ont émigré dans cette région il y a cinq ou dix mille ans. Je constate
qu’il y a reproduction; rien ne me force à croire qu’il y ait reproduction
continue et indéfiniment prolongée.
Les faits récoltés dans nos lacs' subalpins (je ne parle pas des lacs
d’autres pays qui me sont trop peu connus, ni de l’oeéan où les conditions
sont trop différentes) s’expliquent' suffisamment si l’on admet
que chaque année des organismes où des germes provenant des eaux
de surface arrivent dans la région profonde et s’y reproduisent, mais
•en quelques générations seulement; que, bientôt ou plus tard, ces immigrants
dépérissent et leurs familles s’éteignent. Ce que nous avons
•dit des Diatomées (p. 236) semble justifier cette assertion.
Cette conclusion ne s’applique pas nécessairement aux microbes de
la région profonde, qui peuvent y être établis d’une manière stable. Ils
ont trop peu été étudiés pour que j’essaie de déduire quelque chose
de leur biologie. .
2° Notre deuxième conclusion c’est que la vie .ne s’empare pas nécessairement
d’un domaine où elle est cependant possible. Que la vie
soit possible dans les grands fonds du lac, c’est un fait d’expérience.'
Mais, si notre première conclusion est exacte'il s’en suit que des espèces
spéciales, propres à la région profonde, ne s’y développent pas nécessairement.
3» Parmi les espècès les mieux établies dans les grands fonds sont
incontestablement les Crustacés aveuglés des eaux souterraines, Ni-
pharç/us et Asellus. Ils y sont en assez grand nombre pour que nous
puissions admettre qu’ils s’y reproduisent normalement, et cela depuis
un nombre indéfini de générations. Et cependant ils sont très peu différenciés
de leurs types originaux, le Niph argus puteamts et VAsellus
cavaticus des eaux souterraines. Le changement de milieu a eu très
peu d’effet sur eux.
Les Mollusques, les Hydrachnides, les Vers, etc., qui descendent des
espèces littorales, semblent aussi fort bien établis, et pourtant leurs
modifications sont peu importantes.
Conclusion: des différences énormes de conditions de,vie n’impliquent
pas nécessairement des changements anatomiques considérables.
4° Cependant les espèces abyssales marines prouvent que des modifications
étendues peuvent se produire. Pourquoi n’en trouvonsnous
pas dans nos lacs“? Est-ce que l’âge relativement peu ancièn de
ces lacs, qui appartiennent entièrement à la dernière époque géologique,
ne serait pas suffisant pour une différenciation morphologique
un peu étendue? Cinq ou dix mille ans, durée à laquelle nous pouvons
remonter pour le développement de la vie dans le Léman, cela représente
pourtant un laps de temps considérable et un nombre respectable
de générations.
XL La finalité dans les sociétés lacustres,
Si nous considérons l’ensemble de la population du lac, et si nous, y
recherchons la notion de cause; si nous demandons le pourquoi de
•cette population, le pourquoi de ses divers membres, pour quel but
ont-ils été créés, nous restons sans réponse logique. On peut bien dire:
les petits seront mangés par les moyens, les moyens par les gros, et
ces derniers en se putréfiant et en se réduisant à leurs particules constitutives,
servent à leur tour de nourriture aux plus petits organismes
la plupart nécrophages. De cette manière le cycle de la circulation de
la matière organique est complet, le lac est un microcosme qui se suffit
à lui-même, ou à peu près.
Est-ce bien là le plan de la nature? Est-ce pour être mangés que ces
myriades d’organismes se développent et vivent? est-ce pour fournir
de la nourriture à d’autres organismes qui à leur tour seront mangés,
que ces millions de germes sont semés àprofusion par chaqueêtre adulte?
Que les animaux s’entre-dévorent entre eux, c’est un fait d’observation.
Mais ce carnage réciproque est-il un but ? Nous, les Hommes qui nous
nourrissons de Truites et de Eéras, ne sommes-nous que de la viande
de bouchérie pour les vers et les microbes qui se repaîtront de notre
corps ? Dieu nous garde de professer la croyance en de semblables
causes finales qui serait un blasphème envers la divine nature !
L’étude que nous venons de faire de ce petit coin du monde vivant,
qui est la population du Léman, nous amène à des conclusions tout
■ autres.
Chaque espèce vit, et en vivant remplit son rôle dans la nature.
Rôle bien humble pour les plus petits : le Microhe n’est qu’un agent
de désintégration chimique; rôle bien modeste pour les micro-organismes
: la plante végète, le Ver, l’Entomostracé mange ét sécrète ; rôle