leurs larves, sous la forme de Glochidium, s’établissent sur l’épiderme
des Poissons, et se font transporter par ceux-ci, des mois durant, dans
tous les lieux où- leur humeur vagabonde les emporte;1). Pour les
Spongilles, si leurs gemmules emprisonnées dans le tissu de la colonie
ne sont pas faites pour transporter l’espèce au loin, les embryons
ciliés de la génération sexuée semblent permettre au contraire des
migrations actives et passives à de grandes distances.
S e c o n d e e x p l ic a tio n . On pourrait admettre que. ces animaux,
Spongilles et Naïades, ne sont pas, il est vrai, représentés actuellement
dans la région profonde du lac,, mais que c’est par le fait accidentel
qu’il n’y a pas eu de migrations récentes, et que les descendants des
migrations précédentes ont tous disparu. Les espèces abyssales, étant
toutes des espèces immigrées, séjournent plus ou moins longtemps
dans la région du lac où elles se sont établies; mais cette région profonde
étant plutôt inhospitalière, elles disparaissent petit à petit dans
des conditions de milieu si différentes de 'celles ou leur espèce prospère
normalement. Elles peuvent à un moment donné manquer absolument,
sans pour cela qu’on puisse affirmer la nécessité de leur
absence, sans pour cela qu’on ne puisse les y voir apparaître ou avant
ou .après l’époque où des dragages donnent des résultats négatifs.
A cette explication je dois cependant objecter :
а. Que ma drague métallique a souvent mordu fort profondément
dans le sol, 6 et 8 centimètres et plus, et que étant connue la lenteur
excessive de l’alluvionnement sur les talus du Léman, cela implique
l’absence des animaux en question depuis un nombre d’années considérable;
cette absence n’est pas Seulement u n fait actuel, [mais doit
se reculer d’un grand nombre d’années en arrière.
б. La même absence des Spongilles et des Naïades a été constatée
par mes collègues et par moi dans tous les lacs subalpins où nous
avons jeté notre drague. La seule exception connue est l’Eponge rose
du lac de Joux, mais ce fait se rapporte à une profondeur si faible, une
vingtaine de mètres à peine, qu’ife s t difficile de parler ici d’unè région
abyssale.
J’en suis donc réduit à.confesser mon incapacité à expliquer l’absence
des Naïades et des Epongés de la région profonde de nos lacs.
(’) V. ci-dessus, p. 105.
IX. Espèces ertatiques, espèces immigrantes, espèces expirantes,
espèces naissantes.
La question des espèces e r r a t i q u e s telle que nous avons pu létu-
dier dans notre lac est vraiment intéressante; elle éclaire, semble-t-il,
certains faits de l’histoire naturelle générale. Quand on cherche à établir
les catalogues de la faune ou de la flore d’un pays, d un territoire
limité, d’une vallée, d’une montagne, on se trouve en présence d’une
longue liste d’espèces banales, abondamment représentées par de nombreux
individus,'et, d’autre part, de quelques espèces rares; pour ces-
dernières, quelques individus seulement sont d’a,utant plus précieux
que leur découverte a coûté plus de peine; ils font la joie des-Collectionneurs.
Quelle est la signification de ces espèces rares*? .
N’est-ce pas le plus souvent l’analogue de nos espèces erratiques dans
le milieu lacustre du Léman? Ne sont-elles pas, comme la plupart de
celles-ci, des pionniers isolés d’espèces étrangères qui, importées accidentellement,
de près ou de loin, par immigration active ou passive,
cherchent à prendre pied gurrne sol nouveau pour elles*? La plupart
échoueront dans leur tentative- et périront sans descendance; quelques
unes feront souche et prendront place, après un nombre suffisant
de générations, au rang des espèces indigènes.
Pour mieux exprimer cette notion, disons que ces espèces erratiques
sont des espèces e n v a h i s s a n t e s , ou im m i g r a n t e s .
C’est probablement ce qui a lieu dans la grande majorité des cas.
Les espèces rares d’une société biologique sont souvent des espèces
envahissantes faisant effort, actif ou passif, pour immigrer dans le ter-
’ ritoire considéré. Mais je vois en outre deux autres possibilités qui expliqueraient
les espècès rares. A .côté des espèces immigrantes, on peut
admettre deux catégories d’espèces remarquables par le petit jnom-
bre de leurs individus ou par la localisation, restreinte de leur aire
d’habitat; se sont les espèces e x p i r a n t e s et les espèces n a i s s
a n t e s . .
a. Les espèces e x p i r a n t e s . Le pays a-possédé cette espèce
parmi ses' formes indigènes, normales; les faits climatiques ou biologiques
ont changé; la lutte pour l’existence est devenue plus sévère.