacés abyssaux dont
nous venons de constater l’origine cavicole, pour les autres organismestoutes
les suppositions faites pour expliquer par d’autres procédés la
genèse de la société des eaux profondes ont échoué; donc l’origine
littorale que nous avons montrée d’abord possible, puis probable, devient,
à notre avis, certaine.
Je conclus en attribuant à la société abyssale du Léman — et je puis
ajouter de nos lacs subalpins — une double origine :
1° Pour la plus grande partie le transport actif ou passif des organismes
littoraux qui s’établissent et font souche dans les grands fonds.
Notons à ce sujet que je crois à un renouvellement fréquent de la population
abyssale de provenance littorale.
2° Pour deux espèces au moins, Niphargus Foreli et Asellus Foreli,
je les attribue à une modification locale du Niphargus puteanus et de
Y Asellus cavàticus des eaux souterraines, entrés accidentellement
dans la région profonde du lac où ils se sont établis définitivement.
6° Résumé.
Revenons en arrière et comparons la genèse de nos trois sociétés
lacustres. Nous ne parlerons que des procédés de peuplement simples
et probables, laissant à l’imagination de nos lecteurs là combinaison
de procédés plus compliqués qui sont encore possibles.
. La société littorale provient
a. d’organismes des eaux campagnardes indigènes apportés dans le
lac par les affluents; ils doivent s’adapter au milieu lacustre pour y devenir
espèces établies;
h. d’organismes des eaux littorales de lacs étrangers, apportés dans
le Léman par les oiseaux migrateurs; ils doivent s’adapter aux conditions
de milieu spéciales à notre lac.
La société abyssale provient
а. d’organismes littoraux du lac lui-môme, transportés dans les
grands fqnds par migration active ou passive ;
б. d’organismes cavicoles provenant des eaux souterraines qui entrent
dans le lac sous forme de sources sous-lacustres.
Les uns et lés autres ont à s’adapter aux conditions spéciales de la
région où ils veulent s’établir.
La société pélagique provient des organismes pélagiques de lacs
étrangers apportés par les Oiseaux migrateurs. L’adaptation au milieu