CHAPITRE PREMIER. DROIT DE PÈCHE.
DROITS SEIGNEURIAUX.
Le droit de pêche était dans les âges primitifs un droit commun.
Péchait qui voulait et qui savait. De cette époque nous n’avons aucun
document.
Lors de la formation des grands Etats du moyen âge, l’empire d’Allemagne,
le royaume de Bohrgogne, le droit de pêche était considéré
comme propriété de la couronne(*), et c’est à un tel titre que celle-ci
en cédait l’usage aux seigneurs temporels et spirituels.
Et d’abord aux princes de l’Eglise. Par ordre de dates:
Le 14 septembre 1043, l’empereur Henri 111 remit à l’archevêque
Hugo de Besançon, qui l’avait assisté dans le siège du château de
Lutry, un droit de pêche dans le Léman (®). Plus tard nous voyons le
même archevêché posséder à Nyon des droits de pêche, pour lesquels
Humbert de Gossonay lui rend hommage en 1246. Ils consistaient en
la pèche de trois jours de la semaine, la q u e s te du poisson en carême,
et la dîme entre le canal de Brussins et la pierre de Moray(3).
En confirmation des droits seigneuriaux concédés à l’évèque Henri
de Lausanne en 1011 par le roi Rodolphe III de Bourgogne, l’empereur
Henri IV accorda en 1079 à l’évêque Burchard de Lausanne divers
droits, entre autres le droit de pêche, piscationis (4).
En 1124, le comte Aymon de Genève reconnaît que tout le rivage
appartient à l’évêque (5). En 1155 ce droit est confirmé, ainsi que spécialement
les droits de pêche des gens de l’évêque, suivant les anciennes
coutumes (6).
(fi Th. ». Liebenau. Geschichte der Fischerei in der Schweiz. Bern 1897.
(5) Stumpf. Regesta n° 2245. Hidber. Urkundenregister n° 1327.
(S) Mém. et Doc. S. H. S. R, V, I, 227.
{4j Mém. et Doc. S. H. S. R, VII, 1 et 4.
(5) Spon. Hist. de Genève. II. 5.
(«) Ibid., II. 13
On peut bien admettre qu’én l’an 1150 le prieuré de St-Jean de Genève
avait des droits de pêche quand ii s’engageait à fournir annuellement
aux chanoines de Ste-Marie à Aoste, avec d’autres redevances
en nature, un tribut des gros poissons nécessaires à leur réfectoire, ou,
à défaut de gros poissons,'50 Palées ou 200 Féras(*).
En 1220, l’évêque Aymon de Genève admet une hypothèque de 50
sous par an sur ses droits de pêche (2).
La reconnaissance des droits du chapitre de Lausanne dans le village
de St-Prex du 31 octobre 1221 s’étend longuement sur les droits
de pêche de l’évêque et de ses gens : « Quand le seigneur évêque vient
à St-Prex, les pêcheurs doivent pêcher entre Chanliva (Ghanivaz) e t
Passum(‘?)et apporter tous les poissons qu’ils ont pris, moyennant
quoi ils ont le droit de s’asseoir à la table du Seigneur. S’ils vendent
du poisson ils sont redevables, d’un droit à l’èvêque. Les chanoines,
les chevaliers et les prud’hommes de la ville qui sont présents ont
un droit de préférence (3).
En 1306, l’évêque de Genève, Guido T a v e l, achète du prieur du couvent
de St-Victor des droits de pêche dans le port de Genève (4).
En 1348, on voit l’évêque de Lausanne remettre à son vidomne de
Vevey des droits de pêche dans cette ville (5).
L’abbé d’Abondance avait, ainsi que cela apparaît dans son acte de
1436, un privilège sur la pêche à St-Gingolph. 11 avait droit à la moitié
des poissons, dont la valeur excéderait un denier, péchés aux lieux
dits Portai et de Gollins, entre la fête de l’apôtre saint André et la fête
de la Purification de la Vierge (entre le 30 novembre et le 2 février);
il pouvait contraindre les pêcheurs qui exerçaient dans ces lieux à le faire
à son bénéfice (6).
Ces privilèges étaient certainement fort anciens, car les droits de
l’abbaye d’Abondance sur St-Gingolph remontent jusqu’à l’an 1203 (7).
1424. Dans le plaict général de St-Saphorin (de La Vaux), qui établit
entre autres les droits de l’évêque de Lausanne et de ses représentants,
(') Voir ci-dessus, t. III, p. 334.
(*) Mém. et Doc. S.’ H. Genève. IV. 2-31.
- (3) Mém. çt Doc. S. H. S. R, VI, 264.
(4) Mém. et Doc. Genève. IX. 210.
(6) Liebenau [loc. cit., p. 604], p. 32.
(3) Mém. et Doc. S. H. S. R. XXXIX. 122. Lausanne 1898.
(’) Ibid. XXIX. 153.