Puis dans certaines stations de l’âge de la pierre nous voyons apparaître
quelques objets de cuivre ou de bronze. Le caractère de la
civilisation n’est pas encore changé; la station appartient encore à l’âge
de la pierre par ses poteries grossières, par ses fusaïoles en pierre tendre,
par ses instruments tranchants en pierres vertes ; mais il y a eu
importation de quelques outils de métal; c’est l’aurore d’un nouvel âge
archéologique, ou tout au moins c’est l’indice d’un contact avec
les peuples en possession de cette précieuse matière d’une industrie
plus avancée : le métal.
Dans cet étage de transition, certaines stations ont reçu des objets de
cuivre, St-Blaise, Chevroux, au lac deNeuchâtel, Fenil au lac de Bienne:
d’autres des objets de bronze, de type archaïque, station des Roseaux
de Morges.
Dans l’âge du bronze au milieu du splendide développement industriel
qui lui a mérité le nom de bel âge du bronze, nous trouvons do
même certaines stations des lacs de- Bienne, de Neuchâtel et de Genève,
oü apparaissent quelques objets de fer. Cela indique le contact,
pacifique ou guerrier, avec des tribus en possession de ce nouveau
métal.
En nous basant sur ces faits nous allons diviser l’ère des palaflttes.
non seulement en deux âges, mais encore en plusieurs étages. Mais
avant tout nous ferons une réserve importante.
Nous admettons la succession archéologique dès divers étages que
nous établissons; nous constatons qu’à chacun d’eux appartient un fait
nouveau, un pas en avant, dans les progrès de la civilisation, nous reconnaissons
que le développement général est incontestable. Mais
d’autre part nous n’affirmons pas qu’il n’y ait pas eu contemporanéitê
possible entre des stations appartenant à deux étages consécutifs. Tel
village pauvre, à population indolente ou arriérée, mal placé sur les
voies commerciales .ou mal favorisé par le dieu de la guerre, peut avoir
conservé les vieilles coutumes et avoir ignoré les nouveautés du siècle;
tandis que tel autre village, son voisin rapproché ou éloigné, son contemporain,
peut avoir bénéficié des nouvelles inventions ou des importations
de l’étranger. Le premier est resté à l’étage inférieur, le second
s’est élevé d’un ou de plusieurs étages sur l’échelle de la civilisation,
et cependant ils sont contemporains. Nous constatons encore aujourd’hui,
autour de nous et près de nous, ces faits de juxtaposition, de
simultanéité dé degrés bien différents de l’avancement industriel ; pourquoi
nous refuserions-nous à les admettre dans les temps antiques d e
l’histoire préhistorique? — Autre formule de la même idée : Nos étages;
de civilisation, en particulier nos étages de transition, ne sont pas desétages
chronologiques ; il peut y avoir eu contemporanéitê entre deux
stations d’étages différents.
Notre classification archéologique s’exprime dans un tableau à
deux colonnes. Nous n’y détaillons que ce qui appartient aux âges de»
Pa'lafitteurs.
AGES ' . î ETAGES
de la pierre paléolilique. Silex éclatés.
I de la pierre néolitique a. étage archaïque, de la pierre marteléeet
polie.
§ . - b. étage type, de haute culture, de la
S l pierre martelée, polie, sciée et forée..
S ) Bel âge de la pierre.
t ^ c. étage de transition; première importa-
S I tion d’objets de cuivre ou de bronzea
I du bronze a. étage type. Bel âge du bronze.
M b. étage de transition; première impor-
\ tation de quelques objets de fer.
du fer a. Hallstadt, la Têne, époque helvétienne
('), etc., etc.
f1) Je ne sépare pas ici les deux âges de la Têne et de Hallstadt qui sont admis-
comme différents par la plupart des archéologues modernes. Je reconnais que-
dans le cimetière de Hallstadt il y a plus de bronze que dans les ruines de l’arsenal
de la Têne ou dans les amas d’épées du pont de la Thièle, à Port près Nidau; j’admets
certaines différences dans le type des fibules ou autres parures trouvées
dans les diverses stations du premier âge du fer. Mais j’attends pour adopter définitivement
cette division, très jolie, très commode, mais qui ne me paraît pas-,
nécessaire, qu’un nombre plus considérable de faits nous ait prouvé qu’il ne
s’agit pas simplement d’apparitions locales ou individuelles. Les enchaînements
historiques ne me semblent pas réclamer impérieusement cette subdivision,
archéologique; rien n’exige qu’un peuple de civilisation hallstadtienne ait vécu, en
Suisse, entre les Palafitteurs qu’il aurait anéantis et les Helvétiens de la Têne ou
•de la Tiefenau. Je trouve même certaines difficultés à localiser, dans les quelques
siècles qui séparent les derniers Palafitteurs des dates de l’histoire écrite,,
les deux peuples du premier âge du fer, les gens de Hallstatt avec leurs tumulus
et les gens delà Têne avec leurs cimetières en terre libre. Ces derniers étaient incontestablement
les Helvétiens de César. Pourquoi les hommes de Hallstadt n’auraient
ils pas été, eux aussi, des Gàulois, d’une autre tribu établie plutôt dans le-
nord et le nord-est de l’Helvétie? — Le Dr Al. Schenk, directeur du Musée d’ar-
cliéologie de Lausanne auquel j’ai soumis les épreuves de ces pages, approuve em