CHAPITRE I I. CANOT DES PALAFITTEURS.
Les plus anciens faits de navigation sur le Léman nous sont donnés
par le débris d’un canot, creusé dans un tronc de chêne, qui était conse
rvé dans les ruines de la grande cité de Morges, palafitte du bel âge
du bronze. Nous en avons raconté l’histoire p. 430. Le fragment qui est
•gardé actuellement au musée archéologique de Genève est trop peu
considérable pour qu’une description^en soit utile.
Je préfère donner une idée de .ce type primitif de bateau en décrivant
le superbe exemplaire qui est conservé au musée archéologique
de Lausanne et qui provient de la station de Corcelettes, au lac de
Neuchâtel, de l’âge du bronze. Il est creusé dans un tronc de chêne.
Ce canot est un bassin à fond plat,-dont la largeur va en diminuant
■avec le diamètre de l’arbre dans lequel il a été sculpté.
Longueur totale . . . 11.06®
Largeur à la proue . . 0.72
à mi-longueur . . 0.84
à la poupe. . . . 0.97
L’épaisseur du bois est de 8 à 10cm.
A l’avant comme à l’arrière on voit une espèce de siège, ou tout au
'moins un épaississement du bois sur une’longueur d e 6Ûcm environ. A
l’arrière une rainure semble indiquer une planche qui aurait fermé le
creux largement ouvert à la poupe. ,
Le bois est renforcé par des membrures transversales ménagées lors
■du creusement du bateau; elles font saillie de 6 à 8cm sur le plancher,
•et ont environ 20cm de largeur; il y en. a cinq, équidistantes. Les bords
■du bateau sont verticaux, légèrement évasés en quelques points : ils
sont conservés sur une hauteur de 10 à 20™, mais trop usés par l’attaque
de l’eau, ils ne méritent aucune description. Le fond est plat.
J’y reconnais le type des bâteaux, le Eïnbaum des Allemands,, que
j ’ai vus amarrés sous les ponts de Lucerne dans les années 1850 à
1860. Depuis lors ils ont disparu des lacs suisses (i).
f1) Voir» la.notice de Ferdinand Keller : Ueber den Einbaum. Anzeiger für schw.
Alterthumskunde, I, 34. Zurich 1869.
Je dois à M. V o lle nw e id e r, à St-Pêfersbourg, une note intéres-
-sante sur le prix de revient, étonnamment bas, de ces bateaux. Le
tchelnok, canot creusé dans un tronc de chêne, s’acquiert dans la plus
grande partie du Nord de la Russie pour 10 ou 15 roubles (25 à 40
francs); dans les régions moins peuplées, ce prix s’abaisse à 8 roubles
,{20 francs) « .
CHAPITRE I II . É PO Q U E ROMAINE.
De la navigation à l’époque romaine nous ne savons rien. Une seule
inscription, trouvée au pied de la tour de l’Ile de Genève, signale un
don fait au dieu Silvanus pour le salut des radeleurs (bateliers) par
L. S a n c t iu s M a rc u s leur ami(2). Cela nous indique l’existence d’une
corporation de matelots. Nous la retrouvons plus explicitement désignée
pour les lacs subjurassiens; c’est ainsi qu’une inscription
dlAvenches parle d’un ordre des nautoniers qui b âtit‘ou consacre une
Schola (*)..
C’est encore ainsi que dans la Noticia dignitatum(*) de l’an 400 de
notre ère, l’Annuaire de l’époque, on voit parmi les troupes stationnant
en Gaule un praefectus classis barcariorum Ebrodùni Sapau-
diae, préfet de la troupe des nautoniers d’Yverdon(3). Mais cela ne
touche pas le Léman.
Le seul indice direct à moi connu de faits de navigation dans l’époque
helvéto-romaine est la trouvaille de Colovray près Nyon. Des fûts de
colonnes, miliaires ébauchées avaient été réunis au bord du lac, sur
(') Ed. Vollenweider, St-Pétersbourg, 11 juillet 1903, in litt.
(*) D E O S I L V A N O P RO S A L U T E R A T I A R I O R . S U P E R I O R
AMI C O R . : SUOR. P O S I T L. SANCT. M A R C U S C I V I S H E L ,
V. S. L. M .D D . Th. Mommsen, I ri s c r ip t io n e s h e l v e t i c a e . Zurich 1854.
n° 75;
(») IN H O N O R E M DOMUS D I V I N A E...... N A U T A E A R U R A N C I
A R A M I C I S C O L AM DE. S U O I N S T R U X E R U N T D. D. D.'
Mommsen n° 182.
(*) Edition Seeck, p. 215.
(5) Dr W. Cart, Lausanne, in litt.